Quelques heures après sa victoire retentissante au sommet du Mont Ventoux lors de la 16e étape du Tour de France, Valentin Paret-Peintre nous a ouvert les portes de son hôtel pour un entretien accordé à Cyclism’Actu. “VPP” est donc le premier Français à avoir levé les bras sur cette Grande Boucle, et le premier tricolore à s’imposer au sommet du “Mont Chauve” depuis Richard Virenque en 2002. Encore marqué par l’émotion d’avoir triomphé sur l’un des sommets les plus mythiques du cyclisme mondial, le coureur de la formation Soudal Quick-Step revient avec lucidité et sincérité sur cette journée historique.
“Gagner une étape du Tour, c’est quelque chose, mais gagner au Mont Ventoux…”
Merci de nous recevoir à ton hôtel. On se dit quoi là ?
Pas grand-chose… C’est encore difficile de réaliser. J’ai appelé mes parents, ma copine évidemment, mais je n’ai pas trop regardé mon téléphone encore. Je crois que je ne réalise pas vraiment que j’ai gagné une étape du Tour, et au Mont Ventoux en plus…
Ce n’est pas rien ?
Non, c’est sûr. Déjà, gagner une étape du Tour, c’est quelque chose. Mais gagner au Mont Ventoux, c’est encore plus magique. Je pense que je vais mettre un peu de temps à réaliser. Peut-être que demain, je réaliserai un peu plus, ou après le Tour… Quand tout va retomber, ce sera vraiment spécial.
Avec ce succès, tu rejoins une lignée prestigieuse de Français vainqueurs au Ventoux : Poulidor, Hinault, Jean-François Bernard, Virenque… Tu as l’impression de faire partie de l’histoire ?
Oui, on m’a dit que je suis seulement le cinquième Français à gagner là-haut. Et même au-delà, quand on regarde le palmarès des vainqueurs au sommet du Ventoux, ce sont quasiment que des grands noms. C’est très spécial, et je pense que ça restera longtemps comme la plus belle victoire de ma carrière.
“Le Mont Ventoux, c’est mythique”
Quand on voit qu’on parle encore de Jean-François Virenque 23 ans après, on se rend compte de la portée d’un tel exploit, non ?
Oui, c’est clair. Encore une fois, j’ai du mal à réaliser, mais le Mont Ventoux, c’est mythique.
C’est une étape que tu n’étais même pas censé disputer à la base. Il y avait une forme de destin, quelque part ?
Oui, on peut dire ça. Il y a eu deux “hasards” du destin, on va dire : d’abord, je ne devais pas être au départ du Tour, j’étais censé faire le Giro. Et ensuite, avec l’abandon de Remco, ça m’a laissé plus de liberté. Je pense que s’il avait encore été là, je n’aurais pas pu prendre l’échappée aujourd’hui. Donc oui, peut-être que c’était écrit quelque part que je devais gagner ici, au Mont Ventoux.
Est-ce qu’on entre dans la cour des grands quand on gagne au Ventoux ?
Non, je ne pense pas. Il faut confirmer. Il y a encore beaucoup d’autres courses à gagner. C’est une étape, certes mythique, mais ce n’est pas une finalité. J’ai encore beaucoup de choses à accomplir.
La dernière fois qu’on s’est vus, c’était à la reconnaissance des Mondiaux 2027 à Sallanches. Tu nous parlais d’un début de saison galère depuis Tirreno… Si on t’avait dit à ce moment-là que tu allais gagner au Ventoux ?
J’aurais dit que juste être au départ du Tour, ce serait déjà dingue. Alors gagner une étape, incroyable… Mais gagner au Mont Ventoux ? Je t’aurais dit : “Mais t’es fou !”
“Mes grands-parents ont pleuré devant la télé”
Même dans tes rêves les plus fous, tu n’aurais pas imaginé ça ?
Non. Déjà, gagner une étape, c’est dur à imaginer. Mais gagner au Ventoux, c’est encore au-dessus. Quand on approchait du pied, à quinze kilomètres, je disais dans la radio à Pascal Lecomte, qui roulait devant : “Allez, c’est notre jour, on peut le faire.” Mais même là, au fond de moi, je ne sais pas si j’y croyais vraiment. C’était difficile de se dire sur le vélo : “Je suis en position de gagner au Mont Ventoux.”
On ne s’en rend pas compte, mais c’est comment de grimper le Ventoux ?
C’est dur ! C’est avant tout de la souffrance. Mais avec tous les spectateurs sur le bord de la route, ça passe plus vite. On prend beaucoup de plaisir malgré tout. Aujourd’hui, je crois qu’on a mis environ une heure pour monter, donc ça va, c’est allé vite. Je l’avais fait en mai, juste après ma blessure, et là c’était beaucoup plus lent…
Tu parlais de tes proches. Comment ont-ils réagi ?
Ils sont super heureux. Ils ont vraiment vibré. J’ai appelé mes grands-parents, et ils m’ont dit : “On a pleuré devant la télé.” Et ça, pour moi, c’est encore plus important que la victoire elle-même. Le fait de transmettre ces émotions à mes proches, à mes grands-parents… C’est ce qui me rend le plus fier.
“Le maillot à pois ? Je préfère que ce soit Lenny plutôt que Pogacar”
Tu es le premier vainqueur français sur ce Tour. Ça représente quelque chose ?
Pas forcément. Il y en aura peut-être d’autres. Le peloton est de plus en plus international, donc c’est de plus en plus difficile pour les Français d’être une grande nation, entre guillemets. Et d’ailleurs, ce matin au départ, je n’avais même pas réalisé qu’on n’avait pas encore gagné d’étape.
Est-ce qu’on peut te souhaiter un maillot à pois pour la suite ?
Non, ce n’est pas du tout dans mes objectifs. Je ne sais même pas combien j’ai de points, ni combien il y en avait aujourd’hui au sommet. Je pense que Lenny (Martinez) est bien parti, il a pas mal d’avance. Et si on se fait la guerre pour le maillot, il risque de finir sur les épaules de Pogacar… Donc non, je préfère que ce soit Lenny plutôt que Pogacar.
Pourquoi pas récidiver dans les Alpes ?
Oui, c’est sûr, j’aurai à cœur d’être à l’avant dans les Alpes. Aujourd’hui, Ilan m’a rendu un beau service, donc j’aurais à cœur de lui rendre la pareille là-bas. Déjà demain, l’étape est propice pour nous, donc on va essayer de faire quelque chose.
Tour de France – Classement de la 16è étape Tour de France – Classement général provisoire après la 16è étape