En quoi le design d’espaces professionnels constitue-t-il aujourd’hui un levier stratégique pour les entreprises ?
Ekaterina Pipkova : Depuis toujours, le design constitue un levier d’amélioration de notre quotidien. C’est aussi vrai pour la conception des espaces de travail. Dans cet environnement post-Covid, avec une accélération de l’hybridation du travail, le design répond à des enjeux étendus. Les entreprises doivent adapter leurs espaces pour satisfaire aux attentes des collaborateurs. Elles cherchent aussi à optimiser l’occupation des surfaces, dans une optique de rentabilité. Au-delà, les aménagements doivent refléter leur identité, contribuer au bien-être des équipes, soutenir l’attraction des talents. Une conception bien pensée doit apporter des réponses concrètes à ces nombreux enjeux.
Alain Clarinval : Compte tenu de tout cela, le design devient un levier stratégique pour les entreprises, dans la mesure où il contribue à structurer les usages. Dans un contexte luxembourgeois, où les mètres carrés sont de plus en plus chers, les entreprises cherchent à tirer un maximum de valeur de leurs espaces. Cela suppose de concevoir des lieux agiles, capables de répondre à des usages multiples, sans sacrifier ni la qualité de vie ni la performance.
Le design devient un levier stratégique pour les entreprises, dans la mesure où il contribue à structurer les usages. Dans un contexte luxembourgeois, où les mètres carrés sont de plus en plus chers, les entreprises cherchent à tirer un maximum de valeur de leurs espaces.
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Au regard de ces enjeux, comment appréhendez-vous un projet de conception d’espace ? Quels sont les éléments à prendre en considération ?
E.P. : À travers le design, nous repensons les lieux dans leur globalité pour créer une dynamique sociale. Dans beaucoup de cas, nos clients souhaitent réduire leur surface tout en préservant leur capacité d’accueil. Beaucoup font le constat que, entre les congés, les maladies, les collaborateurs travaillant à distance, les moments où l’ensemble des employés sont présents au bureau sont très rares. Il y a une opportunité à repenser l’espace, pour apporter une flexibilité accrue, en créant des zones variées et modulables, répondant à la diversité des besoins. Dans certains cas, les collaborateurs souhaitent bénéficier d’endroits propices à l’échange, à la collaboration. Quand d’autres auront besoin d’un endroit où ils pourront être au calme, se concentrer, avec l’installation de bulles isolées au niveau acoustique par exemple.
À travers le design, nous repensons les lieux dans leur globalité pour créer une dynamique sociale.
A.C. : L’important, avant tout, est d’être à l’écoute du client, afin de comprendre ses besoins et les enjeux de l’entreprise. Aucun espace n’est identique. Par exemple, nous accompagnons des acteurs internationaux qui souhaitent que leurs espaces traduisent leur identité de manière cohérente. Ils désirent que leurs bureaux soient le reflet d’une culture commune à travers leurs diverses localisations. Dans le même temps, il est aussi essentiel de tenir compte des aspects locaux, des attentes des collaborateurs, qui peuvent sensiblement varier d’un pays à l’autre. Cette approche « glocale », contraction de global et local, gagne en importance.
Il faut cependant aller au-delà de l’expression des besoins des clients, en partageant nos retours d’expérience, en les sensibilisant à des enjeux spécifiques. Il est important de créer des lieux où les collaborateurs ont envie de venir, où ils peuvent profiter d’une expérience utilisateur de qualité. C’est par notre capacité à prendre en compte tous ces enjeux que nous pouvons faire la différence, en mettant en œuvre des designs uniques, adaptés à chaque client.
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En proposant à travers l’espace de travail des éléments que l’on ne trouve qu’au bureau. Pour que les collaborateurs se déplacent, il faut leur proposer une expérience différente de celle vécue lorsqu’il est à distance. Dans nos métiers, par exemple, c’est au bureau que l’on va pouvoir échanger entre collègues, à travers des espaces dans lesquels on va pouvoir mener des ateliers, accéder à des échantillons de matériaux. Cela facilite l’expression de la créativité, tester des assemblages, manipuler des éléments. Ce sont des choses que l’on ne peut pas faire à la maison.
En proposant à travers l’espace de travail des éléments que l’on ne trouve qu’au bureau. Pour que les collaborateurs se déplacent, il faut leur proposer une expérience différente de celle vécue lorsqu’il est à distance.
A.C. : Le design contribue à créer un sentiment d’appartenance, en intégrant des éléments d’identité de l’entreprise, en créant des ambiances cohérentes et engageantes. La conception contribue à renforcer la culture et l’engagement collectif. À travers la conception, on peut aller plus loin, en proposant des espaces de détente, de spiritualité, des « mother rooms » ou encore des zones de siestes ou propice à la pratique du yoga, par exemple. Le bureau doit devenir un lieu de vie, un espace de socialisation, et non plus seulement un endroit où l’on vient travailler. Ces approches sont des leviers puissants, surtout dans un contexte de forte concurrence pour attirer les talents.
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La durabilité constitue aussi une préoccupation croissante des entreprises. Comment ces enjeux sont-ils intégrés au niveau du design ?
E.P. : L’intégration des enjeux de durabilité, tant en matière de limitation des impacts sur l’environnement que de renforcement du bien être des collaborateurs, n’est plus une option. Cela passe aujourd’hui par exemple par la réutilisation des matériaux déjà présents dans les espaces transformés, comme la moquette, les cloisons, le mobilier, ou par le recours à des matériaux biosourcés.
A.C. : À nos yeux, il faut aborder ces enjeux comme des opportunités, et non comme des contraintes. Pour cela, nous avons mis en place une approche orientée « solutions », grâce à un outil exclusif. Cet outil nous permet de générer des rapports détaillés pour nos clients, transformant des concepts abstraits de durabilité en données concrètes et mesurables. Ces insights guident nos décisions de design et permettent à nos clients de comprendre l’impact réel de leurs choix.
Les solutions à mettre en œuvre sont nombreuses. Si l’on prend la problématique de l’eau, par exemple, il est par exemple possible de privilégier des systèmes de filtration, afin d’en garantir la qualité et éviter les bouteilles en plastique. On peut s’interroger sur la nécessité de proposer de l’eau chaude pour se laver les mains. Encore une fois, le design cherche, à bien des égards, à répondre à une multitude d’enjeux.
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Face à la vitesse des évolutions technologiques, comment concevoir des espaces pérennes ?
A.C. : Le design ne se limite pas au choix des couleurs et des matériaux. La pérennité des conceptions proposées repose sur le fait que l’on considère avant tout les usages, en tenant compte des tendances de fond. À cet égard, la technologie doit permettre de renforcer l’expérience des utilisateurs, tout en répondant aux enjeux liés à l’activité. Pour l’un de nos clients, par exemple, nous avons mis en œuvre une Pitch Room, une salle constituée d’écrans, conçue pour permettre d’immerger un client dans un projet immobilier ou un prototype de véhicule. Ce type d’espace répond à une logique de storytelling, de séduction, qui sera pertinente longtemps.
Le design ne se limite pas au choix des couleurs et des matériaux. La pérennité des conceptions proposées repose sur le fait que l’on considère avant tout les usages, en tenant compte des tendances de fond.
E.P. : La technologie change tout. Elle ne remplace pas le design. Au contraire, elle l’augmente. Dans notre métier, nous utilisons désormais l’IA pour générer des visuels, simuler des aménagements, accélérer la création. Mais la vision, le sens, l’écoute du client… cela reste profondément humain. Chez Tétris, nous croyons que le design durable repose avant tout sur la capacité à accompagner les mutations, sans jamais perdre de vue les usages.
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