Quatre bouffées ont suffi à le faire « décoller ». Nicolas Durand* pensait se « détendre » mais a vécu l’extrême opposé en fumant du CBD, une molécule extraite du cannabis réputée pour ses vertus relaxantes et vendue légalement en France.

*prénom modifié

Accélération du rythme cardiaque, oppression au niveau de la cage thoracique, suivies d’une crise d’hilarité incontrôlable : « Je suis défoncé et au bord de la crise d’angoisse », confie-t-il à l’AFP. « J’ai eu peur. »

Les « bad trips » liés au CBD, vendu dans un réseau d’environ 2 000 boutiques, bureaux de tabac et sites Internet en France, se multiplient, selon les autorités sanitaires. Elles recensent plusieurs centaines de cas d’intoxication depuis début 2024.

En juin, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et l’Anses (sécurité sanitaire) ont alerté : certains produits « contiennent d’autres substances, rarement identifiées sur l’emballage, dont la consommation provoque une hausse significative des intoxications ».

Une centaine de signalements depuis mars 2024

Les effets indésirables, parfois dangereux, sont liés à la présence de cannabinoïdes de synthèse, des molécules dites « alternatives », qui peuvent être aspergées sur des fleurs de CBD ou intégrées à des produits transformés tels que des gummies, des huiles ou du e-liquide.

Créés en laboratoire, les cannabinoïdes de synthèse imitent les effets psychoactifs du THC, tétrahydrocannabinol, le principal composant psychoactif du cannabis, légal dans plusieurs pays mais interdit en France, où sa teneur dans les produits ne doit pas dépasser 0,3 %.

Quand un urgentiste m’a appelé pour me parler d’un cas d’intoxication au CBD, je lui ai dit que c’était impossible.

Joëlle Micallef
Présidente du réseau français d’addictovigilance à Marseille (sud)

La pharmacologue a reçu près d’une centaine de signalements depuis mars 2024. « Une dynamique croissante, sachant qu’environ 1 % des cas seulement nous sont rapportés », souligne-t-elle.

« Ces substances sont fabriquées au sein de l’Union européenne, en Espagne, au Pays-Bas, etc., à partir de précurseurs chimiques importés de Chine ou d’Inde », détaille Corinne Cléostrate, directrice des services douaniers.

En juin 2023, à la suite des dizaines de cas d’intoxication, l’ANSM classe un dérivé synthétique du THC, le HHC, comme stupéfiant. Aussitôt, un substitut, le 10-OH, fait son apparition.

Peu chers et plus faciles à produire que la cocaïne, les cannabinoïdes de synthèse sont conçus par des chimistes « pour contourner la classification des stupéfiants », précise encore Corinne Cléostrate.

Flou juridique

L’EDMB-4en-PINACA a été analysé pour la première fois en mai sur une fleur de CBD au laboratoire des douanes près de Paris.

Cette molécule aux effets psychoactifs puissants est présentée comme le cannabinoïde de synthèse « le plus utilisé par les organisations criminelles », selon la direction des douanes.
Le flou juridique autour de la réglementation des produits au CBD entretient la confusion, selon les professionnels du secteur interrogés par l’AFP.

Par exemple, faute d’évaluation européenne, les aliments contenant du CBD sont vendus en France, alors même qu’ils sont interdits car ils n’ont pas obtenu d’autorisation préalable.

Beaucoup de professionnels sont un peu perdus et ne savent pas eux-mêmes ce qui est légal ou illégal.

Paul MacLean
Président de l’Union des professionnels du CBD (UpCBD)

Il plaide pour sortir d’un entre-deux en interdisant « tout procédé conférant des effets psychotropes à la fleur de cannabis » ou « en encadrant la légalisation du cannabis ».

Option de sortie de crise : légaliser le THC ?

« Si demain on légalise le THC, toutes ces molécules de synthèse disparaîtront », veut croire Paul MacLean.

Actuellement, les grossistes ne manquent pas et les vendeurs de CBD s’approvisionnent la plupart du temps à l’étranger, où la réglementation diffère.

Dans un magasin parisien, des brownies au « Delta 7 » sont fabriqués aux États-Unis où le cannabis est légal dans plusieurs États. D’autres produits sont marketés « HE » pour « High Effect » (effet élevé).

Nicolas Durand* n’a jamais su ce qu’il avait fumé. La composition de la « Fleur CBD Super Lemon Exotic » n’était pas précisée au dos du paquet.

En 2022, 10 % des Français adultes ont déclaré avoir consommé du CBD, selon Santé publique France.

Avec AFP.

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