Le parlement zurichois remet en question à son tour le français dit “précoce” à l’école publique. Contre l’avis du gouvernement, il a adopté lundi une motion exigeant le renvoi au secondaire de l’enseignement de la langue de Molière.
La motion a été acceptée par 108 voix contre 64. Le texte de la députée Kathrin Wydler (Le Centre) demande de créer les bases légales pour que le français ne soit enseigné qu’à partir de la 9e année scolaire (1ère classe du secondaire l), et non plus dès la 5e année de l’école primaire. Elle est cosignée par des élus PEV, UDC et Vert’libéraux.
Le gouvernement recommandait de rejeter la motion. Mettre en oeuvre ce texte signifierait s’écarter unilatéralement de la stratégie linguistique de la Conférence des directeurs et directrices de l’instruction publique (CDIP), ce qu’il refusait.
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Dans plusieurs cantons
L’enseignement du français à l’école primaire est remis en question dans d’autres cantons alémaniques, comme Bâle-Campagne, St-Gall et Thurgovie. Le parlement d’Appenzell Rhodes-Extérieures a adopté en mars dernier une motion dans ce sens.
Le Grand Conseil zurichois a désormais chargé l’éxécutif de créer, dans un délai de deux ans, les bases légales nécessaires pour le report de l’enseignement du français. Pour les motionnaires, si la nouvelle base légale devait entrer en contradiction avec les contrats intercantonaux, ceux-ci doivent être renégociés. Le canton de Zurich a adhéré au concordat HarmoS en 2008, après un vote populaire.
Les arguments des partisans
Selon la motion, les résultats d’études récentes montrent que l’objectif de l’enseignement précoce du français au primaire n’est pas atteint. Les élèves du secondaire I présenteraient en outre une maturité cognitive plus élevée et une base plus solide en allemand, ce qui facilite l’apprentissage de langues avec une grammaire complexe comme le français.
Les opposants au français précoce sont convaincus qu’un report améliorera les résultats d’apprentissage, favorisera la motivation et évitera la surcharge. Ils proposent de simplement supprimer les leçons de français au primaire ou de les réinvestir en partie dans l’allemand ou les mathématiques.
Contre les efforts des cantons
Le gouvernement ne voyait quant à lui aucune valeur ajoutée dans la suppression du français précoce. Pour lui, la majorité des élèves est capable d’apprendre deux langues étrangères déjà au primaire, le niveau exigé n’étant pas excessif.
Dans sa prise de position publiée en avril, l’exécutif zurichois rappelle que le concordat HarmoS exige une formation solide dans la langue locale et des compétences de base dans une deuxième langue nationale, et au moins une autre langue étrangère. Mettre en oeuvre la motion signifie se retirer du concordat: une telle démarche unilatérale du canton de Zurich nuirait à l’harmonisation prescrite par la Constitution fédérale.
Et de rappeler qu’en cas d’importants retraits du “compromis linguistique”, une intervention de la Confédération est à prévoir. Celle-ci pourrait imposer aux cantons d’enseigner une deuxième langue nationale comme première langue étrangère, ce qui remettrait en question le modèle de l’anglais précoce.