Alors que les rapports annuels de l’OCAM (*) accordaient jusqu’à présent peu d’attention à l’extrême gauche, on observe cette année un net revirement dans leur perception de la « menace intérieure ». Ce changement n’est certainement pas anodin : il fait écho à l’ampleur des récentes mobilisations sociales en Belgique, incarnées d’une part par le mouvement pour la libération de la Palestine – avec ses nombreuses occupations universitaires – et d’autre part par l’émergence d’un écologisme devenu de plus en plus frontal comme l’incarne les actions de désarmement lors des dernières éditions de Code Rouge.(**)
Des extraits du rapport ont été publiés ces derniers jours dans la presse. À la lecture des extraits du rapport disponibles, on comprend rapidement que la sûreté de l’État ne s’en prend pas aux mouvements sociaux dans leur ensemble, mais distingue soigneusement les « bons » manifestants des » mauvais ».
Ce schéma montre clairement l’objectif annoncé par l’OCAM : « nous ferons tout pour que rien ne change ». Tout mouvement ou lutte ou action risquant de provoquer un changement devient donc suspect, qualifié de « menaçant » l’état de droit.
L’enjeu devient : protéger l’intégrité de contestations inoffensives quitte à en exclure les éléments jugés trop « perturbateurs ».
Code Rouge, avec ses actions engagées et mobilisatrices fait partie des mouvements qualifiés de « radicaux » par l’OCAM, au moment où un texte est en préparation au ministère de l’Intérieur pour dissoudre les organisations « radicales » ou « extrémistes.
Pourtant, les cinq éditions de Code Rouge ont démontré que seules des actions sortant du cadre convenu ont réellement pu peser sur les responsables de la catastrophe en cours.
À chaque fois que des militant.e.s ont franchi ce cadre, les entreprises ciblées ont subi des pertes économiques concrètes, jusqu’à devoir temporairement fermer certains sites.
Ces modes d’action plus offensifs dérangent ceux qui continuent de croire – ou de faire croire – qu’un simple campement de deux jours devant un géant mondial comme Total Énergies serait capable d’arrêter ses activités. Mais il n’en est rien. Ce genre d’action, bien que toléré par l’entreprise, l’État et sa police, permet justement à tous ces acteurs de se présenter comme démocratiques, tolérants, voire « progressistes » et écologistes, tant que la contestation reste bien cadrée.
Le nouveau rapport de l’OCAM démontre une chose : dès que l’on veut faire peser de réelles contraintes matérielles à ces entreprises en sortant du cadre de l’action pacifique traditionnelle, la répression et la surveillance s’intensifient aussitôt.
Or, sans rupture avec le capitalisme, les premières victimes de cette crise – les classes populaires, ici en Belgique comme dans les pays du Sud global – continueront de payer le prix fort.
La crise écologique est une conséquence directe de l’exploitation capitaliste.
Les populations les plus opprimées sont doublement ciblées : matériellement dominées par la classe capitaliste et premières touchées par une crise climatique dont elles ne sont pas responsables.
Alors que reste-t-il de surprenant dans la stratégie actuelle de la Sûreté de l’État ? Rien.
Car ce système protège, par essence, les intérêts du capitalisme, cause première de la crise actuelle. Aujourd’hui, voilà pourquoi la Sûreté criminalise les mouvements qui défendent une écologie sociale.
Finalement, si la Sûreté de l’État choisit aujourd’hui de rendre public certains éléments de ses rapports, c’est précisément parce que ces mouvements commencent à faire vaciller l’ordre établi. En diffusant ces informations, l’objectif est clair: instaurer un climat de peur, dissuader, et affaiblir les dynamiques les plus offensives. Cette tactique vise à faire taire celles et ceux qui, par leurs actions concrètes, parviennent à porter des atteintes matérielles aux structures capitalistes dominantes tout en portant des discours qui vont à l’encontre de l’ordre établi.
Heureusement, les mouvements socaux actuels s’organisent de mieux en mieux, s’amplifient en nombre et en solidarité. Ces acusations d’extrémisme et de danger pour notre société, ne sont-elles pas le signe d’un modèle de société et d’information moribon ? C’est à espérer !
(*) Repris sure le site de l’organtisme : « L’Organe de Coordination pour l’Analyse de la Menace (OCAM) traite l’ensemble des informations et renseignements pertinents sur le terrorisme, l’extrémisme et la radicalisation problématique. L’OCAM établit des liens afin de s’atteler aux problèmes sociétaux avant qu’ils ne se transforment en problèmes de sécurité. Le service assemble les pièces du puzzle et dresse un tableau des menaces possibles. L’organe de coordination réunit les acteurs autour de la table et jette des ponts entre les services. Autrement dit, « connecting the dots». Ce faisant, l’OCAM contribue à la sécurité de nos citoyens, du pays et de nos intérêts à l’étranger. » On y croirait presque !!! https://ocam.belgium.be/
(**) Code rouge est un ensemble de citoyens militants menant des actions de désobéissance civile face aux multinationales telles que Totale Energy. Leur point d’honneur est de produire une information préalable très précise et de mobiliser des manifestants formés aux pratiques de l’action non-violente. http://www.code-rouge.be