Et si la stratégie d’Israël et de Benyamin Netanyahou à Gaza était, finalement, contre-productive pour l’État hébreu ? En effet, en poursuivant son offensive dans le territoire palestinien, le pays a fini par perdre le soutien « inconditionnel » que lui promettaient de nombreux alliés occidentaux, assure Lawrence Freedman, professeur émérite d’études de guerre au King’s College de Londres, dans une tribune publiée dans le Financial Times.

Depuis le 7 octobre 2023, le gouvernement de Benyamin Netanyahou a mené une campagne inédite contre le Hamas, convaincu qu’aucune pression extérieure ne l’empêcherait de « finir le travail ». « Les alliés d’extrême droite de Netanyahou préféraient détruire le Hamas plutôt que de sauver les otages. Comme le Hamas ne pouvait pas être éliminé mais seulement affaibli, cette stratégie devint synonyme de guerre sans fin », écrit-il.

Mais, le 13 octobre, en Égypte, Donald Trump signait son accord de paix censé mettre un terme à la guerre à Gaza. Était prévu un cessez-le-feu – avec la libération des otages israéliens et palestiniens – qui remettait au centre du débat la gouvernance de la bande de Gaza et même la reconnaissance de l’État de Palestine.

Israël a pourtant signé d’importantes victoires avec l’élimination de Hassan Nasrallah, le recul de l’Iran et la chute du régime syrien. Pourtant, l’État hébreu a fini par perdre la guerre d’opinion. Les nombreuses images de Gaza en ruines ont fini par briser le consensus international.

« Néanmoins, cet accord marque déjà un tournant, non seulement par son potentiel mais aussi par la manière dont il a vu le jour. Le processus en dit long sur la façon dont les événements des deux dernières années ont transformé la région, sur la manière dont les priorités de Donald Trump pourraient la changer encore davantage et surtout sur la façon dont Israël a réussi à combiner la défaite militaire de ses ennemis les plus dangereux avec un affaiblissement de sa propre influence », explique Lawrence Freedman.

Perte d’influence

Même les États-Unis, allié indéfectible d’Israël, ont finalement pris leurs distances. À Washington, le débat s’est déplacé : le soutien « inconditionnel » à Israël n’est plus tenable, même au sein du Parti républicain. Les Américains ne veulent plus de « guerre sans fin », Donald Trump non plus. À son retour à la Maison-Blanche, le président américain a vu dans ce conflit l’occasion de jouer au faiseur de paix, toujours dans l’objectif de décrocher le prix Nobel de la paix. Steve Witkoff, son émissaire, a négocié avec le Qatar un accord de cessez-le-feu visant à stabiliser le territoire. « Donald Trump entama donc son second mandat dans un climat d’accalmie relative », écrit Lawrence Freedman.

En revanche, Freedman temporise et émet des doutes sur la suite. « Comme toujours avec Donald Trump, on soupçonne que, malgré les premiers succès et le gain immédiat de prestige, si le processus venait à s’enliser, il se lasserait vite et passerait à un nouveau grand projet. L’historique des tentatives de paix durable au Moyen-Orient n’incite guère à l’optimisme », a-t-il écrit. « Il reste, bien sûr, de nombreuses façons dont tout cela peut échouer, mais on peut imaginer un scénario plus favorable. Si la force de stabilisation est déployée avec succès, si le Hamas se désarme partiellement, si une autorité de transition parvient à améliorer les conditions de vie à Gaza et si l’Autorité palestinienne se réforme, alors un embryon d’État palestinien pourrait émerger. Israël n’y pourra pas grand-chose », analyse le politologue.

Le choix de Trump

Le président américain a même contraint Benyamin Netanyahou à le signer et à présenter des excuses publiques à Doha pour une frappe israélienne jugée « hors de contrôle ». Le 9 septembre, Israël a frappé la capitale qatarie afin d’éliminer les dirigeants politiques du Hamas. Ils discutaient alors du plan de Donald Trump auquel Israël avait participé. « Le Qatar, furieux de cette atteinte à sa souveraineté, a menacé de se retirer de son rôle de médiateur. Donald Trump a alors dû choisir entre Israël et le Qatar. Il a choisi le Qatar », affirme le professeur émérite d’études de guerre.

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« Pour réparer l’incident, Donald Trump força Benyamin Netanyahou à présenter des excuses au Premier ministre qatari et à signer un plan de paix global incluant la promesse d’aucune expulsion, d’aucune occupation de Gaza et de l’éventualité d’un État palestinien. Benyamin Netanyahou peut en atténuer certains passages, mais pas l’esprit du texte », poursuit-il dans son analyse.

À LIRE AUSSI Israël, entre soulagement et deuil éternelComme un symbole de la perte d’influence d’Israël dans la région, nombre de ses alliés arabes des accords d’Abraham (Émirats arabes unis, Bahreïn, Maroc) se tiennent désormais à distance. L’Arabie saoudite a gelé tout contact. L’Égypte, de son côté, a multiplié les mises en garde sur le risque d’une « implosion régionale ». Aujourd’hui, l’avenir de Gaza avance dans un cadre où Israël a moins de prise : une force internationale, pilotée par les monarchies du Golfe et validée par Washington, devrait prendre le relais, estime Lawrence Freedman.

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