Cette semaine, nous recevons Nicu Popescu, ancien vice-Premier ministre moldave et tout juste élu député du parti pro-européen PAS. Il commente la récente victoire de son parti aux élections législatives en dépit des soupçons d’ingérences russes et accuse Vladimir Poutine de chercher à déstabiliser l’UE.

Lors des élections législatives moldaves du 28 septembre 2025, le parti pro-européen Action et Solidarité, le PAS, a raflé 50,2% des voix face aux partis proches du Kremlin. Cette victoire permet au pays, république soviétique de 2 millions et demi d’habitants, de contrer l’influence russe et de poursuivre ses négociations d’adhésion à l’entrée dans l’Union européenne (UE) entamées en 2022. «C’est une victoire exceptionnelle», s’enthousiasme Nicu Popescu, élu député du parti gagnant lors de ces élections. 

«Les Moldaves ont fait un choix historique»

«Nous voyons que ces dernières années, en Europe, la plupart des gouvernements qui étaient au pouvoir ont perdu des élections car les gens étaient mécontents à cause de l’inflation ou des effets économiques liés à la guerre en Ukraine. […] La Moldavie a été encore plus affectée économiquement que ces pays. Nous avons eu encore plus d’inflation qu’en France ou en Allemagne. Le choc économique a été encore plus fort. […] La guerre a fait peur aux investisseurs.»

Il salue, malgré cela, le choix de ses compatriotes : «Les Moldaves ont fait ce choix historique parce qu’ils se rendent compte qu’il ne s’agit pas juste de l’économie, mais aussi de la paix. C’est aussi la stabilité et l’avenir européen et démocratique de notre pays qui comptent.»

«ll y a eu beaucoup d’ingérence»

Face à la victoire du PAS, le Bloc patriotique, principal parti d’opposition conteste les résultats et ne cache pas sa complaisance envers Moscou. «ll y a eu beaucoup d’ingérence», estime l’ancien vice-Premier ministre moldave. «Il y a eu des opérations russes avec des bots, des trolls, des algorithmes sur les réseaux sociaux pour promouvoir leur candidat. Mais il y a eu plein d’autres types d’ingérence physiques et financières. La police a trouvé des millions d’euros qui ont été injectés dans la politique moldave. La Russie a payé des centaines de gens, des activistes, des partis, des journalistes et experts corrompus pour faire la promotion des partis pro-russes.» 

En Transnistrie, une région séparatiste du pays, pro-russe et russophone, l’opposition affirme que des citoyens auraient été empêchés de voter. Le député du PAS fustige ces allégations : «La Russie a organisé l’entraînement des gens pour provoquer des violences. C’est très connu en Moldavie. Plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées car elles ont eu des entraînements organisés par les Russes pour attaquer la police, pour faire des explosifs, pour occuper des bâtiments publics. […] Cela va bien au-delà des réseaux sociaux. Ils veulent provoquer des violences. Après les élections, on a arrêté 31 personnes qui sont venues depuis la Transnistrie pour provoquer des violences.»

«Nous avons déjà beaucoup fait pour développer l’infrastructure»

La Commission européenne considère le pays comme un bon élève et lui a accordé une aide de 1,9 milliard d’euros sur trois ans conditionnée à la mise en place de réformes économiques et institutionnelles. Les investissements sont visibles dans les grandes villes mais moins dans le reste du pays : «Nous avons vraiment ce plan de croissance pour le pays. Nous avons déjà beaucoup fait pour développer l’infrastructure. […] Notre infrastructure énergétique a permis de sécuriser l’électricité et le chauffage dans les maisons moldaves alors que cette sécurité énergétique a été vraiment menacée à cause des attaques hybrides russes.»

«La Russie a intérêt à fragiliser l’Europe»

La Russie est également accusée de chercher à déstabiliser l’UE. Cela passe par l’utilisation d’une flotte fantôme arraisonnée dans les eaux territoriales de la France : «Si tu es agressé, même si ça n’est pas une agression militaire, il faut que tu te défendes.» 

À cela s’ajoutent les récentes attaques de drones présumés russes sur des États membres. «La Russie a intérêt à fragiliser l’Europe et les opinions publiques européennes. Ils veulent faire peur aux gens afin que les États européens ne veuillent plus soutenir ni l’Ukraine ni l’augmentation des dépenses pour la défense et qu’ainsi elle n’ait plus les moyens de se défendre. […] Le but est de désolidariser la France de la Pologne, de l’Italie, de l’Ukraine et que l’Europe, au lieu d’être unie, se compose de petits États influençables et à qui on peut faire du chantage.» Nicu Popescu explique qu’il y a eu «un effort de modernisation militaire russe énorme depuis plus de quinze ans : les Européens ont ignoré cela. Cela a été une erreur stratégique des gouvernements français, allemands, britanniques entre 2008 et 2022», critique-t-il. 

«Nous ne sommes pas dans l’inaction»

Face à la menace russe, les États membres ainsi qu’une vingtaine d’autres dirigeants européens se sont réunis à l’occasion d’un sommet de la Communauté politique européenne. L’augmentation des capacités de défense de l’UE peine pourtant à progresser. «Nous ne sommes pas dans l’inaction», se défend le député moldave. «Les dépenses militaires se conjuguent à une modernisation des moyens mais il faut faire beaucoup de rattrapage. […] Il faut vraiment accélérer pour être en position de protéger la paix des Européens», reconnaît-il. 

L’Union envisage de lever 140 milliards d’euros provenant des avoirs de la Banque centrale de Russie immobilisés au sein de l’UE pour financer un prêt à Kiev qui sera remboursé si la Russie verse des réparations de guerre. Une initiative que soutient Nicu Popescu : «C’est une bonne idée de s’assurer que l’Ukraine tient bien parce que l’Ukraine protège l’Europe. […] Sans une Ukraine forte au niveau militaire et financier, toute l’Europe sera en danger militaire immédiat. […] Le seul moyen de garder la paix, c’est d’être fort», conclut-il.