Ils ont les projets scientifiques les plus prometteurs de leur génération. 144 jeunes de 37 pays ont été finement sélectionnés pour participer à la 36e édition du concours EUCYS ( European Contests for Young Scientists) organisé par la Commission Européenne. Ils ont entre 14 et 20 ans, et ont déjà gagné des prix scientifiques dans leurs pays respectifs avant d’être sélectionnés. Jusqu’à trois équipes par pays peuvent participer chaque année dans une catégorie différente et c’est le cas du Luxembourg.
Des algues pour capter contre le CO2
Eux veulent changer le monde en produisant un plastique biodégradable à partir d’algues qui absorbent l’excès de CO2 présent dans l’atmosphère. «Nous avons commencé par cultiver les algues pendant deux à trois mois», explique Frédérik Mortier, 17 ans, scolarisé au Lycée de Garçons de Luxembourg. L’établissement qui leur a fourni, à lui et à son camarade sur le projet, le matériel nécessaire pour mener à bien l’expérience, «presque 500 euros».
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Peu après la pousse des algues dans un petit aquarium en laboratoire, les algues ont été extraites, séchées et «on a brisé leur paroi cellulaire pour extraire les sucres. A l’aide de ces sucres, nous avons fait une fermentation pour faire de l’acide lactique et c’est cet acide lactique que nous avons polymérisé pour en faire du plastique polymère, du PLA», précise Frédérik.
Qu’est-ce que l’ EUCYS ?
Du 15 au 20 septembre, la science a eu un point névralgique en Europe: Riga, la capitale lettonne. Au centre culturel Hanzas-Perons, de nombreux stands aux projets ambitieux ont été installés ici et là. Les domaines et les préoccupations scientifiques sont variés mais s’accordent en plusieurs thèmes: la biologie, la chimie, l’informatique, l’ingénierie, l’environnement, les matériaux, les mathématiques, la médecine, la physique et enfin les sciences sociales. L’exposition des stands est ouverte au public mais est également notée par un jury qui doit en noter plus d’une vingtaine chacun. L’événement est financé par l’Union européenne.
«Nous voulions faire quelque chose d’un point de vue environnemental car le plastique reste aujourd’hui un problème majeur», renchérit Noah Lindenlaub, 17 ans. C’est un article du fabricant Lego pour trouver de nouveaux matériaux à ses pièces essentiellement en plastique qui a mis les deux jeunes hommes sur la piste de ce projet.
«Notre vision pour l’avenir serait de reproduire ce que nous avons cultivé dans notre aquarium mais dans un conteneur pour les entreprises qui produisent beaucoup de CO2 et de chaleur.» © PHOTO: Lorène Paul
Les deux lycéens mettent en avant le côté pratique de la démarche : elle pourrait être imaginée à plus grande échelle auprès des entreprises. «Notre vision pour l’avenir serait de reproduire ce que nous avons cultivé dans notre aquarium à l’échelle un conteneur pour les entreprises qui produisent beaucoup de CO2 et de chaleur. Elles pourraient alors réutiliser le plastique PLA pour leur packaging, ça serait plus écologique», souligne Noah Lindenlaub.
Pour vous donner une idée, avec leur petit aquarium de 35 litres d’algues, ils pourraient plus ou moins réduire l’émission de CO2 du moteur d’une voiture qui s’est déplacée sur 250 mètres.
Ils mettent aussi l’accent sur l’aspect «peu coûteux» : leur projet n’est composé que d’achats uniques puisque «les colonies d’algues sont réutilisables» à l’infini. «Elles sont monocellulaires donc pour les cultiver c’était aussi plus simple. Si je schématise hormis d’un milieu favorable, elles ont juste besoin de 25 degrés celsius et un apport constant en CO2», souligne Frédérik Mortier.
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Si les deux lycéens ont choisi l’algue Chorella Vulgaris, c’est aussi pour ses besoins uniques en eau douce, contrairement à des expériences qui avaient déjà eu lieu, dans la bibliographie scientifique, avec des algues vivant dans un milieu salé.
Un bracelet pour détecter le cancer de la peau
Leur stand est facilement reconnaissable à sa couleur violette et son identité visuelle particulièrement marquée : on peut lire en grandes lettres «Aura». Ces jeunes, du lycée Athénée, croient dur comme fer à leur «embrace your Aura, protect your skin» (embrasse ton aura et protège ta peau). Ils sont trois à avoir développé cette technologie (mais ils ne sont que deux présents sur le stand).
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Leur idée est simple: permettre à «Monsieur Tout-le-Monde» de détecter un cancer de la peau. Cela fonctionne en deux étapes.
Nous avons entrainé notre application avec l’intelligence artificielle sur plus de 10.000 photos de publications dermatologiques.
Rogrigo
lycéen
D’abord via une application spécifiquement créée pour l’occasion et qui porte aussi le nom d’Aura. A la première connexion, l’utilisateur s’enregistre rentre son nom et sa couleur de peau. «Une personne sur cinq aux Etats-Unis va développer un cancer de la peau et personne n’en parle», explique Shaheen Aljourdi, un des lycéens fondateurs d’Aura.
Ensuite, l’application est directement reliée au bracelet et permet d’indiquer avec précision l’indice des rayons ultraviolets là où se trouve la personne. L’indice UV va de 1 à 11 et pour chaque stade de l’indice UV, l’application donne des conseils vis-à-vis de la protection par rapport au soleil.
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Concrètement, elle permet aussi de détecter de deux façons un cancer de la peau: la première en se basant sur des photos prises à l’iPhone. «Nous avons entrainé notre application avec l’intelligence artificielle sur plus de 10.000 photos de publications dermatologiques d’internet et de sources libres», détaille Rodrigo Von Mayer Goulart, aussi fondateur d’Aura et présent aux EUCYS.
Pour l’autre méthode, il faut ouvrir le bracelet et se munir des deux électrodes à l’intérieur. Il faut mettre les deux électrodes sur un bout de peau et ensuite placer les électrodes entre le grain de beauté suspect afin de réaliser un comparatif. «Nous avons développé différents PCB, des circuits imprimés, il envoie des signaux électriques à la peau et il mesure l’impédance, c’est comme la résistance, et à partir de ça on peut déterminer si une personne a un cancer de la peau ou non. C’est méthode est fiable à 90%, selon les études», précise Rodrigo.
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Pour la suite, les trois lycéens veuillent continuer les tests cliniques, collaborer avec des médecins et pourquoi pas commercialiser le bracelet par la suite et le rendre «accessible», il serait affiché au prix de 50€ (pour une production estimée à 40€).
«La première visite du jury que nous avons eue, c’était une experte. Elle a attiré notre attention sur plusieurs points, elle a posé des questions très spécifiques et elle nous a conseillé de réduire la taille du bracelet», expliquent Rodrigo et Shaheen.
Rendre l’industrie minière plus respectueuse de l’environnement
Elles ont 17 et 18 ans et veulent rendre l’industrie minière plus écoresponsable. Lenan Du et Fanxi Jiang ont associé leurs différents centres d’intérêt l’environnement et les bitcoin pour un projet commun.
«Notre but est d’aider les mineurs à choisir les énergies renouvelables et de les rendre plus attractives que les combustibles fossiles pour améliorer l’environnement», précise Fanxi.
«Notre but est d’aider les mineurs à choisir les énergies renouvelables et de les rendre plus attractives que les combustibles fossiles pour améliorer l’environnement», précise Fanxi. © PHOTO: Lorène Paul
La plateforme qu’elles ont créée leur permet d’ajuster le pourcentage de fonctionnement des machines minières: «Lorsqu’il y a beaucoup d’énergie renouvelable, par exemple, lorsqu’il y a beaucoup de lumière, elles fonctionneront à 100% et la nuit elles s’ajusteront à 10%», précise Fanxi. Une solution qui permettrait d’économiser l’électricité et réduire le coût du minage. «Nous voulons nous assurer que la fonction permette de maximiser une récompense des mineurs en bitcoins plutôt que de faire des profits sur l’utilisation de combustibles fossiles», souligne-t-elle.
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Leur plus grand défi est d’associer différents domaines comme l’environnement, les sciences, l’ingénierie et les mathématiques et ne pas être experts. «Il y a beaucoup de structures avec l’IA que nous sommes censées coder dans notre programme et c’est vraiment difficile pour nous. Et nous essayons toujours de comprendre comment faire», souligne Lenan.
Dans un souci de transparence, nous précisons que la Commission européenne a pris en charge les frais de vol et d’hôtel de la journaliste.