Dans un contexte mondial où les enjeux démographiques et économiques pèsent de plus en plus lourd sur l’avenir des retraites, le Luxembourg continue de montrer une certaine résilience. L’édition 2024 du Global Retirement Index (GRI), une étude annuelle pilotée par Natixis Investment Managers en partenariat avec CoreData Research, place le Grand-Duché à la sixième position mondiale avec un score global de 78%, juste derrière les Pays-Bas et devant l’Australie.
En 2025, la Norvège occupe la première place du classement avec un score global de 83%, détrônant la Suisse (81%), leader de l’année dernière, qui arrive désormais en troisième position derrière l’Irlande (82%). Le Danemark réalise la progression la plus remarquable dans le top 10, passant de la neuvième à la cinquième place, tandis que la Slovénie fait son entrée dans le top 10 pour la toute première fois. Enfin, deux nouveaux pays font leur entrée dans le top 25: la République slovaque (24e) et Chypre (25e).
Ce classement ne se limite pas aux chiffres macroéconomiques et aux indicateurs institutionnels. Il repose sur 18 indicateurs répartis en quatre dimensions essentielles – santé, bien-être matériel, qualité de vie et finances à la retraite – issus d’organismes internationalement reconnus comme le FMI, l’OCDE ou la Banque mondiale. Ces données sont normalisées, puis agrégées par moyenne géométrique pour obtenir un score global équilibré.
La dimension humaine est également au cœur de l’analyse: une enquête mondiale conduite entre mars et avril 2023 auprès de 8.550 investisseurs individuels dans 23 pays permet de recueillir le sentiment des personnes déjà retraitées ou qui s’y préparent. Cette double approche – à la fois factuelle et perceptuelle – donne au GRI sa force: il cartographie non seulement les performances objectives, mais aussi la confiance ou les inquiétudes réelles des individus.
La santé, point fort du Luxembourg
Sur le plan des points forts, le Luxembourg excelle dans la catégorie «Santé», où il décroche la première place mondiale. Cette performance repose sur une amélioration sensible de l’indice santé, notamment une hausse de dix points en espérance de vie, soutenue par des dépenses de santé assurées parmi les plus élevées internationalement. De son côté, la qualité de vie se stabilise, maintenant une position favorable dans l’indice global.
Pourtant, l’optimisme est nuancé par des faiblesses croissantes. Dans la catégorie «Bien-être matériel», le Luxembourg recule du fait d’une dégradation du score lié au chômage, entraînant une chute de la 21ᵉ à la 27ᵉ place dans cette sous-dimension. Cette dégradation illustre un paradoxe: même un pays solide sur la santé et la qualité de vie peut vaciller si l’emploi, en particulier des jeunes, reste sous tension.
La catégorie «Finances à la retraite» illustre un autre point de fragilité: avec une baisse des performances autour de la pression fiscale et des prêts bancaires non performants, le Luxembourg glisse de la 5ᵉ à la 8ᵉ position.
Par ailleurs, le GRI identifie les principaux risques pesant sur la sécurité financière des retraités. L’inflation persistante affaiblit l’épargne-retraite: une majorité de retraités et futurs retraités déclarent épargner moins à cause de la hausse des coûts de la vie, et beaucoup estiment que l’inflation fragilise leurs projets de retraite. L’effort d’épargne est souvent jugé insuffisant: une part non négligeable s’inquiète de ne jamais parvenir à accumuler ce qui sera nécessaire pour vivre durant les décennies de retraite. Le système public, sous pression en raison de l’augmentation de la dette et du vieillissement des populations, suscite également des craintes. Enfin, le déséquilibre démographique pèse davantage sur les systèmes par répartition: l’allongement de la durée de vie, doublé du vieillissement global, fait craindre un déséquilibre structurel de plus en plus marqué.
Cette réalité illustre pleinement les propos de Sébastien Sallee, responsable Belgique et Luxembourg chez Natixis IM: «Les résultats de l’indice soulignent l’importance d’une planification proactive à tous les niveaux… Mais la sécurité des retraites est une responsabilité collective: les individus, les gouvernements, les institutions financières et les employeurs doivent tous contribuer à cet effort.» Le Luxembourg incarne en 2024 cette dualité – une stabilité sur certains piliers, des vulnérabilités persistantes sur d’autres.
Ce que le classement met en lumière, c’est la nécessité de conjuguer excellence portant la confiance des retraités avec des mécanismes sociaux et économiques renforcés. Dans un monde où beaucoup se sentent «seuls face à leur retraite», selon les sondages (une réalité perceptuelle bien réelle), le Luxembourg doit intensifier ses efforts pour consolider sa cohésion sociale, réduire le chômage et garantir une stabilité financière durable. Un appel à l’action dont l’écho dépasse les statistiques, pour qu’il se traduise en sécurité réelle pour les générations à venir.