La Pologne renforce son industrie de l’armement et va produire des chars d’assaut de conception sud-coréenne. Une ambition soutenue grâce à l’augmentation de ses dépenses en matière de défense.

La Pologne se lance dans la production de chars d’assaut. Un accord signé ce vendredi en présence des ministres de la défense polonais et sud-coréens entérine la production sous licence, sur le sol polonais, de chars K2 de conception sud-coréenne.

“La Pologne acquiert des capacités de production de ces chars. Sur les 180 chars commandés aujourd’hui dans le cadre du contrat d’exécution, 64 seront déjà produits dans une version ‘polonisée’. Les trois premiers seront encore produits en République de Corée, mais les 61 suivants seront fabriqués à Gliwice (sud), avec des composants polonais”, s’est félicité le ministre polonais Wladyslaw Kosiniak-Kamysz.

Si le montant exact du contrat n’a pas été détaillé, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap l’évalue à près de 6 milliards de dollars.

“Dès l’année prochaine, de nouveaux chars (prévus par) ce contrat arriveront en Pologne, et en 2028, 2029 et 2030, la production sera déjà lancée”, a indiqué le ministre polonais.Puissance industrielle sud-coréenne

Le contrat signé avec le sud-coréen Hyundai Rotem fait suite à un accord cadre signé à l’été 2022, qui portait sur une potentielle acquisition de 1.000 chars K2, selon une récente étude de l’IFRI. Le transfert des 180 premiers exemplaires avait débuté dès l’automne, des véhicules prélevés sur les stocks coréens.

“Plus de 70 véhicules ont été livrés entre l’automne 2022 et l’hiver 2023”, précise le chercheur Léo Péria-Peigné, “tandis que 96 chars supplémentaires sont prévus pour 2025”.

Un deuxième lot de 80 véhicules a été acté à l’automne 2024, l’accord prévoyant un important transfert de technologies entre la Corée du Sud et la Pologne, justement pour pouvoir assembler, et à terme de produire de A à Z, les véhicules.

La Corée du Sud a émergé comme un acteur majeur des exportations en matière de défense, l’invasion de l’Ukraine par la Russie créant pour l’industrie sud-coréenne des opportunités de contrats de grande ampleur en Europe et au Moyen-Orient.

Séoul a signé de très importants contrats-cadres de livraison d’armes notamment avec la Pologne, membre de l’Otan voisin des deux pays en guerre. Selon le dernier classement du Sipri, la Corée du Sud pointe à la 10e place des pays exportant de l’armement. La Pologne est le premier pays importateur de matériels coréens (46% des exportations coréennes), loin devant les Philippines (14%) et l’Inde (7%).

La Pologne, acteur émergent de la défense en Europe

Mis à part les mille chars K2, la Pologne avait également commandé à la Corée du Sud des systèmes lance-roquettes multiples K239 Chunmoo, des obusiers automoteurs K9A1 et des avions de combat FA-50.

Interrogé par BFM Business en mai, Léo Péria-Peigné déclarait que la Pologne avait lancé “une réelle montée en compétences” de son industrie de défense, avec pour objectif de produire “en grande quantité à moyen terme”.

Une opportunité pour l’industrie sud-coréenne, “de prendre pied en Europe”, écrit-il dans son étude, dans un contexte plus global de réarmement. “La BITD de Séoul a ainsi gagné non seulement une série de contrats exceptionnels, mais aussi une future tête de pont pour répondre aux futures demandes européennes.”

L’ambition polonaise s’est considérablement développée depuis 2022 et la guerre en Ukraine, le gouvernement consacrant plus de 4% de son PIB aux dépenses de défense – le meilleur élève de l’Otan – alors que les pays de l’Alliance ont validé en juin le principe d’augmenter leurs dépenses militaires à 5%.

En dix ans, le budget militaire de la Pologne a plus que triplé, selon l’étude de l’IFRI, “passant de 10,1 milliards d’euros en 2014 à 34,9 milliards d’euros en 2024”.