Le vendredi 3 octobre 2025 demeurera dans les mémoires luxembourgeoises comme un moment de transition solennelle. En effet, après avoir régné pendant un quart de siècle, Henri, Grand-Duc de Luxembourg, a officiellement abdiqué et transmis le pouvoir à son fils aîné, le prince Guillaume. Cette transmission, soigneusement orchestrée et lourde de symboles, est ainsi célébrée dans ce petit pays de moins de 700 000 habitants, et demeure une occasion pour le nouveau Grand-Duc, incarnant une continuité dynastique, de rencontrer son peuple, d’échanger avec lui et de donner sens à cet évènement.
L’avènement d’un nouveau souverain
Ce 3 octobre matin, l’ambiance était empreinte de gravité et d’émotion dans les rues de Luxembourg-Ville. Sur la place Guillaume II, un grand écran retransmettait les cérémonies du palais, invitant la foule à suivre chaque instant. Vers 10 heures, sous les voûtes du palais grand-ducal et dans une émotion palpable, S.A.R. le Grand-Duc Henri a signé l’acte officiel d’abdication, en présence des plus hautes autorités du pays notamment le Premier ministre Luc Frieden. Au même moment, à l’extérieur, le drapeau portant le monogramme du Grand-Duc Henri fut baissé lentement dans un silence respectueux, marquant symboliquement la fin du règne. Peu après, vers 11 heures, le prince Guillaume a prêté serment devant la Chambre des députés, selon les prescriptions de la Constitution. Un hissage du nouveau drapeau, arborant le monogramme de nouveau Grand-Duc, accompagnait ce moment.
À l’issue de ces cérémonies, la famille grand-ducale fit une apparition majestueuse sur le balcon du Palais, offrant à la foule un moment d’émotion partagée. Le nouveau couple grand-ducal, entouré de Guillaume, et des princes Charles et François, salua le peuple dans une communion visible entre le monarque et ses sujets. Ils firent de même après à l’Hôtel de Ville de Luxembourg. Enfin, la journée s’acheva par un dîner de gala au Palais grand-ducal, en présence de chefs d’État (dont Emmanuel Macron !), du roi et de la reine des Belges, du roi et de la reine des Pays-Bas.
Le 4 octobre, les festivités se prolongèrent avec la tournée du nouveau souverain et de son épouse, la grande-duchesse Stéphanie dans plusieurs communes du pays où les souverains ont rencontré diverses associations, des acteurs culturels et des bénévoles. L’enjeu était clair : établir dès le premier jour un lien fort entre le Grand-Duc et son peuple, montrer une souveraineté incarnée et humaine.
Les célébrations s’achèveront enfin dimanche par un Te Deum solennel, présidé en la cathédrale Notre-Dame de Luxembourg par le cardinal Jean-Claude Hollerich, un moment de prière et de recueillement qui rappellera le lien ancien et profond unissant la dynastie grand-ducale à la foi catholique ; un fait que le pape Léon XIV a souhaité souligner en félicitant le nouveau souverain : « Puisse son altesse royale contribuer à son tour à promouvoir une vie fondée sur le respect des valeurs chrétiennes qui ont forgé l’identité du Luxembourg et favoriser ainsi la recherche inlassable du bien commun ».
Une grande histoire
Le nouveau Grand-Duc Guillaume, en accédant au pouvoir, est également l’héritier d’une histoire millénaire. En effet, le Luxembourg fut d’abord un modeste comté fondé au Xe siècle avant de devenir un duché en 1354. Ce territoire, au carrefour de l’Europe, fut alors sans cesse tiraillé entre les grandes puissances voisines. Sous l’autorité du Saint-Empire romain germanique, il passa tour à tour sous l’influence des Habsbourg d’Espagne puis d’Autriche.
À l’époque moderne, le Congrès de Vienne en 1815 fit du Luxembourg un Grand-Duché, placé sous la couronne des rois des Pays-Bas. Il fallut alors attendre 1890 pour que le Luxembourg suive une voie pleinement autonome. En effet, à la mort du roi Guillaume III des Pays-Bas, dont l’héritière ne pouvait prétendre au trône luxembourgeois en vertu des lois de successions exclusivement masculines, la couronne ducale passa à son cousin Adolphe de Nassau.
Parmi les souverains marquants de cette maison, la grande-duchesse Charlotte, qui régna de 1919 à 1964, demeure une figure d’exception. Son rôle pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’elle prit la tête de l’exil et incarna la résistance morale de son peuple, fit d’elle une icône nationale. Elle abdiqua ensuite en faveur de son fils Jean, lequel abdiqua à son tour en 2000, cédant la couronne à son fils Henri. Ces abdications successives témoignent d’une tradition de transitions pacifiées, un choix volontaire et réfléchi d’assurer la continuité dynastique dans la sérénité.
Henri, né en 1955, avait été préparé de longue date à ses fonctions. Dès 1998, il fut nommé lieutenant-représentant de son père, assumant progressivement les responsabilités souveraines avant de monter sur le trône en 2000. Durant ses 25 années de règne, il exerça un rôle essentiellement représentatif, car le Grand-Duc, en vertu de la Constitution, ne gouverne pas : il signe les lois, nomme le gouvernement, incarne l’unité nationale et représente le pays à l’étranger. Ce qui n’empêcha pas le Premier ministre Luc Frieden de déclarer : « Vous avez profondément marqué le Luxembourg. L’histoire de notre pays ne saurait s’écrire, désormais, sans un chapitre sur Votre règne ».
En 2024, lors de son traditionnel discours de Noël, le Grand-Duc Henri annonçait publiquement sa volonté d’abdiquer et désignait alors son fils Guillaume comme successeur. Il exprimait son projet, dans des mots empreints de dignité et de gratitude, et dans un souhait de transmettre sa charge à une nouvelle génération. Ce geste, loin d’être une retraite contrainte, illustre la vision moderne d’une monarchie lucide, qui sait conjuguer respect de la tradition et la raison d’Etat.
Les Bourbons règnent sur le Luxembourg
Soulignons que le Grand-Duc Guillaume, de par son ascendance paternelle directe appartient à la maison de Bourbon-Parme. En effet, son arrière-grand-mère, la Grande-Duchesse de Luxembourg Charlotte (1896-1985), dernière Nassau, avait épousé le prince Félix de Bourbon-Parme (1893-1970), fils de Robert (1848-1907), dernier prince régnant de Parme. Ainsi, les Bourbons règnent sur le Luxembourg, sans que grand monde le sache, depuis 1964, date à la laquelle le grand-duc Jean (1921-2019), fils de la Grande-Duchesse Charlotte et père du Grand-Duc Henri qui vient d’abdiquer. C’est un peu de France qui règne sur le Luxembourg…
De gauche à droite, la grande-duchesse Maria Teresa, le grand-duc Henri, le grand-duc Guillaume, la grande-duchesse Stéphanie (Capture d’écran YT Royal TV)