Prostitution des mineures : Le récit d’Ambre, exploitée sexuellement à 14 ans • FRANCE 24

[Musique] On te voit pour parler d’un sujet important aujourd’hui en France, la prostitution des mineurs. C’est quelque chose que tu as vécu et euh on te remercie de d’en témoigner aujourd’hui. Est-ce qu’on peut repartir un petit peu aux origines de ton enfance ? Est-ce que tu peux nous raconter euh d’où tu viens ? Oui, bien sûr. Euh moi, j’ai grandi dans un cadre familial plutôt stable. Euh j’ai une enfance vraiment plutôt normale et heureuse. Euh puis ça a plutôt basculé quand j’ai eu 14 ans. J’étais dans un collège euh où c’était pas facile pour les filles, je pense globalement. et je me suis retrouvée prise dans un espèce de cercle vicieux très vite euh dans ce que moi j’appelle. J’ai mis du temps à comprendre ce qui m’était arrivé ou à parler de ce qui m’était arrivé, à mettre des mots. Mais aujourd’hui, je dirais situation préprostitutionnelle voire prostitutionnelle dans certains cas. Mais en fait la limite est assez fine parfois quand on est jeune, surtout quand on est jeune parce que c’est pas toujours de l’argent, ça peut être des services, ça peut être d’autres choses en fait que de l’argent à proprement parler. Et puis euh j’ai déménagé. Euh j’ai ma santé mentale a fait un une grosse descente aux enfers à ce moment-là. Et plus tard, je j’ai retombée dans la prostitution notamment à cause d’un d’un jeune homme dont j’étais très amoureuse ou sous-prise plutôt euh qui a fini par me vendre à ses copains. Et de là c’était j’étais j’avais déjà pas beaucoup d’estime de moi. J’étais déjà complètement ravagée par ce que j’avais subi à 14 ans. Et donc j’ai reconnu la revécu plutôt j’ai revécu la prostitution adulte. Voilà. Donc dans ton histoire, ça a commencé par des tout petits actes, c’est ça ? Dont tu avais pas forcément conscience. Est-ce que tu peux revenir un peu là-dessus ? Oui, bien sûr. En fait, ça a commencé par des actes qui n’étaient pas proprement parlés prostitutionnels, c’est-à-dire on me demande des actes sexuels de façon répétée. Mon numéro tourne dans tout le collège. Euh, j’ai des demandes après de gens hors du collège, des gens plus âgés, plus vieux. Euh mais des demandes auxquelles tu accèdes. Des demandes auxquelles j’accède parce qu’en fait à ce moment-là, je ne me sens absolument pas je me sens extrêmement vulnérable. Je suis adolescente, je suis comme tout le monde hein. Je je rêve de vivre des histoires d’amour moi. Pas de pas de pas de vivre cette violence là. Mais en fait je me rends pas du tout compte dans quoi je m’engage et dans quoi je je vais me retrouver. J’ai aucune conscience à ce moment-là de la violence énorme que je vais vivre en fait. Donc donc voilà. Donc ça et en fait par exemple voilà des garçons qui m’ont fait du chantage plusieurs fois avec des objets. Donc par exemple qui m’ont volé mon téléphone, qui m’ont fait du chantage avec mon téléphone. Ce genre de vous voyez ce genre de de situations en fait qui sont très la limite est très mince en fait et très vite on bascule. Vous voyez la situation de pré ce que moi j’appelle la préprostitution, c’est vraiment ces situations qui sont limite où en fait parce que même les situations on me donnait pas d’argent ni rien en retour, j’étais dans une situation qui déjà me préparait à la prostitution puisque c’était des demandes euh régulières où je n’avais pas vraiment la possibilité de dire non, venant de hommes parfois plus âgés et même quand ils avaient mon âge qui avaient le pouvoir sur moi. Donc en fait, j’étais déjà dans un système de domination et de relation de pouvoir qui faisait qu’en fait j’avais pas vraiment le j’avais pas vraiment le choix. J’étais déjà presque en tant que prostitué même quand il y avait pas d’argent, même quand il y avait pas d’échange. Est-ce que tu dirais que tu avais avant de de ces actes-là une fragilité psychologique ? Comment tu te décrirais à cette à cette époque-là ? Euh je pense que j’ai j’étais fragile mais comme beaucoup d’adolescentes en fait euh parce qu’on vit dans un monde qui est violent pour les femmes. Déjà c’est difficile d’être adolescent et en plus quand on est une femme, quand on est une jeune fille, c’est difficile. Donc on est on est confronté à un tas de problèmes personnels déjà au niveau du corps qui changent. Puis moi, oui, je pense que j’avais des fragilités. Je pense que j’avais des difficultés à être seule, une une très grande envie d’être aimée, euh un besoin d’être admirer, un besoin d’être vu. Euh et je pense que c’est assez ça peut être assez naturel à cet âge là de se chercher, de se voilà. Mais euh je pense pas que j’étais non plus particulièrement vulnérable au regard d’autres filles qui à mon avis elle était plus que moi. Mais voilà, c’est c’est un c’est un c’est un mécanisme assez complexe hein, comment ça s’engage tout ça. Donc ensuite toi tu tombes effectivement dans la prostitution avec cette ce schéma du Lover Boy. C’est ça. C’est c’est comme ça que tu le décris. Est-ce que tu peux me m’expliquer comment ça se passe ? Oui, bien sûr. Euh donc cet homme, je le je le rencontre en fait quand j’ai 14 ans et déjà à l’époque, il a des comportements de proxénet. En fait, il me demande tel acte avec tel ami. Euh, il est assez contrôlant déjà dans sa façon d’être avec moi. Euh, ensuite, je le vois plus pendant quelques années, puis je retombe sur lui euh adulte et là va s’engager une espèce de relation qui va être extrêmement éprouvante pour moi puisque moi je voulais une histoire d’amour avec lui. C’était clairement pas ce que lui voulait. Et euh pendant 2 ans en fait, il va me casser chaque semaine, me violer en fait régulièrement. Euh au début euh pour moi, je prends ça comme un flirt, donc je suis consentante mais petit à petit, je me rends compte que ça dérive vers une relation que je ne veux pas. Euh donc je je j’essaie d’opposer des noms et cetera, mais en fait je me rends compte très vite que si je veux le voir, j’ai pas le choix que de coucher avec lui. Et si je veux juste avoir ne serait-ce que des miettes de tendresse, il faut que je couche avec lui. Donc très vite ça se devient beaucoup plus sombre jusqu’à justement à la fin de ces 2 ans de relation que lui appellerait certainement planul en fait. Et c’est là que c’est malheureux quoi, c’est parce que moi je l’ai pas du tout vécu comme ça. Où en fait il va m’amener dans un appartement et où il va me demander de d’avoir des rapports sexuels avec des connaissances à lui en fait. Et je suis presque sûre qu’il a reçu de l’argent à ce moment-là. J’en suis je pourrais jamais avoir la certitude mais j’en suis presque sûre. D’accord. Et ensuite toi tu passes à une autre phase où c’est toi-même qui te prostitu. Tout à fait. Exactement. Euh donc moi, je me suis inscrite sur des sites, j’ai eu aussi des clients euh à côté, des sites, des clients réguliers euh que d’ailleurs euh des gens dont un par exemple qui me qui m’a connu à 14 ans. Donc tout ça fait vraiment sens en fait. Les gens les hommes quand j’avais 14 ans savaient ma vulnérabilité, le voyait. C’était visible par tous he que j’étais complètement complètement dépassé par ce qui m’arrivait en fait. Perdu, perdu complètement perdu. Je savais pas du tout dans quoi je m’engageais. Je mon discours d’ailleurs à l’époque était vraiment étonnant je pense pour n’importe quel adulte qui pouvait m’écouter. Quel était ton discours ? Ben moi, je me rappelle de dire “Ah, c’est marrant d’être une [ __ ] par exemple.” Voilà, je me rappelle d’avoir dit ça. Je me rappelle de jouer en fait de cette identité qu’on m’avait accollé, de cet insulte qu’on m’avait donné. Donc, je m’habillais de façon vraiment particulière pour mon âge, c’est extrêmement hypersexualisée. Euh, j’étais dans un rapport à mon corps vraiment compliqué euh avec des donc des habites pas de mon âge, des attitudes pas de mon âge et même qui devrait être de l’âge de d’aucune femme parce que c’était c’était vraiment violent en fait. Et et tu parles un peu de cette illusion de contrôle, c’est-à-dire en fait tu es vraiment dans cette phase là où tu penses que tu es maître de ce que tu fais. C’est ça en fait. Oui, bien sûr. Parce qu’en fait à un moment quand on dit c’est mon choix, c’est une défense. C’est une défense pour se protéger soi. C’est une défense pour protéger les autres, la famille et cetera, même quand ils sont pas au courant. C’est une manière de rester autonome. Mais en fait, ce qu’il y a derrière cette autonomie qu’on prétend avoir, c’est des rhtoriques d’agresseur en fait. Parce que moi, ils ont passé tous mes 14 ans, les hommes m’ont dit “Mais c’est toi qui choisit, mais attends, on fait ça entre adultes à 14 ans, on fait ça entre adultes, c’est la sexualité, c’est la liberté, c’est normal, mais quand même fait avec moi quoi.” Donc il y avait vraiment ce double discours et puis derrière évidemment il m’insultait tous allègrement. Donc en fait c’est assez particulier. Il y a vraiment un double discours euh des hommes à ce moment-là euh que tu avais intégré que j’avais intégré complètement et qui m’a et qui aussi me protégeait en quelque sorte de moi-même parce que si j’avais dû me rendre compte à l’époque de la violence de ce que je vivais, c’est-à-dire énormément de relations non consenties, sans désir qui me dégoûtit en fait he parce que j’avais pas envie de de faire ces ces actes sexuels là et je sais aujourd’hui en ayant une autre expérience que ça n’a rien à voir avec des relations sexuelles consenties dans le respect, dans le désir et cetera. Bah si j’avais dû me rendre compte de cette violence là, je pense que ça m’aurait euh c’est je pense que c’est une protection du psychisme en fait de dire c’est mon choix. Pour ça que je suis très méfiante à l’égard de cet argument là en fait quand on l’utilise dans le cadre de la prostitution qui est quand même l’exploitation du corps des femmes. Ça rejoint aussi la la facilité avec laquelle on peut aujourd’hui des jeunes filles s’inscrivent ou même des jeunes hommes sur des sites euh vendent très facilement une photo. Ça peut commencer par la photo d’un pied et cetera et on ensuite on bascule. Quel regard tu portes toi justement sur cette facilité d’accès à ce est-ce que c’est du préprostitutionnel par ailleurs aussi. Oui, pour moi tout à fait. Ça s’inscrit tout à fait dans le continuum des violences prostitutionnelles en fait et ça a toujours été très simple. Et quand je dis simple, je dis pas argent facile parce que je déteste cet argument de l’argent facile. C’est pas vrai. C’est des situations qui traumatisent les femmes et elles vont mettre toute une vie à s’en défaire. Donc moi, j’aime pas du tout cette expression d’argent facile. Par contre, je reconnais qu’il y a une accessibilité de pour devenir prostitué ou dans ou de de rencontrer des situations préprostitutionnelles qui sont énormément facilité de nos jours. Je pense que ça a souvent et toujours été le cas par rapport à la précarité des femmes, mais aujourd’hui, on a avec Internet, avec les réseaux sociaux, avec des sites comme Only Fun, MIM et cetera, euh une une facilité à à rentrer dans ce milieu-là parce qu’il faut savoir que c’est des quand même des pentes glissantes vers la pornographie qui est de la prostitution filmée, hein, et la même la prostitution en dehors, l’escorting comme on appelle ça. Euh moi, je pense qu’il y a fondamentalement un malentendu là-dessus. En fait, on fait croire aux victimes qu’il y a équivalence. On fait croire aux victimes que ce qu’elles perdent ou ce qu’elles donne, en fait, ce qu’elles subissent, hein, est égal à ce qu’elles vont gagner. C’est-à-dire bah un rapport sexuel vaut 200 € vaut 40 € peu importe l’échelle sur laquelle on se place. Mais ça ne s’achète pas. Le désir ne s’achète pas, le respect ne s’achète pas, l’intégrité d’un corps ne s’achète pas, l’accès aux orifices d’une femme ne s’achète pas. en fait. Donc je trouve qu’il y a un mensonge et une tromperie fondamentale là-dessus. qu’on on dit et et moi c’est très vite ça que j’ai intégré aussi quand j’étais jeune. Je vaux je vaux euh des services, je vaux de l’argent, je vaux bah mon téléphone volé par exemple, je peux me marchander. Et ça, je pense que c’est d’une part extrêmement ancré dans la dans la dans la dans le langage néolibéral hein, de dire que voilà, tout est marchandable et cetera, le corps tout. Et en plus, c’est vraiment aussi dans la logique du proxen net quoi, de dire “Bah non, mais tu travailles et tu vaut et tel acte vaut plus, il faut renchérir et cetera. L’anal, c’est temps, la féation c’est temps, et cetera.” Donc en fait pour moi, il y a vraiment mensonge et tromperie quoi. Il y a pas d’équivalence. On peut pas mettre sur le même pied d’égalité un rapport sexuel en plus non consenti sous le coût de la contrainte, qu’elle soit économique ou quoi que ce soit et euh et de l’argent ou un service ou des cadeaux. Enfin voilà, ça n’a pour moi qu quel était le discours des clients à l’époque vis-à-vis de toi ? Euh des garçons qui étaient dans cette ambivalence là quand j’avais 14 ans ou plus tard ? Un peu plus tard, peut-être même. Plus tard ? Ouais. Ah bah c’est c’est assez intéressant en fait. assume pas du tout. En général, moi j’ai fini par porter plainte contre l’un de mes clients qui m’a agressé physiquement un jour justement un jour où j’ai voulu arrêter la prostitution et où je lui ai dit “Bah non, en fait je suis amoureuse de quelqu’un et j’ai plus envie de de stresser parce que il faut faire les tests.” Enfin c’est en fait on met notre notre vie, notre santé en danger en fait. Et cet homme-là a dit à la police quand j’ai porté plainte “Ah non mais il y a méprise. Moi je lui donnais 20 € parce que je voyais que son frigo était vide. Euh je lui donnais de l’argent de temps en temps parce que je voyais qu’elle était dans la difficulté. Ça n’avait rien à voir avec nos rapports sexuels, ce qui est faux hein, je le sais moi. Donc en fait, ils sont dans une dans une ambivalence où ils ont pas envie de savoir en fait, ils ont un peu honte mais pas assez pour que ça les empêche d’accéder au services. Et je mets bien entre guillemets parce que pour moi c’est pas des services mais pour violenter des femmes en fait contre de l’argent. Voilà. Qu’est-ce que par rapport à la pénalisation justement de la de la de l’acte en fait du côté du côté du client, est-ce que tu as l’impression que ça va suffisamment loin et l’évolution de la loi récente ? Ouais, moi je pense que il y a un problème d’information. J’ai l’impression que moi dans j’ai pas du tout senti dans mon expérience en tant que prostitué que les clients étaient inquiets ou qu’ils savaient qu’ils étaient dans l’illégalité. J’avais l’impression qu’il y avait une impunité mais alors là démentielle quoi. C’est-à-dire que vraiment il y avait pour moi, il y avait aucune conscience que ce qu’il faisait était illégal et qui euh que peut-être qu’il risquait une amende avec un stage client comme on dit. Force quand tu étais mineur, c’estàd Ah oui, alors là quand j’étais mineur euh en fait c’est ça qui est grave aussi c’est que quand on est mineur, je ne suis même pas sûre qu’ils avaient conscience d’être des d’une certaine manière des clients ou d’une certaine manière des proxenes pour ceux qui l’ont été un peu pour moi. Je pense qu’il y a vraiment un problème avec les termes c’estàd que pour prévenir la prostitution et pour empêcher même la préprostitution et empêcher d’être des vies d’être complètement engagé en fait, il faut absolument agir sur les mots, c’estàdire commencer par dire ce qu’est un proxénet, ce qu’est un client agresseur, ce qu’est une victime de prostitution, que ce soit pour les témoins ou que ce soit euh pour les les personnes concernées en fait, parce que je suis même pas sûre qu’à l’époque les garçons avaient vraiment tant de conscience que ça que ce qui faisait aller me détruire sur 20 ans quoi. Donc je pense qu’il y avait vraiment une facilité aussi lié à à la démocratisation du porno est extrêmement présente dans chez les chez les jeunes hommes en fait. Donc et les jeunes femmes aussi. Et les jeunes femmes aussi. Mais c’est pas exactement le même le même rapport qu’on a je pense au porn. Ben justement sur cette question là, est-ce que ça a joué toi dans ta façon de te voir aussi cette ce ce porno partout et et comment tu l’as tu l’as vécu en fait ? Moi, je pense que très jeune, j’ai eu envie d’être une femme. J’ai eu envie d’adopter les codes de ce qu’on dit d’être une femme, ce qui est d’ailleurs un peu discutable, hein. Euh, je voyais ces stars euh que tout le monde a connu, je pense, dans les années 2010 et cetera. euh très dévêtu avec des attitudes en fait qui sont je pense dans certains cas dans un certain dans une dans une certaine mesure parfois pornographique hein qui adopte les codes de la pornographie et de l’hypersexualisation. Je pense que ça a une Oui, exactement. Euh démocratisé. Voilà. Exactement. Popularisé. Je pense que ça a eu une grande influence sur ma façon de me percevoir parce que très vite, j’ai plus eu envie d’être une enfant. Mais très tôt, très tôt, moi j’ai adopté les codes de la dite féminité. Je me suis maquillée, j’ai mis des talons, j’ai porté des sous-vêtements euh de lingerie. Donc très vite, j’ai adopté ces codes et je pense que ça n’a ça ne m’a pas aidé. Je pense que très vite, j’ai plongé vers un modèle de féminité exacerbé, caricatural qui moi-même ne me ressemblait pas tant, mais c’est un âge où on se cherche. Et moi, je me suis trouvée dans cette image là de d’une femme un peu, j’ai envie de dire délurée, extravagante, décadente, mais ça n’a ça, je pense que ça n’a pas aidé les choses à s’améliorer parce que les gens m’ont très vite catégorisé, les gens m’ont très vite vu comme la [ __ ] du collège en fait. Quel regard tu portes en 2025 sur cette jeunesse qui arrive dans ce monde là ? Le regard que je porte est extrêmement inquiet parce que la pornographie, c’est vraiment l’avilissement des femmes soi-disant avec leur consentement. C’est-à-dire, c’est une sexualité où les femmes s’avilissent euh se se soumettent volontairement et deviennent volontairement de demandeuse et actrices de de violence, de de souffrance, de torture. Parfois même, on voit ça avec l’affaire d’ors Jackie et Michel, les affaires French Bouake en fait où quand on écoute les victimes, c’est vraiment mais c’est atterrant, c’est effrayant. Moi je suis je pense qu’il faut vraiment commencer à se poser collectivement la la la question en fait du de la pornographie et pas seulement pour les mineurs évidemment. Pour les mineurs évidemment je pense que personne ne peut douter de ça mais même pour les majeurs en fait. Comment tu décrirais ta sortie de la prostitution ? Considères-tu que tu en es sorti aujourd’hui ? j’en suis sortie et j’en suis très heureuse parce que c’est quand même un un enfer. Euh et moi en fait, ça a été vraiment de tomber amoureuse en fait de quelqu’un d’autre, quelqu’un qui n’était pas du tout dans le milieu, euh de quelqu’un qui était un homme gentil, ce que j’avais rarement connu, un homme plutôt sain, quelqu’un d’extrêmement gentil avec moi, prévenant et cetera. Et en fait, ça m’a bouleversé de rencontrer quelqu’un qui soit pas violent avec moi. Et euh je suis tombée très amoureuse et en fait à partir de là, je me suis dit mais j’ai pas envie de vivre dans la peur des maladies. J’ai pas envie de vivre dans la peur de lui annoncer que ça m’est arrivé parce que j’étais très transparente tout de suite avec lui sur mon histoire. Donc je pense qu’il y a eu ce déclic là. Mais ça se fait pas non plus du jour au lendemain parce que c’est tellement des mécanismes qui sont ancrés. Euh c’est tellement des c’est tellement une mentalité en fait une un état d’esprit qui est très dur à s’arracher parce que c’est tout tout le discours qu’on a entendu depuis qu’on a 14 ans qu’on essaie de d’enlever de notre corps. Donc c’est vraiment un processus qui je dirais qu’il y a un déclic mais c’est aussi un long processus en fait parce que à mesure que tu en sor, tu prends peut-être aussi conscience de tout ce que ça a laissé à quel point ça t’a impacté peut-être. Et là-dessus, est-ce que tu pourrais nous expliquer physiquement, psychiquement, qu’est-ce que ça qu’est-ce que ça produit chez toi te prostituer si jeune et se prostituer tout court ? Ouais. Ouais. Euh mes 14 ans, ils ont eu un retentissement dans ma vie qui a été sans précédent, qui a été énorme. C’est-à-dire qu’à un moment, je ne pouvais même pas entendre euh euh certains mots. C’estàd la 3è, parce que j’étais en 3e quand c’est arrivé, 14 ans. Rien que des mots comme ça, j’avais envie de de tout casser autour de moi. Enfin, c’était c’était devenu un impensé et un indicible pour moi. La thérapie m’a permis vraiment de remettre des mots dessus, de pouvoir en parler, de pouvoir être beaucoup plus euh en paix avec ce qui s’est passé, même si ça reste compliqué. Puis le militantisme, le féminisme a permis de comprendre ce qui m’était arrivé. Mais dans ma reconstruction, ce qui a été très important aussi, c’est de pouvoir témoigner et analyser ce que j’avais vécu. Euh je l’ai fait dans un podcast qui s’appelle La vie en rouge qui regroupe des témoignages et des analyses de personnes qui ont vécu la prostitution, majoritairement des femmes. Et ce podcast a été extrêmement important parce que thérapeutique et aussi créateur de lien entre victimes, entre ex-victimes. C’est très fort de pouvoir parler entre nous, de pouvoir discuter de ce qu’on a vécu. Il y a des épisodes d’ailleurs qui sont en commun où on est plusieurs à discuter d’un sujet. Euh et ça me paraît essentiel en fait aussi pour remettre les choses à l’endroit comme je disais de donner la parole aux victimes et aux femmes qui l’ont vécu en fait et de plus laisser la parole aux agresseurs ou aux gens qui n’y connaissent rien et qui parlent avec des clichés des prê des prêts à penser. En fait, je me suis dit que j’allais jamais m’en sortir. Je me suis dit que ça allait jamais quitter ma vie en fait, que toute ma vie je serais et j’ai encore du mal à me dire que je peux être complètement autre chose et que je peux ne rien avoir enfin que je peux être complètement distingué de la prostituée. En fait, c’est c’est des images qui sont tellement ancrées en moi, enfin ça a été tellement jeune, tellement vite et puis j’ai pas jeune, j’ai pas eu l’occasion de de construire une sexualité saine. Donc en fait ça a eu des conséquences effectivement aussi sur toute ma vie. la sexualité violente, malsine, euh non consenti, euh avec tout ce que ça implique de détails sordides, de lieu sordide et cetera, ça voilà, moi j’ai j’ai eu des gros problèmes de santé mentale. Après, 10 ans après, j’ai été en hôpital psychiatrique plusieurs fois. Euh j’ai j’ai fait plusieurs tentatives de suicide. Euh j’ai connu la mutilation. Enfin voilà, ça a eu des conséquences énorme sur ma santé mentale, sur la santé physique aussi parce que les deux sont liés en fait. on dit santé mentale, santé physique, mais le cerveau, c’est dans notre corps. Donc bien sûr que ça a eu un retentissement incroyable et je pense que ça va même au-delà de ça, c’està-dire que même les relations familiales sont affectées, les relations amicales, les relations avec les hommes évidemment et tous les hommes, tous parce que on a du mal après à voir ne serait-ce qu’un homme comme quelqu’un de potentiellement fréquentable en fait quand on a vu tant de violence de la part de tant d’hommes. Donc ça ça bouleverse tout un monde en fait. Qu’est-ce que tu dirais du monde des adultes quand toi tu avais 14 15 16 ans ? Comment tu voyais le monde des adultes et comment tu percevais ce qu’on disait à ce moment ? Moi à l’époque pour moi, il fallait qu’il sache rien. C’était je en fait c’était c’était un indice déjà que j’avais que ce qui se passait n’était pas normal parce que pour moi, je voulais que personne ne sache. J’ai été complètement bouleversée quand un seul il y a un seul fait qui s’est su mes parents ont été au courant et ont plainte. Mais euh pour moi ça a été la une tragédie. Je je voulais tout garder pour moi. Je pensais que c’était un monde qui ne les concernait pas, dont ils étaient complètement absents, que ce soit mes parents, ma famille, les professeurs et pourtant aussi les professeurs ont été au courant. Finalement, ils voyaient bien ma situation, il voyaient bien comment je me comportais, il voyaient bien l’attitude des garçons avec moi. Mais j’ai l’impression quand même globalement euh de d’adulte très manquant de clairvoyance en fait sur ce qui se passait. et extrêmement démissionnaire en fait, extrêmement en en dans une forme de de recul, de bon, c’est l’adolescence, un espèce de discours un peu un peu plat sur oui, bon bah c’est les remou de l’adolescence alors que non, en fait cette situation de violence euh caractérisée et prépostitutionnelle ou prostitutionnelle. Donc puis dans mon collège, il y avait plein d’histoires de filles avec des garçons dans les caves, dans les machins. Donc c’est c’était vraiment quelque chose qui était très présent et j’ai pas l’impression qu’on nous en parlait plus que ça. Moi, j’ai vraiment l’impression d’adultes qui sont dans un monde justosé au nôtre, collé au nôtre, mais qui ne qui ne se fréquent pas. Donc, j’ai eu l’impression de vivre dans une bulle en fait toutes mes 14 ans. Est-ce qu’il y a des choses que justement ton entourage aurait pu dire à l’époque et qui aurait pu fonctionner ? des mots qui ont pas été prononcés malheureusement. Et bah je pense qu’il faut poser comme je l’ai dit plus tôt, je pense qu’il faut poser un cadre extrêmement précis sur les mots proxénet agresseur victime et prostitution. Pas escorting, pas euh sugar daddy, pas euh service amoureux machin. Non, en fait il y a proxénet, agresseur, victime. Exactement. Et en fait, je pense qu’il faut remettre les choses à l’endroit. pour tout le monde parce que moi je sais que j’ai des copines qui n’ont pas vécu ce que j’ai vécu mais qui ont été à l’époque avec moi et qui ont été traumatisé par mon histoire qui ont que ça a vraiment impacté même dans leur vie elle juste d’être témoin de ça et en fait parce qu’à aucun moment on a mis les choses bien en place en fait une telle est victime en fait une telle est victime de prostitution ou de ou de violence sexuelle en fait donc je pense que c’est important de poser les mots poser le cadre et aussi je pense que porter de l’intérêt à la personne qui est dans dans des situations de violence, c’est très important. Pas forcément un intérêt moralisateur ou vindicatif ou voilà, qu’est-ce que tu fais machin. Non, pas forcément des question intrusive ou quoi, mais juste manifester de l’intérêt. Moi, j’avais un prof de français par exemple qui avait été qui avait été dans cette forme d’intérêt pour moi et ça m’a j’ai toujours gardé en tête ce qu’il avait pu m’apporter en fait juste en tant que prof de français et en tant que adulte concerné. En s’intéressant à toi. En fait, on avait fait une dissertation. C’était quoi votre plus cher souhait ? Moi, j’avais dit mourir, ça l’avait inquiété, ce qui est légitime, et il avait euh contacté l’infirmière scolaire. À l’époque, pour moi, c’est délirant. Je comprends même pas pourquoi il appelle l’infirmière. Je me dis “Mais c’est bon, c’est une rédaction, je m’en fous et tout.” Euh en fait avec les années, je suis hyper reconnaissante qu’il l’ai fait et je pense que c’était enfin ça m’a ça me touche beaucoup en fait qu’il l’ai fait parce que à l’époque il y avait pas grand monde qui se préoccupait de ma santé mentale. Est-ce que c’est l’a pas du gain qui est moteur dans cette dans cette dans cette affaire selon toi ? Non, parce qu’il y a plusieurs choses. Il y a la précarité, donc c’est dans ce cas c’est pas la paix du gain, c’est le besoin. Et quand c’est pas euh la pas du gain, en fait c’est des stratégies d’agresseur. Et en fait l’argent pour moi, pour penser la prostitution, il est fondateur. Pas parce que c’est des biais ou parce que c’est de l’argent, mais parce que ça instaure un rapport de pouvoir. Ça peut être autre chose qui instaure le rapport de pouvoir. Ça peut être un service, ça peut être un objet, ça peut être des cadeaux, ça peut être plein de choses en fait. Ça peut même être à mon avis dans une plus large mesure de l’affection. de la de la tension. Euh mais si on reste au matériel, ce qui définit quand même la prostitution en tant que définition, euh ça reste fondateur qui est quelque chose qui est apporté à la victime pour lui faire croire qu’il y a équivalence entre ce qu’elle perd, ce qu’elle subit et ce qu’elle gagne. Euh donc je pense que c’est fondateur parce que l’argent c’est quand même la majorité je pense des rapports prostitutionnels. L’argent est fondateur. C’est pas juste un rapport sexuel avec de l’argent à côté. En fait, l’argent change le rapport sexuel. l’argent modifie le rapport que les adultes ou les ou les jeunes mineurs entretiennent entre eux. Et en fait, c’est je pense que c’est une forme de dressage aussi des jeunes femmes de leur apprendre qu’elle va le temps, que tel axe vaut temps. C’est un dressage du corps, un dressage du mental. Donc moi, j’aimerais bien aussi qu’on parle d’exploitation sexuelle et aussi d’exploitation presque mentale, d’exploitation du de du point de vue, exploitation de de d’une vision du monde. En fait, ça modifie la vision qu’on a de soi et et des autres. Qu’est-ce que tu dirais aujourd’hui aux jeunes filles justement qui sont sur cette pente glissante de commencer à commercialiser parce que bon, on parle quand même un peu d’argent facile, hein, sur les réseaux. Comment comment on peut éviter cet engrenage ? H est-ce qu’il y a un moyen ou est-ce que justement adolescente, on est obligé d’aller au bout ? Non, non, je pense qu’il y a plein de choses à faire pour empêcher des vies d’être complètement gâché et empêcher des des femmes d’être traumatisé sur des années des années parce que c’est un long travail. Après les psychiatres, psychologues, c’est c’est même financièrement tout le monde peut pas quoi. Oui, bien sûr. Euh moi je pense que il faut faire de la prévention, il faut aller dans les collèges, il faut aller parler aux jeunes, que ce soient les jeunes hommes, les jeunes filles. Euh il faut sensibiliser sur ce qu’est la prostitution, sur ce qu’elle n’est pas. Démonter les clichés justement, celui de c’est facile, c’est sans conséquence et de romantisation un peu aussi. de romantisation. Effectivement, en fait, il faut casser cette image que la prostitué choisit et c’est hyper simple et c’est hyper normal parce qu’il y a vraiment des milieux où c’est dit comme ça et je pense qu’il faut évidemment se battre aussi contre ces parce que il y a il y a dire c’est de l’argent facile et puis il y a un travail féministe et libérateur ce que certains disent aujourd’hui hein. Donc ça, il faut vraiment se battre contre l’idée que c’est un travail. Ce n’est pas un travail. Et en fait, si on le présente pas comme un travail mais comme une violence, déjà c’est tout à fait différent. Alors que si on dit aux jeunes filles “Oui, c’est un travail plus ou moins comme les autres et cetera, évidemment que vu le monde sexiste et patriarcal dans lequel on vit, ça va être pour elle une forme de de chemin possible. En fait, moi je vouloir commencer encore plus tôt de plus en plus tôt parce qu’il y a ça aussi. Pour moi, ce chemin doit être impossible et je voudrais vivre dans un monde où les hommes n’ont pas envie d’être clients aussi, où ils n’ont pas envie d’agresser des femmes contre de la en donnant de l’argent. J’ai envie de vivre dans un monde où être proxén, ça repousse tout le monde où c’est grave. En fait, j’ai envie que ça devienne un une un imp un un impossible moral quoi, comme le meurtre, comme le viol, parce que c’est des viols en fait. Donc j’aimerais vivre dans ce monde où c’est beaucoup moins facile et pour les hommes et pour les femmes en fait. Et alors, je te pose une dernière question. Qu’est-ce que tu dirais aux clients euh ce que tu appelles les clients prostitueurs aujourd’hui ? Qu’est-ce que je leur diraiis ? H Je sais pas trop parce qu’on parle beaucoup, enfin, il faut être très honnête, on parle quand même beaucoup des femmes, des jeunes mineurs qui veulent se prostituer. Il y a quand même une offre et une demande. Bien sûr, si on le voit comme un marché du côté des demandeurs, qu’est-ce qu’on peut dire en fait ? Bah, je pense qu’il faut il faut appuyer sur l’idée que payer pour accéder au corps d’une femme, c’est instaur, une domination de pouvoir, une relation de pouvoir et c’est fatalement agresser la personne. Je pense que les hommes euh certains s’en fichent d’être agresseurs, mais il y en a pour qui ça compte les mots aussi. Moi, je serai aussi déjà pour appuyer sur les mots et puis je serai aussi pour une phase 2 de la loi où peut-être on pourrait envisager un peu plus qu’une amende et qu’un stage parce que c’est quand même des agressions sexuelles et en fait faut être cohérent. Si c’est des viols, c’est des viols quoi. Donc voilà. [Musique]

À visage caché, Ambre*, 25 ans, raconte comment, dès l’adolescence, elle a été confrontée à des violences sexuelles et des situations de pré-prostitution, jusqu’à tomber sous l’emprise d’un proxénète.

Retrouvez l’émission de débat : “Prostitution des mineurs : la grande défaillance” sur la playlist ‘Au micro’ de France 24 le vendredi 18 juillet.

Ambre* a rejoint le @mouvementdunid et participe au podcast “La vie en rouge” @Lavieenrouge-ic7ct qui donne la parole à des survivantes de la prostitution, une parole thérapeutique pour elle

*Le prénom a été modifié.

#prostitution #consentement #survivante #mineur #sugardaddy #jeunesse #féminisme #justice #exploitation

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7 comments
  1. L’erreur de la mixité à l’école : votre idéologie libérale est contredite par des études scientifiques, qui montrent qu’il est souvent plus bénéfique de séparer les filles et les garçons dans les cadres scolaires, militaires, et autres.

  2. ✨ le résultat de la liberté des femmes 😂: en dehors de la sécurité familial ou conjugale en son mari les femmes n ont aucune sécurité, et surtout dans les pays ou la liberté sexuelles est garenti et subventions par l etat ; dans ses cas faire la différence entre rapports sexuel consenti et viole ne tient qu un fil de cheveux que nul par de juge ou avocat ne peut le 🕵 prouver 😂😂❤

  3. ❤les femmes libertaire sont tombée dans leur pieges tendu au hommes [ elles aiment l argent , le luxe et les hommes qui ont ses qualités] , résultats elles sont tombée esclaves (prostituée) et rapporteur d argent et luxes a ses hommes pseudo "ont le cadre d hommes riche et de pouvoir. 😂❤

  4. 🎉voila elle a dit le remède que toutes femmes peut sortir de la prostitution et de la violence sexuel et les groupes mafieux c est : trouver un homme qui s engage a se marier avec elle , donc la seul chose qui la mis en repture avec son passé c est de trouver un mari ❤ alors vous devez honorée vos père, frère et mari

  5. Donc la pornographie quel qu'elle soit est donc néfaste pour les femmes qui la pratique ? Ovidie et certain bien penseurs nous ont donc menti ?!!!!🤔🤔

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