Vladimir Poutine a franchi un nouveau cap : l’incursion de drones russes dans l’espace aérien polonais, abattus par des appareils de l’OTAN, marque le premier engagement militaire entre la Russie et l’alliance atlantique en trois ans. Mais l’incident souligne également l’état d’impréparation de l’alliance face à la menace que représentent les drones.
Accumulation des incidents
Les incursions volontaires et involontaires dans l’espace aérien polonais se sont multipliées depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, endommageant les relations entre Varsovie et Moscou. Des missiles russes pénètrent régulièrement dans l’espace aérien polonais, tandis qu’en novembre 2022, un projectile tiré par un S-300 ukrainien au cours d’une attaque russe s’est écrasé à la frontière polonaise, tuant deux personnes.
L’année 2024 marque un tournant, les incidents augmentant peu à peu en gravité : un drone russe pénètre ainsi en avril 2024 en Pologne avant de s’écraser à 25 kilomètres de la frontière. En février 2025, c’est au tour d’un avion de chasse Soukhoï Su-24 de survoler la baie de Gdańsk pendant une minute, tandis que deux autres incidents impliquant des drones russes sont signalés entre le début de l’année et septembre.
L’incursion de cette semaine se démarque cependant par son ampleur ou la méthode d’action. Le premier ministre polonais Donald Tusk a annoncé que 19 drones avaient pénétré l’espace aérien polonais, plusieurs d’entre eux ayant endommagé des maisons et voitures en s’écrasant ; certains des engins sont par ailleurs arrivés en Pologne via la Biélorussie, allié de Moscou qui n’est pas officiellement impliquée dans le conflit en Ukraine. Minsk a de son côté affirmé avoir abattu des drones “qui avaient perdu leur trajectoire”, sans préciser l’origine de ces derniers.
NEW: Russian drones violated Polish airspace on the night of September 9 to 10 in what NATO and European officials have suggested was an intentional Russian incursion.
The large number of Russian drones that violated Polish airspace suggests that this was likely an intentional… pic.twitter.com/jiF6tzRwKt
— Institute for the Study of War (@TheStudyofWar) September 11, 2025Prise de conscience occidentale
Cet incident souligne les lacunes de l’OTAN dans le secteur de la lutte antidrones : l’alliance a dû déployer de précieuses ressources, tels que des F-35 néerlandais, pour abattre des drones de faible qualité. D’autant que selon l’armée polonaise, la plupart des engins employés étaient des leurres : Moscou a pu tester l’efficacité des défenses de l’OTAN à faible coût.
La Russie “aura pris note que nous n’avons toujours pas tiré les leçons de ce que l’Ukraine affronte depuis des années”, souligne à ce propos Ben Hodges, ancien commandant de l’armée américaine en Europe, cité par le Financial Times : “nous ne sommes absolument pas préparés à cela… et maintenant, ils sont à nos portes”.
Selon le Financial Times, les membres de l’alliance atlantique reconnaissent le fait que leurs défenses antiaériennes sur le flanc est de l’Europe laissaient à désirer. “Nous devons investir davantage […] afin de disposer des moyens nécessaires pour dissuader et défendre”, a notamment souligné le secrétaire général de l’OTAN Mark Rutte, tout en félicitant la réactivité des membres de l’alliance militaire.
La prise de conscience de l’infériorité occidentale dans ce secteur est venue d’Ukraine, mais aussi du Proche-Orient : lors des frappes iraniennes contre Israël en avril 2024, des pilotes de F-15 américains se sont ainsi retrouvés rapidement à court de missiles. Le lieutenant-colonel Curtis Culver confiait par exemple à CNN avoir dû utiliser la mitrailleuse de son avion après avoir épuisé ses autres munitions en “20 minutes”.
Une défense coûteuse à mettre en place
L’Ukraine, confrontée à des vagues de Shahed bien plus importantes depuis le début du conflit, a de son côté peu à peu construit une défense antiaérienne multicouche, reposant aussi bien sur des systèmes occidentaux tels que le Patriot, que sur des drones intercepteurs, ou encore des moyens d’interception improvisés comme des avions agricoles équipés de missiles.
Face aux difficultés perçues, plusieurs pays européens ont entrepris d’investir massivement dans leurs défenses antiaériennes à courte portée : la Bundeswehr allemande envisage ainsi l’achat d’entre 500 et 600 Skyranger 30, une tourelle capable de repérer et abattre un drone avec une portée de 40 kilomètres.
Mais la mise en place d’une défense multicouche robuste en Europe de l’est prendra du temps, alors que les incidents frontaliers sont de plus en plus récurrents : l’exercice militaire Zapad, tenus par la Biélorussie et la Russie en fin de semaine, à proximité des frontières polonaise et des pays baltes, sera observé de près, par peur d’une nouvelle incursion testant les défenses et la détermination occidentale.