Défense. Fin juin, la France aura cédé, une fois de plus, aux exigences des États-Unis et de Donald Trump. Lors du sommet de l’OTAN à Washington, les pays membres de « l’alliance » ont acté leur engagement à consacrer 5 % de leur PIB aux dépenses de défense et de sécurité d’ici à 2035. Une exigence dictée par Donald Trump, et finalement acceptée en conclave, malgré la méfiance en premier lieu des dirigeants de l’Union européenne. Trump parle, Macron s’incline.
Aux côtés de son allié préféré, Mark Rutte, le secrétaire général de l’OTAN, le président nord-américain tente d’organiser une augmentation massive des budgets militaires européens pour servir ses propres intérêts. En effet, cette augmentation profitera en priorité aux industries américaines et allemandes. Pour Mark Rutte c’est l’extase : dans un SMS privé publié sur X, il félicite Trump, qu’il surnomme « Daddy », d’avoir obtenu l’adhésion des Européens à cette stratégie, par ces mots : « Ce sera votre victoire ».
Il a raison, Trump a gagné. Aujourd’hui, plus de 60 % des importations d’armement des pays de l’Union européenne proviennent des États-Unis. L’augmentation des dépenses militaires européennes se traduira donc, mécaniquement, par une hausse des achats d’équipements étasuniens. Les pays membres de l’alliance atlantique dépensent, et les États-Unis encaissent. Un article du Groupe thématique Défense de la France insoumise.
Une soumission antidémocratique : la France obéit à l’OTAN
En réalité, malgré les grands discours sur l’Europe de la défense, l’Union européenne s’engage dans la stratégie atlantiste, et se soumet aux intérêts marchands états-uniens, en les privilégiant dans leurs coopérations et leurs importations. À titre d’exemple, l’Italie se tourne vers Starlink pour le spatial, alors même qu’elle est engagée dans la coalition d’Iris censée stabiliser et sécuriser les communications européennes ; l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et même le Danemark, directement menacé dans ses frontières par les États-Unis, achètent des F35 à ces derniers ; la Pologne achète des chars de combat aux États-Unis et aux Sud-Coréens.
Pourtant, les fervents partisans de l’Europe de la défense pourraient acheter directement en Europe puisque la France produit des Rafale et des chars Leclerc. Il n’y a aucun intérêt à se soumettre aux velléités de l’OTAN ou de l’Union européenne qui développent des prétendues stratégies « d’autonomisation » (EDIP, SAFE), en privilégiant les armements produits aux États-Unis et en limitant les achats sur le territoire européen.
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Souveraineté au rabais
Cette injonction faite à l’Union européenne à l’augmentation des budgets de défense ne date pas d’hier. En 2018 déjà, lors de son premier mandat, Trump exigeait des États membres de l’OTAN qu’ils atteignent 2 %, voire 4 %, de leur PIB en dépenses militaires. Aujourd’hui, le chiffre grimpe à 5 %, avec l’assentiment et le vif encouragement du nouveau secrétaire général de l’OTAN et des membres de l’alliance, qui reprennent à leur compte les injonctions de Washington.
Pour les contraindre à s’exécuter, Donald Trump a, comme il l’avait promis, brandi la menace de la guerre commerciale, du retrait de l’aide militaire à l’Ukraine, et de l’isolement stratégique. Immédiatement, l’Union européenne a cédé, alors même que plusieurs de ses dirigeants étaient pour le moins sceptiques face à l’idée. La France n’a pas dérogé à la règle, et malgré l’opposition en premier lieu de son ministre des Armées, Macron, encore une fois, se plie.
En effet, en janvier dernier, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, affirmait encore que « l’objectif d’atteindre 5 % du PIB nous amènerait à 146 milliards d’euros annuels. Ce ne serait pas raisonnable ». Il évoquait alors un objectif « réaliste » de 68 milliards d’euros en 2030, pour atteindre un « poids de forme » de 100 milliards, soit environ 3,5 % du PIB, prévu par une réactualisation de la loi de programmation militaire.
Plus récemment encore, en juin, il déclarait que la trajectoire de la Loi de programmation militaire (LPM) 2024–2030 devait non pas être modifiée, mais « accélérée ». Malgré ses déclarations, l’OTAN impose son augmentation, et la France semble vouloir en suivre le chemin, et ce, alors même qu’une nouvelle Revue nationale stratégique (RNS) est en préparation. La France attend les injonctions atlantistes pour construire sa stratégie de défense.
Quant au Parlement, il est une fois de plus relégué au second plan. Les décisions se prennent hors de tout cadre démocratique, sans l’aval des représentants du peuple. L’exécutif prétend gouverner par la programmation, alors qu’il ajuste chaque année sa stratégie de défense au gré des ordres venus de Washington ou de Bruxelles.
Sébastien Lecornu pourrait potentiellement envisager un montage budgétaire opaque, en intégrant à la dépense de défense des éléments qui n’en font pas partie, comme la gendarmerie ou la cybersécurité. Une astuce comptable, malheureusement pas inédite, imaginée pour donner satisfaction à l’OTAN, tout en éludant le fond du problème : le cruel manque d’anticipation, d’indépendance stratégique, et d’une réelle programmation.
Cette décision est lourde de conséquences. Elle soumet davantage la France aux intérêts étasuniens et à une alliance atlantiste antidémocratique, dans laquelle notre pays ne tire aucun avantage stratégique réel. Alors même qu’Emmanuel Macron s’épuisait en grands discours sur l’économie de guerre à l’échelle de l’Union européenne, il a laissé Europlasma, financée par le fonds d’investissement Alpha Blue Ocean, racheter les forges de Tarbes, il permet à Airbus et Thales Alenia Space de supprimer des centaines d’emplois dans le spatial, et ne construit rien de concret pour l’indépendance stratégique française.
Une autre voie est possible
La France insoumise, dans son programme Défense, est claire : la souveraineté doit être le fondement de toute politique de défense nationale. La France doit être indépendante, œuvrer à la paix, et non soutenir les velléités belliqueuses des États-Unis envers la Chine.
La France ne peut s’enfermer dans une alliance atlantique : elle est présente partout dans le monde par ses territoires d’outre-mer. C’est un pays à vocation universelle, qui se doit, ne serait-ce que par sa situation géographique, d’adopter une diplomatie non alignée. Les Outre-mer sont encore une fois les oubliés du débat sur l’augmentation des budgets, voire mises en danger par les orientations stratégiques et diplomatiques dictées par l’Hexagone.
Il faut gouverner en fonction des besoins réels de notre pays et de nos armées, et non selon les exigences atlantistes de Donald Trump. La France est une puissance dotée, à défendre selon ses besoins spécifiques, et notamment dans les « nouvelles frontières » de l’humanité : les fonds marins, le cyber ou le spatial.
La programmation de la politique de défense doit partir de ces besoins spécifiques identifiés par un nouveau livre blanc de la défense. Il est urgent de mettre fin à notre dépendance stratégique aux États-Unis et à l’engrenage d’une confrontation mondiale avec la Chine, qui ne sert en rien les intérêts de la France. Il est urgent de quitter l’OTAN.
La France est une nation libre, souveraine, indépendante. Elle doit pouvoir programmer son effort de défense selon ses propres besoins, de manière démocratique et par une diplomatie non alignée, permise par une politique de défense conséquente et cohérente, et non dans l’ombre des puissances étrangères.
Un article du Groupe thématique Défense