Shein n’a ouvert pour l’instant que des boutiques éphémères en France. Mais il s’agit déjà du plus grand magasin de mode au monde en ligne. Vous y trouverez par exemple un polo pour hommes à 2,49 euros, comme on le constate dans le reportage du 20H ci-dessus. Comment atteindre des prix aussi bas, sur lequel les enseignes françaises ou européennes ne peuvent pas s’aligner ?
“Les coûts de production sont très faibles en Chine, c’est clair. Mais malgré tout, les prix qui sont annoncés sont nécessairement des prix à perte”, estime l’économiste Françoise Nicolas. Cela signifie que l’entreprise accepte de perdre de l’argent aujourd’hui. Mais “une fois qu’une entreprise comme Shein se sera imposée, elle aura éliminé ses concurrents. Et donc là, elle sera maîtresse du jeu, puisqu’elle sera en situation de quasi-monopole”, prédit la spécialiste de l’Asie à l’Ifri.
“On ne joue pas à armes égales”
Voilà la stratégie de ces entreprises chinoises. Casser les prix pour mettre à terre ses concurrents européens, et s’imposer sur le marché. Effectivement, plusieurs enseignes françaises de prêt-à-porter ont fermé ces dernières années. Et d’autres ont été rachetées par des investisseurs chinois, qui contrôlent ainsi toute la chaîne de valeur, de la production à la commercialisation. Et moins la Chine exporte vers les États-Unis, qui exige désormais d’importants droits de douane, plus elle exporte vers l’Europe.
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Nous risquons donc d’être submergés par des produits à prix cassés, y compris agricoles. Les producteurs de maïs dénoncent une pratique de dumping. “Une entreprise étrangère vend sur le marché européen à un prix qui est en dessous de son coût de production. On ne joue pas à armes égales. Vous imaginez bien que ça tire vers le bas toute la filière et ça met en grand danger les agriculteurs européens”, estime Adrien Mary, directeur général de l’Association européenne de transformation de maïs doux (AETD).
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L’autre déséquilibre entre notre économie et le système chinois, ce sont les subventions. Toute la filière maïs, par exemple, est sous perfusion d’aides publiques, de la semence à l’engrais, en passant par l’acier qui sert à produire les boîtes de concert. Même stratégie pour la filière des voitures électriques, leurs batteries et les terres rares qui les composent. “Tout le monde le savait, ça a été annoncé par le gouvernement dans le cadre de ses plans. On mettrait l’accent sur les véhicules électriques, la robotisation, l’intelligence artificielle”, rappelle Françoise Nicolas. Ces aides publiques peuvent prendre mille visages différents, comme la fourniture d’énergie à bas coût ou d’un terrain sur lequel s’implanter – ce qui rend la notion de coût de production en Chine très relative et très opaque.
La rédaction de TF1info | Reportage : Joséphine DE FRANCQUEVILLE, Aryel CURAUDEAU-CAMUS, David DE ARAUJO
