Le Bureau fédéral du plan vient de publier une étude sur l’évolution de l’approvisionnement électrique belge à l’horizon 2050. Dans le scénario le plus rentable économiquement, la Belgique devrait construire huit gigawatts de nouvelles centrales nucléaires, soit l’équivalent de huit grands réacteurs comme Doel 4 (Anvers).
Cette recommandation s’inscrit dans l’objectif d’atteindre la neutralité climatique pour la production électrique.
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L’institut de recherche fédéral anticipe une explosion de la demande énergétique. «Je n’aime pas utiliser des hyperboles, mais nous nous dirigeons vers une demande d’électricité sans précédent», souligne Alex Van Steenbergen, coordinateur de l’équipe Énergie au Bureau du plan dans les colonnes du journal L’Echo.
La consommation électrique pourrait plus que doubler d’ici à 2050, atteignant plus de 200 térawattheures, principalement en raison de la sortie progressive des combustibles fossiles.
Trois scénarios analysés
Les chercheurs ont modélisé trois trajectoires distinctes pour parvenir à un approvisionnement décarboné. Le premier scénario, jugé optimal sur le plan financier, combine le développement maximal de l’éolien offshore et du nucléaire.
La capacité éolienne maritime passerait de 2,2 à 8 gigawatts, tandis que 8 gigawatts nucléaires seraient ajoutés au parc existant.
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Le deuxième scénario adopte une approche conservatrice, excluant tout nouveau nucléaire et limitant les investissements dans l’éolien en mer. La troisième option mise sur des investissements massifs dans l’éolien offshore, tant dans les eaux territoriales belges qu’à travers des câbles de connexion vers les parcs éoliens néerlandais, danois, allemands et britanniques.
Tous les scénarios prévoient d’importants développements du solaire photovoltaïque et de l’éolien terrestre. Cependant, les deux alternatives sans nucléaire imposent des importations électriques considérables.
Avec l’option éolienne maximale en mer du Nord, la Belgique devrait importer près de 40% de son électricité d’ici à 2050, un volume quasi équivalent à la consommation nationale actuelle. Elle se mettrait ainsi dans une position de grande dépendance.
Avantage économique du nucléaire
L’analyse économique penche nettement en faveur du scénario nucléaire. Les coûts totaux pour l’approvisionnement électrique, infrastructure réseau comprise, s’élèvent à 115 euros par mégawattheure. Les scénarios alternatifs affichent des coûts supérieurs de 25 à 35%.
Dans la stratégie nucléaire théorique, les deux centrales les plus récentes, Doel 4 et Tihange 3 seraient maintenues dix années supplémentaires jusqu’en 2045, tandis que les nouvelles installations fourniraient près d’un tiers de l’électricité belge en 2050.
Il ne s’agit pas uniquement d’une analyse des coûts économiques. De nombreux autres facteurs doivent être pris en compte, tels que l’indépendance énergétique, les incertitudes concernant les coûts de l’énergie nucléaire et éolienne, et la question des déchets nucléaires.
Baudouin Regout
Commissaire au Plan
Toutefois, le Bureau du plan reste prudent. «Le scénario avec 8 gigawatts d’énergie nucléaire est le moins cher», résume Baudouin Regout, commissaire au Plan. «Mais il ne s’agit pas uniquement d’une analyse des coûts économiques. De nombreux autres facteurs doivent être pris en compte, tels que l’indépendance énergétique, les incertitudes concernant les coûts de l’énergie nucléaire et éolienne, et la question des déchets nucléaires.»
De façon assez surprenante, l’étude du Bureau du plan écarte les petits réacteurs modulaires (SMR), très médiatisés ces dernières années, souvent perçus comme une solution capable d’éluder les critiques des antinucléaires. «Les nouvelles centrales nucléaires dans notre modèle sont des grandes centrales nucléaires conventionnelles, pas des petits réacteurs modulaires», précise l’économiste de l’énergie Philippine de Radiguès. «Leurs coûts sont plus élevés, et nous ne voyons donc pas ces investissements dans notre modèle.»
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Cette conclusion contraste avec les initiatives récentes du ministre de l’Énergie, le libéral Mathieu Bihet. Lors de la 69e Conférence générale de l’Agence internationale de l’énergie atomique qui s’est tenue à Vienne à la mi-septembre, il a signé un protocole d’accord pour le projet Eagles 300.
Ce programme, mené avec l’Italie et la Roumanie, vise à développer une nouvelle génération de SMR refroidis au plomb. «Cette signature illustre l’importance de la coopération européenne pour construire notre futur énergétique», indique le ministre dans un communiqué.
EDF lorgne sur les actifs belges
Parallèlement, des mouvements s’esquissent dans le paysage industriel. Selon le quotidien français La Lettre, Électricité de France (EDF) étudierait la reprise de certains actifs nucléaires belges détenus par Engie.
Le directeur du parc nucléaire d’EDF, Cédric Lewandowski, aurait entamé des discussions avec Engie et l’État belge pour une éventuelle acquisition des réacteurs Doel 4 et Tihange 3, dont la durée de vie pourrait être dès lors prolongée jusqu’à 2045 comme l’espère le gouvernement De Wever.
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Cette démarche intervient alors qu’Engie se détourne progressivement de l’atome et a répété à plusieurs reprises son désintérêt pour de nouvelles aventures nucléaires en Belgique. EDF détient déjà, via sa filiale Luminus, une participation de 10% dans les deux réacteurs convoités.
Un parc en mutation
Le paysage nucléaire belge connaît une transformation majeure. Trois réacteurs sur sept ont déjà cessé définitivement leur activité: Doel 3 en septembre 2022, Tihange 2 en janvier 2023, et Doel 1 en février 2025. Doel 2 doit s’arrêter fin novembre 2025, tandis que Tihange 1, le plus ancien du parc, devrait cesser son exploitation début octobre.
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À l’heure actuelle, seuls Doel 4 et Tihange 3 bénéficient d’une prolongation confirmée jusqu’en 2035. Le gouvernement De Wever explore néanmoins une prolongation de Tihange 1, ce qui nécessiterait de rouvrir les négociations avec les exploitants avant son démantèlement programmé dans les prochains jours. Avec 50% des parts de Tihange 1, EDF pourrait également jouer un rôle déterminant dans ces discussions, estime L’Echo.
Tout cela nous entraîne loin de la loi de sortie du nucléaire votée en 2003. Prévue pour entraîner la fermeture progressive des réacteurs en 2025, elle avait été partiellement suspendue face aux crises énergétique et climatique. Le 15 mai dernier, le Parlement fédéral a voté à une large majorité son abrogation, marquant ainsi un tournant dans l’histoire énergétique du pays.
Ce revirement a été motivé par la nécessité d’assurer la sécurité d’approvisionnement, de respecter les objectifs climatiques et de répondre à l’appel croissant des milieux industriels.
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