«L’argent public n’a pas vocation à transiter par les paradis fiscaux», déclare la Ville de Marseille afin de justifier le transfert de l’Open 13 de Marseille à Lyon, annoncé vendredi 29 août. En cause, pointe-t-elle du doigt: le Luxembourg.
Le départ du tournoi de tennis ATP 250, qui avait lieu depuis 1993 dans la cité phocéenne, a fait l’effet d’une petite bombe dans le monde politique marseillais et a suscité de vives critiques de la part de l’opposition. «L’Open 13 Provence, c’est fini, faute d’entretien du Palais des Sports par la Ville de Marseille!», commente ainsi sur X la présidente (DVD) du département des Bouches-du-Rhône et de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, Martine Vassal.
La rupture du contrat en préparation
De fait, la société organisatrice du tournoi, Pampelonne Organisation, justifie sa décision de partir à Lyon par l’état des infrastructures: le Palais des Sports de Marseille ne répond plus aux standards exigés par l’ATP.
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Pour la Ville de Marseille, qui a été mise devant le fait accompli, l’explication est tout autre. Elle est à trouver du côté du Luxembourg. «La société Pampelonne, dont l’actionnaire majoritaire n’est plus un Marseillais, organisatrice historique de l’Open 13, vient d’annoncer son départ pour Lyon. Déjà alertés par différents médias sur ses liens avec une société basée au Luxembourg, nous préparions la rupture du contrat qui liait la Ville à la société Pampelonne», explique ainsi par communiqué la maire adjointe en charge des grands événements, Samia Ghali, qui sous-entend ainsi que ce départ relève in fine de la décision de la municipalité.
Une entreprise locale subventionnée par les collectivités
Mais comment le Luxembourg se trouve-t-il impliqué dans le transfert du tournoi de tennis de Marseille à Lyon? A l’origine, l’Open 13 est une entreprise locale et familiale, dirigée depuis 1999 par le Marseillais et ancien tennisman Jean-François Caujolle.
Le contribuable marseillais met d’ailleurs la main à la poche, puisque les collectivités subventionnent généreusement le tournoi, jusqu’à 20% du budget total, rapporte le journal local d’investigation Marsactu, qui s’est penché sur le modèle économique du tournoi. Ainsi, pour l’édition 2025 de l’Open 13, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône a déboursé près de 700.000 euros, la Ville de Marseille 200.000 euros et la métropole près de 100.000 euros.
JWT Participations actionnaire principal du tournoi
Le problème est que le tournoi historiquement local et familial ne l’est plus depuis plusieurs années. C’est là qu’entre en scène une société luxembourgeoise, JWT Participations, immatriculée en 2013 au Grand-Duché, sans salarié, et derrière laquelle se trouve, comme son nom le laisse supposer, l’ancien joueur de tennis français Jo-Wilfried Tsonga.
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En 2018, Pampelonne, la société organisatrice du tournoi, fait en effet rentrer JWT Participations à son capital, et ce dernier devient même en 2022 son actionnaire principal, explique Marsactu. Puis, en 2023, JWT Participations transfère la majorité du capital de Pampelonne à All In, un groupe regroupant plusieurs sociétés de Jo-Wilfried Tsonga, qui chapeaute notamment le tournoi de Metz.
Un prêt de 600.000 euros à la holding luxembourgeoise
Si les collectivités continuent malgré tout de financer l’événement, certains éléments financiers relevés par Marsactu interrogent pourtant: en 2021, la holding luxembourgeoise bénéficie d’un prêt de 600.000 euros de la part de la société Pampelonne. Et si la somme a bien été remboursée par All In en 2023, cela a tout de même permis à JWT Participations d’«aspirer une partie de la trésorerie abondante de Pampelonne, permise notamment par les soutiens publics, pour développer les activités de sa holding», remarque le journal marseillais.
Et c’est cet «argent public» qui transite par les «paradis fiscaux» que pointe du doigt la Ville de Marseille pour tenter d’expliquer son absence de volonté de maintenir le tournoi dans la ville, et même son intention qu’il la quitte.
La somme en cause aura finalement permis d’aider à la construction d’un centre de tennis dans la banlieue lyonnaise, à Villeurbanne, relève Marsactu. Bien loin de Marseille et de ses contribuables. Mais bien plus proche de la nouvelle destination de l’Open 13.