Donald Trump imposera-t-il ou non les surtaxes de 30 % qu’il a annoncées pour l’Union Européenne (UE) ? Celle-ci s’attend au pire, à moins qu’un accord ne soit conclu ce dimanche entre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président américain. Comme l’a affirmé le secrétaire au Commerce des Etats-Unis, Howard Lutnick, l’Europe “espère conclure un accord, mais c’est au président Trump, qui est le chef à la table des négociations, de décider”. Ainsi l’Europe attendrait-elle patiemment que son sort ne soit décidé selon le bon vouloir du POTUS entre deux parties de golf.
Pourtant, la situation n’est pas aussi désespérée qu’elle en a l’air pour l’UE. Car par ses attaques directes, tant avec ses menaces douanières qu’avec son désengagement dans le financement de l’Otan, Donald Trump a déclenché une réaction tout à fait inattendue et inespérée : le rapprochement des Vingt-Sept. A tel point que même des Etats membres comme le Danemark, longtemps sceptique sur les politiques budgétaires européennes, ont développé une perception nettement plus positive de l’UE. Selon un sondage d’opinion réalisé au printemps 2025 pour la Commission européenne, environ 74 % des Danois ont déclaré faire confiance à l’UE, contre 63 % il y a cinq ans.
Et le Danemark est loin d’être un cas isolé, comme le remarque le New York Times. Ces derniers mois, le sentiment à l’égard de l’Union européenne s’est nettement amélioré. Pour le directeur de l’Atlantic Council Jörn Fleck, cité par le New York Times, la virulence de Washington envers ses alliés historiques a provoqué un effet boomerang en opérant une sorte de “rassemblement autour du drapeau de l’UE”. Soucieux de rester dans la course à la compétitivité, les Européens sont de plus en plus confiants envers Bruxelles et se cherchent de nouveaux débouchés, en Amérique latine, mais aussi en Asie et au Canada.
L’UE mise sur un accord avec le Mercosur
Dans les mois à venir, l’UE compte notamment s’appuyer sur le contexte douanier tendu avec les Etats-Unis pour convaincre les Etats membres de ratifier l’accord commercial avec le Mercosur, soit un ensemble de pays d’Amérique Latine, jusqu’à présent sujet de divisions entre les Vingt-Sept. Ce texte prévoit notamment une hausse des échanges agricoles et industriels entre les deux blocs.
S’il est fortement décrié par la France – en raison de la concurrence déloyale que craignent de subir les agriculteurs -, il est en revanche vu d’un bon œil par l’Allemagne, qui y voit un débouché pour son industrie automobile. Mais pour faire adopter cet accord, au moins 15 des 27 Etats membres, représentant au moins 65 % de la population européenne, doivent encore le ratifier.
Les grandes économies asiatiques en ligne de mire
Outre l’Amérique latine, l’Union européenne compte également renforcer ses liens avec plusieurs partenaires en Asie, à commencer par l’Inde et la Chine, afin de moins dépendre des Etats-Unis. Dès le mois de février, la présidente de la Commission Européenne avait ainsi affirmé que les partenariats avec l’Inde constituaient une “priorité stratégique”. Au-delà des échanges purement commerciaux, l’UE veut aussi renforcer les collaborations avec l’Inde dans le domaine de la défense. Si le Royaume-Uni a déjà signé cette semaine un accord clé avec l’Inde, l’UE pourrait bien lui emboîter le pas, et a pour ambition de conclure un accord du même type d’ici la fin 2026.
Quant à la Chine, où s’est rendue Ursula von der Leyen pas plus tard que cette semaine, l’UE vient déjà d’obtenir des garanties en matière d’accès aux terres rares chinoises pour les entreprises européennes. Le président Xi Jinping a quant à lui réaffirmé sa volonté d’un rapprochement avec l’UE lors du sommet UE-Chine le 24 juillet à Pékin. “Plus la situation internationale est grave et complexe, plus la Chine et l’UE doivent intensifier la communication, renforcer la confiance mutuelle et approfondir la coopération”, a-t-il avancé.
L’Indonésie compte aussi parmi les économies avec lesquelles l’UE veut renforcer ses liens. La semaine dernière, son président Prabowo Subianto était présent à Bruxelles pour s’entretenir avec les membres de la Commission, et a déclaré, à l’occasion d’une conférence de presse aux côtés d’Ursula von der Leyen : “Nous, en Asie du Sud-Est, et en particulier en Indonésie, considérons vraiment que l’Europe est très, très importante pour assurer la stabilité mondiale.”
Le Canada vu comme un partenaire clé sur l’IA
Enfin, l’UE a également entrepris un rapprochement avec le Canada. En juin dernier, Bruxelles et Ottawa ont commencé par conclure un partenariat stratégique, en matière de défense, censé ouvrir la voie à d’autres accords sur le plan commercial. “En tant que pays non européen le plus européen, le Canada se tourne d’abord vers l’Union européenne”, avait déclaré le premier ministre canadien Mark Carney, lors de la signature de l’accord.
A l’heure actuelle, des discussions sont en cours concernant un accord commercial sur le numérique, qui doit poser les bases d’une coopération plus forte en matière d’intelligence artificielle, de réglementation des plateformes en ligne, de cybersécurité et de normes numériques. Une coopération dont l’ancienne ministre de l’Economie du Québec, Dominique Anglade, avait rappelé l’importance dans un entretien à L’Express en avril dernier : “Face à l’imprévisibilité américaine, le défi fondamental est de renforcer notre souveraineté, essentielle sur le plan numérique. Nos données ne peuvent pas résider dans des clouds que nous ne contrôlons pas.”