C’est la première fois que Donald Trump raccourcit le délai d’un ultimatum imposé à Vladimir Poutine. Le président américain a – une nouvelle fois – haussé le ton lundi en donnant « 10 ou 12 jours » à son homologue russe pour mettre fin au conflit en Ukraine, sous peine de sévères sanctions. Le 14 juillet, il lui en avait donné 50. Deux semaines plus tard, le Républicain estime qu’« il n’y a aucune raison d’attendre » ne voyant « aucun progrès ».

Cette fois, Donald Trump entend viser les partenaires économiques de Vladimir Poutine. En première ligne, les pays qui se fournissent en hydrocarbures russes : l’Inde et la Chine. Taxer à 100 % l’Inde signerait la fin de ses exportations vers les Etats-Unis, ce qui constitue « une menace sérieuse », souligne David Teurtrie, maître de conférences en science politique à l’Institut catholique d’études supérieures (ICES) et chercheur associé à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).

Un coup de poker ?

Ce revirement doit être appréhendé dans un contexte global, notamment celui de l’accord entre l’Union européenne et les Etats-Unis signé dimanche. « Il est très probable que la Commission européenne ait demandé au chef d’Etat américain d’accentuer la pression sur le Kremlin », estime David Teurtrie. Alors quand le président milliardaire « aura d’autres perspectives, sa position pourra évoluer », insiste-t-il.

A voir si Donald Trump est vraiment capable de mettre en œuvre sa menace. Compte-tenu de son imprévisibilité, « il peut aussi ne rien se passer, prévient Oksana Mitrofanova. C’est un joueur de poker, cela peut être du bluff. » Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que Donald Trump montre les dents pour finalement mordre la poussière.

Aucun arrêt des combats en perspective

Si elles étaient réellement mises en œuvre, ces taxes dites « secondaires » n’auraient pas d’effet immédiat sur le conflit. A chaque fois que l’Union européenne a pris de nouvelles sanctions sévères contre le Kremlin, ce dernier « a toujours fini pas trouvé des mécanismes de contournement qui lui permettent de reprendre ses exportations à un rythme normal », note David Teurtrie. La stratégie de Donald Trump pourrait même se retourner contre lui puisque « la Russie est l’un des premiers pays exportateurs de pétrole donc il existe un risque réel de déstabiliser le marché », précise le chercheur.

Les mesures prises par les alliés de Kiev n’ont jamais eu aucun effet sur le conflit en Ukraine lui-même. « La Russie est assez tranquille, elle n’a pas peur des Etats-Unis, elle possède plein de ressources », abonde Oksana Mitrofanova. Elle l’a encore montré avec d’intenses frappes russes qui ont tué au moins 25 civils, dont une femme enceinte et une quinzaine de détenus d’une colonie pénitentiaire, dans la nuit de lundi à mardi.

Armer plutôt que menacer

Tout au plus, les Etats-Unis pourraient obtenir un geste symbolique « pour amadouer Donald Trump », souligne David Teurtrie. A l’instar des – vaines – négociations entamées à Istanbul entre Moscou et Kiev. Le Kremlin et les élites russes n’ont de toute manière « aucun intérêt à plier devant un ultimatum étant donné leur engagement dans un bras de fer avec l’Occident », prévient le chercheur.

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Armer l’Ukraine reste encore le meilleur moyen de contrer la Russie sur le terrain. « Il faut envoyer de l’équipement militaire en grande quantité, comme des avions plus sophistiqués et plein d’autres capacités militaires pour rendre l’Ukraine plus forte », développe Oksana Mitrofanova. C’est là que Donald Trump est face à un mur.

Arrivant à épuisement des livraisons votées par son prédécesseur, deux chemins s’offrent à lui : le président américain va devoir soit tenir ses engagements électoraux en tournant son dos à l’Ukraine et donc lui promettre la défaite, soit trahir ses électeurs et poursuivre le soutien militaire à Kiev. « Alors le conflit qu’il qualifiait de “guerre de Biden” deviendrait la “guerre de Trump” », résume David Teurtrie.