Au procès de l’ex-policier de la brigade de protection des mineurs accusé de viols, les larmes du collègue qui l’a démasqué

by Delicious-Owl

12 comments
  1. Pour faire suite au [post précédent](https://www.reddit.com/r/france/comments/1n3j8zw/la_double_vie_dun_policier_p%C3%A9dophile_%C3%A0_marseille/), voici le procès.

    **Devant la cour criminelle des Bouches-du-Rhône, où un fonctionnaire est jugé pour des viols commis sur deux enfants des rues de Manille et la détention de milliers d’images pédopornographiques, le lanceur d’alerte a raconté mardi comment il s’est retrouvé « seul contre tous ».**

    *Par Luc Leroux (Marseille, correspondant)*

    *Publié aujourd’hui à 11h30*

    A la brigade des mineurs de Marseille, on les avait baptisés « Tic et Tac », deux jumeaux professionnels arrivés ensemble à l’automne 2018. Ils partageaient le même bureau, le même engagement dans la protection de l’enfance et même de l’amitié. Devant la cour criminelle des Bouches-du-Rhône, tout désormais les oppose. Julien P. occupe le box des accusés, détenu depuis quatre ans, jugé pour des viols commis en 2018 sur deux gamins des rues de Manille et pour la détention de milliers d’images pédopornographiques. A l’ouverture de son procès, lundi 1er septembre, l’ex-policier s’est déclaré coupable de toutes les accusations retenues contre lui.

    Christophe A. est, lui, à la barre des témoins, mardi. Il raconte comment il a « démasqué un pédophile infiltré » au sein du service, mais il ne contient pas ses larmes lorsqu’il explique le prix qu’il a payé pour « avoir fait le travail ». Seul contre tous au point de devenir « un paria », « celui qui a mis le bazar dans cette affaire ». Même lorsque Julien P. avait été incarcéré, aux yeux de certains collègues, il était encore « le délateur ».

    Christophe A. énumère les alertes qui ont transformé le doute en certitude. En février 2020, Julien P., qui est aussi président de l’ONG Virlanie France, dont la mission est l’aide aux enfants des rues à Manille, poste sur la boucle WhatsApp de son groupe d’enquêteurs la photo d’un enfant philippin, fier de montrer un dessin censé représenter un paysage de montagne. Mais, à y regarder mieux, l’image qui s’affiche sur les écrans de la cour montre une femme allongée, les jambes écartées. Sur son compte Facebook, Julien P. diffuse des photos de plages ou de randonnées naturistes dans les calanques. « J’ai des doutes, des choses m’intriguent, mais ma cheffe de groupe me dit qu’il fait bien ce qu’il veut dans le privé », explique Christophe A.

    **« Intouchable »**

    Le déclencheur de l’affaire, ce sont des messages tendancieux écrits en « mode ado » que, tard le soir, Julien P. adresse à un garçon de 17 ans amené à la brigade car il voulait déposer plainte pour un viol dans un squat – des images ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Les SMS du policier alertent la directrice du foyer qui héberge le jeune homme, mais la hiérarchie de Julien P., elle, ne s’alarme pas, tout en décelant « un début de drague ». Mais, après tout, le jeune de 17 ans est majeur sexuel, « pénalement, il n’y a rien à reprocher et ce n’est pas le premier policier qui envoie un texto à un témoin », tranche la cheffe de groupe.

    Le patron de la brigade des mineurs est moins abrupt dans son propos, car, explique Marc R. à la cour, « de temps en temps, on peut sortir du cadre administratif, adopter des modes de communication non conventionnels pour garder le lien avec un gamin fuyant ». Pourtant, rappelle Christophe A. devant la cour, il l’avait pressé de saisir l’inspection générale de la police nationale : « Marc, si le loup est dans la bergerie, ça craint. » Mais lorsque Christophe A., prenant la déposition de la directrice du foyer de l’adolescent, avait fait le choix de coucher sur procès-verbal l’existence des SMS adressés par son collègue, sa hiérarchie lui avait demandé de retirer la phrase dans laquelle elle déclarait que le jeune homme avait trouvé l’officier de police judiciaire P. « très louche ». Car « louche, ça fait pédophile », avait jugé la numéro trois de la brigade, raconte-t-il mardi.

    Tout ce que Christophe A. dit à ses supérieurs semble revenir aux oreilles de Julien P., qui « gonfle en assurance, se sent soutenu, intouchable ». Un jour, il lance, bravache, à son collègue : « Je vais effacer mon cloud. » Une autre fois, reprenant les propos de Christophe A. à son chef : « Si le loup est dans la bergerie, on fait comment ? »

    **« Vous avez su voir l’impensable »**

    En mars 2021, sa hiérarchie n’ayant toujours pas bougé, Christophe A. fait le choix d’un « coup d’éclat », explique-t-il aux juges avec un débit de mitraillette. « Je sais que je vais prendre les foudres, mais je décide de ne plus me retenir. » Dans une réunion du groupe d’enquêteurs, il renverse le bureau de Julien P. et « libère [s]a parole ». La hiérarchie est contrainte d’expliquer ce qui s’est passé et de révéler l’affaire des SMS. La brigade avait explosé en deux camps, « celui des gens persuadés que P. avait fauté, ceux qui soutenaient que tant qu’il n’y a pas de preuves… », résume Marc R. « Exactement comme dans une famille quand il y a un viol incestueux, il y a du déni », illustre Christophe A. Même si tous ont vu leur collègue traverser la cour de l’hôtel de police avec des menottes.

    Tout le monde s’accorde à reconnaître que, sans ce « coup d’éclat », cette affaire de pédocriminalité ne serait peut-être jamais sortie. Mais, pour avoir renversé la table, Christophe A. écope d’un avertissement pour « manque de discernement et de dignité ». Les syndicats lui tournent le dos. « Ils m’ont dit : y a un collègue en prison, on ne peut pas te féliciter. »

    Les dépositions des policiers de la brigade devant la cour montrent que les plaies sont mal refermées. Marc R., le patron au « commandement paternel », témoigne d’une « trahison » de Julien P. : « Un de mes pioupious [enquêteurs] m’a planté un couteau dans le cœur, m’a menti les yeux dans les yeux. » Mais tous les lauriers reviennent à Christophe A., le lanceur d’alerte cloué au pilori : « Vous avez su voir et dire l’impensable, ce qu’on imagine impossible, l’a félicité l’avocate générale, Sylvaine Schumacher. Vous avez fait le job, et je vous remercie d’avoir permis de mettre un terme à un comportement pédocriminel et, peut-être, d’éviter de nouvelles victimes. »

    Celles de Julien P. – deux frères, des petits mendiants de Manille âgés de 12 et 15 ans au moment des faits – devaient être entendues, mercredi matin à huis clos, par la cour criminelle, en visioconférence depuis les Philippines. L’aîné depuis la prison où il est incarcéré, son cadet depuis l’ambassade de France où il a promis de se rendre.

  2. >« Ils m’ont dit : y a un collègue en prison, on ne peut pas te féliciter. »

    Un collègue en prison pour des faits criminels avérés (en plus liés à son poste) c’est tout sauf un collègue.

    Mais bon je ne suis pas dans la Police donc je ne suis peut-être pas quelqu’un d’assez poli.

  3. Si même quand il s’agit de pédophilie, l’institution fait corps bêtement et préfère s’en prendre au lanceur d’alerte, on est vraiment pas sorti des ronces pour avoir une police éthique.

  4. Entre “les collègues” qui le soutiennent jusque dans sa cellule, “la cheffe de groupe” qui noie le poisson, “la hiérarchie” qui couvre et qui amende les PV et les syndic qui défendent le coupable, on a du mal à croire à l’excuse de quelques pommes pourries.

    On est en fait sur l’effet inverse, le verger ne produit que quelques bonnes pommes qu’il faut vite isoler sinon elles se font pourrir.

  5. Bravo Christophe, et merde à ta hiérarchie et aux syndicats des FDP

  6. Les collègues et l’institution continuent de protéger un violeur pédophile avéré juste parce qu’il est flic? Aucune surprise et une victoire de plus pour la team ACAB.

    Maintenant on est clairement sur une théorie de la bonne pomme au milieu d’un panier pourri.

  7. Et après ça vient se moquer quand quelqu’un dit ACAB…

  8. Ah bah. Là finalement ça fonctionne le “égalité fraternité”, est-ce qu’il y aura aussi liberté ?

  9. Dans le même genre, moins scabreux mais qui révèle quand même la pourriture institutionnelle, il y a cet épisode des pieds sur terre : [https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/les-pieds-sur-terre-emission-du-jeudi-02-novembre-2023-8459939](https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/les-pieds-sur-terre-emission-du-jeudi-02-novembre-2023-8459939)

    Franchement, je plains les gens qui prennent cette voie avec plein d’idéaux en tête et qui finissent à avoir à faire à un tas de fumier corrompu H24. Ne serait ce que de savoir que l’IGPN peut littéralement foutre ta vie en l’air pour le seul prétexte de préserver l’image de la profession, quand bien même ton service irait bien, me démoraliserait totalement.

  10. Ils m’ont eu sur le titre, j’ai cru que le collègue a pleuré en découvrant qu’il travaillait avec un putain de pédophile…

    Mais non, il a pleuré car il s’est mangé tout le monde sur le dos pour avoir oser dénoncer un pédophile !

  11. ACAB sauf ce mec là. C’est ces mecs là qu’on voudrait voir en flic mais c’est aussi eux qui sont harcelés et brisés par leurs collègues.

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