Ahmed (prénom d’emprunt) nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. Il a envoyé ce message comme un énième appel à l’aide. Le ressortissant palestinien se démène depuis deux ans pour que ses enfants et sa femme, toujours à Gaza, puissent le rejoindre en Belgique. Son épouse a reçu l’autorisation, mais pas les enfants. Témoignage.


Ahmed, Palestinien de 52 ans, vit en Belgique depuis 2023. Il bénéficie du statut de réfugié. Sa femme Amina, sa fille Nour, et ses fils Ibrahim et Abdel sont toujours à Gaza (tous les prénoms cités ont été modifiés pour la sécurité des personnes en cause).

Maintenant qu’il a un statut en Belgique, Ahmed cherche à réunir sa famille : « Depuis mon arrivée, j’ai fait tous les efforts possibles pour les avoir auprès de moi », écrit-il dans une lettre envoyée au roi. Ahmed n’a plus vu les siens depuis très longtemps. Avant d’être régularisé chez nous, il a passé quelques années en Suède, sans papiers.

Nous vivons dans la peurIbrahim, Fils d’Ahmed



Au-delà de l’envie d’enlacer à nouveau ses enfants, le quinquagénaire est mort d’inquiétude de les savoir « sous les bombes ». « Ce sont des civils innocents », clame-t-il. Un ami qu’il s’est fait en Belgique et qui a servi d’interprète lors de notre entrevue raconte : « Je l’accompagne pour certaines démarches mais c’est long. Il vit seul, ce n’est pas facile, il passe par une souffrance psychologique énorme. »

Oui pour sa femme, pas pour ses enfants

La situation d’Ahmed est d’autant plus complexe qu’Amina, son épouse, a reçu l’autorisation de le rejoindre en Belgique. Ce qu’elle refuse de faire… si ses enfants ne peuvent pas l’accompagner. « Je préfère mourir plutôt que de laisser mes enfants face aux bombardements, à la faim et à la peur », a déclaré cette dernière, effondrée après que les enfants ont essuyé un refus, nous raconte encore Ahmed.

Nour et son frère AbdelNour et son frère AbdelNour et son frère Abdel – DR

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Même si Nour, Ibrahim et Abdel vivent toujours chez leur mère, ils sont majeurs. Et cela rend le regroupement familial plus compliqué. Nous y reviendrons.



« La situation devient insupportable. Ma famille et moi vivons dans la peur permanente, sans accès suffisant à l’eau, à la nourriture ou aux soins médicaux dont ma mère a besoin », témoigne Ibrahim, 24 ans, depuis Gaza. Il est d’autant plus inquiet pour sa maman : « Nous avons très peur que l’opportunité soit passée de pouvoir aller en Belgique. »

Rien ne bouge pour l’instant, Ahmed a introduit un recours et tire tous les leviers possibles. Il attend désespérément un changement.

« Pas rare comme situation »

Nous avons évoqué l’histoire d’Ahmed avec Caritas international (ONG de solidarité) pour mieux comprendre les enjeux. « Ces situations, bien qu’inhabituelles, ne sont pas rares. Il arrive que des familles de réfugiés soient confrontées à des séparations prolongées parce que des règles et délais différents s’appliquent selon le degré de parenté ou le profil des membres de la famille », explique Tom Devriendt, responsable du plaidoyer.

Les chances de succès sont faiblesTom Devriendt, Responsable du plaidoyer chez Caritas

Concrètement, en Belgique, le droit au regroupement familial pour des personnes non-européennes ne s’applique pas aux enfants majeurs sauf s’ils sont atteints d’un handicap grave les rendant totalement dépendants.

Il n’existe aucun dispositif spécifique pour les enfants majeurs à charge, précise Tom Devriendt. « Toutefois, une demande de séjour pour raisons humanitaires peut être introduite. Mais il s’agit d’une faveur exceptionnelle accordée au cas par cas par l’État belge », ajoute-t-il. « Les chances de succès sont très faibles (…) Lorsqu’un visa humanitaire est envisagé pour un enfant majeur, nous expliquons toujours très clairement que cette voie est incertaine, dépend des circonstances individuelles, et peut être longue, complexe et coûteuse. »


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Les familles gazaouies face à un véritable casse-tête

Plusieurs aspects spécifiques à Gaza rendent les obstacles pour rejoindre un proche réfugié en Belgique d’autant plus considérables, explique encore Tom Devriendt. Il y a les frontières presque entièrement fermées, la documentation administrative inaccessible à cause de la destruction des infrastructures civiles ou encore l’accès à une ambassade belge souvent impossible.


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Il évoque une liste d’évacuation établie par le gouvernement belge : « Elle est basée sur certains critères (comme la nationalité belge, le statut de réfugié, un lien familial nucléaire…) et a été clôturée fin avril 2025. Seuls les quelque 500 noms qui y figurent ont une perspective d’évacuation prioritaire. Les autres n’en ont aucune tant que ces 500 ne sont pas évacués. »

Le responsable du plaidoyer est d’autant plus alarmé par la nouvelle loi sur le regroupement familial qui « introduit de nombreuses restrictions ». Le combat est donc loin d’être gagné d’avance pour Ahmed qui garde espoir… autant que possible.