Si la Suisse assainissait la totalité de son parc immobilier résidentiel, elle consommerait près d’un dixième d’électricité en moins. En particulier en hiver quand les pompes à chaleur tournent davantage et lorsque les risques de pénurie d’électricité sont plus importants. C’est ce qu’affirme la Haute Ecole de Lucerne (HSLU) dans une étude publiée mercredi et mandatée par Flumroc, une entreprise spécialisée dans l’isolation thermique, qui siège dans le canton de Saint-Gall.
On savait déjà qu’un renforcement de l’isolation des biens immobiliers permettrait de faire des économies. Désormais, on dispose de chiffres, et ils sont importants. Selon la HSLU, si tous les biens immobiliers résidentiels avaient remplacé leurs chauffages au mazout, au gaz et électriques par des pompes à chaleur, ils consommeraient en tout 11,5 TWh par an. S’ils étaient tous correctement isolés, ce chiffre baisserait de 5,3 TWh. Ce qui correspond selon nos calculs à 9,2% des 57,5 TWh d’électricité que les Suisses ont consommés en 2024.
Enjeux majeurs
«L’isolation thermique permet de réduire le besoin de chaleur des bâtiments résidentiels de près de 50% en moyenne car les pompes à chaleur doivent fournir moins de puissance pour maintenir l’intérieur chaud», affirme le directeur de Flumroc, Damian Gort. Les enjeux sont majeurs: en Suisse, le parc immobilier représente 44% de la consommation d’énergie et un million de maisons doivent être assainies d’urgence, selon l’Office fédéral de l’énergie (OFEN).
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La baisse pointée par la HSLU est d’autant plus significative qu’elle permet surtout d’économiser de l’électricité l’hiver, quand cette dernière est le plus susceptible de manquer. Une pompe à chaleur consomme beaucoup d’électricité, particulièrement à cette saison. Les économies générées par une bonne isolation sont d’autant plus importantes si on diminue d’un ou de deux degrés la température de son bien l’hiver, comme le Conseil fédéral le recommandait durant la crise énergétique.
Dans le cadre des mesures d’allègement budgétaire 2027, Berne envisage pourtant aujourd’hui de réduire la voilure du «Programme bâtiments» de l’OFEN, qui subventionne depuis 2010 la rénovation énergétique des bâtiments en Suisse.
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Une mesure que Damian Gort juge «incompréhensible» car les autorités ont intérêt à encourager la promotion de l’isolation thermique, d’autant plus qu’il est admis que près de 6 TWh manqueront ces prochaines années l’hiver en Suisse, une électricité qui devra être importée au prix fort. Selon lui, assainir l’enveloppe des bâtiments engendre des économies mais bénéficier de subventions dans ce cadre reste «indispensable».
Contactée, la porte-parole du programme, Sandrine Klötzli, affirme que des discussions entre les cantons et la Confédération sont en cours pour trouver des solutions. Elle indique qu’en cas de réduction des moyens du programme, ses objectifs en matière d’économies d’énergie ne pourront pas être atteints ou très difficilement.
«Décisions politiques»
«Si le soutien financier ne suffit pas, il faudra rapidement que les cantons imposent aux propriétaires immobiliers des objectifs contraignants quant à la date à laquelle les bâtiments doivent atteindre une classe d’efficacité énergétique minimale et passer aux énergies renouvelables, dit-elle. La suite revient aux décisions politiques.»
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L’étude mandatée par Flumroc porte uniquement sur les bâtiments résidentiels, qui représentent à peu près les deux tiers du parc immobilier suisse. En tenant compte du tiers restant, les économies d’électricité seraient plus importantes encore.
En Suisse, 54% des logements étaient chauffés au mazout ou au gaz en 2023, malgré le constant recul du premier ces quarante dernières années, selon l’Office fédéral de la statistique. Un bon cinquième du bâti était raccordé à une pompe à chaleur, une part en forte hausse, tandis que le bois et l’électricité chauffent un autre petit cinquième des biens immobiliers du pays.