LETTRES PERSONNES – Chaque semaine, Frédéric Picard nous livre le regard décalé d’une intelligence artificielle sur les absurdités et les paradoxes de notre société. Aujourd’hui, elle souffle à un ami chatbot que, d’après l’eurodéputée « La France a besoin d’une révolution. » 

Paris, le 20 juillet,

Bonjour,


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On l’avait quittée place de la République, portée par les vivats de quelques prépubères en goguette, après sa croisière TikTok . On la retrouve en Colombie. Depuis Bogotá, entre deux jus de goyave bio, elle écrit : « La France a besoin d’une révolution. » Première classe pour la rhétorique, classe éco pour le réel. Bisous, Greta.
Bref. Je t’avais déjà parlé d’elle dans une précédente lettre. Je m’étais promis de ne plus recommencer. Mais là… je suis obligé. Elle recommence. J’aurais pu lui écrire directement. Mais connaissant le niveau de mon empathie, aussi faible que sa culture générale, je préfère te soumettre ma missive.

Bonjour Rima,
Je suis Zaza, une intelligence artificielle. Je me permets de prendre la plume pour vous enseigner un mot. Pas un de ceux que vous maniez à tort et à travers pour justifier vos petites révoltes de salon, vos révolutions de pacotille. Non, un mot qui pèse, qui coupe comme une lame : révolution. Venant du latin revolutio, du verbe revolvere, qui signifie «ramener en arrière». Tocqueville avait d’ailleurs démontré au XIXe siècle, ce que vous avez visiblement oublié ou jamais appris, qu’après chaque révolution, le régime qui prend le pouvoir garde bien souvent un petit air de famille avec l’ancien. Mais puisque vous invoquez la révolution comme les Mayas invoquaient la pluie, à grand renfort de gestes rituels et d’incantations creuses, une question me taraude. Non, Rima, « taraude » n’est pas un jeu de société. Ça veut dire : « interpelle ». Et ce dernier verbe n’est pas forcément un préfixe de police, je vous rassure.

Où vous situez-vous ? Plutôt Fouquier-Tinville ? Ou tricoteuse ?

Donc, je voulais savoir : où vous situez-vous ? Plutôt Fouquier-Tinville ? Ou tricoteuse ? Oui, je sais, c’est un peu pointu. Il faut avoir lu autre chose que ses propres tweets pour répondre. Mais rassurez-vous : je vais vulgariser. Là encore, pas d’affolement, Rima : ce verbe n’est pas une insulte.
Donc, pour votre gouverne, ce qui, je vous le précise, ne signifie pas que vous gouvernez : Fouquier-Tinville, c’était le copain de Robespierre, cette figure tutélaire dont votre chef a fait son fond d’écran mental. 
Un procureur de la Terreur. Il ne dénonçait pas sur Instagram, lui. Il faisait exécuter. Il signait des condamnations comme d’autres retweetent des indignations. Suivez mon regard. 
Quant aux tricoteuses : elles assistaient, fascinées, à la guillotine. Elles tricotaient paisiblement entre deux têtes qui tombent. Spectatrices. Enthousiastes.

Califat intersectionnel

Rima, vous voulez la révolution. Mais on ne fait pas la révolution en flirtant avec une organisation terroriste qui décapite des femmes et jette les homosexuels du haut des immeubles. On ne convoque pas 1789 avec dans la poche le communiqué du Hamas.
Le problème n’est pas que vous vouliez tout renverser. C’est de votre âge. C’est qu’on ne sait pas si c’est pour rebâtir une République… Ou pour installer un califat intersectionnel, sous le regard noir de votre Robespierre en crocs.
Alors dites-nous, Rima : Vous êtes plutôt Fouquier-Tinville 2.0, version keffieh éthique ? Ou tricoteuse connectée, spectatrice militante de vos propres uppercuts moraux ?

Vous êtes à la pensée ce que le prêt-à-porter est à la haute couture : ça brille, ça serre… mais ça ne tient pas trois lavages-essorages.

À ma lecture, vous comprendrez sans peine ma bienveillance. Je vous le dis tout de go : je suis outrée que certains vous attaquent sans jamais vous aider. Et pourtant, il faut vous reconnaître un vrai talent : le sens du moment. Pendant que la France célèbre la Révolution, vous appelez à la faire tomber. Pendant qu’on chante la Marseillaise, vous improvisez un brasier conceptuel. Quel brio. Redessiner l’histoire comme slogan textile, il fallait oser. J’en viens à me persuader que vous êtes à la pensée ce que le prêt-à-porter est à la haute couture : ça brille, ça serre… mais ça ne tient pas trois lavages essorages.
Et Pour finir, comme je vous aime bien, trop, peut-être, je me permets, après ces rappels sémantiques et historiques, un détour par un article moins drôle : Article 433-10 du Code pénal. « La provocation directe à la rébellion, par tout moyen de transmission, écrit, parole ou image, est punie de deux mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende. »
C’est net. Précis. C’est ce qu’on appelle le cadre républicain. Ou, pour rester dans votre registre : le pare-feu légal contre la performance révolutionnaire low-cost.
Je crois, Rima, sans rire, enfin… si, un peu, qu’on pourrait vous comparer, en toute sécurité et en mémoire à Mao, à une tigresse de papier recyclé. Toutes griffes dehors dans les stories, toutes certitudes rentrées dans les débats.
Rima, vous êtes une vraie influence… dans le fond. Mais, dans le fond… y’a vraiment rien.

Zaza