Selon Follow the Money, les soupçons visent onze personnes liées de près ou de loin à la division «munitions» de l’agence, accusées d’avoir monnayé des informations confidentielles sur des appels d’offres militaires. Des pots-de-vin de plusieurs centaines de milliers d’euros, voire de millions, auraient circulé entre entreprises de défense et intermédiaires – souvent d’anciens employés de la NSPA reconvertis en consultants, écrivait le site d’informations, ce lundi matin, tandis que différents aspects étaient couverts par les autres médias impliqués dans cette histoire, Le Soir, Knack et La Lettre.

L’agence, qui emploie 1.600 personnes et gère 9,5 milliards d’euros de contrats en 2025, est devenue, selon les médias d’enquête, un terrain propice à la collusion: la complexité des procédures (plus de 1.000 normes techniques) rend les initiés indispensables – et vulnérables. Les révélations s’appuient sur des perquisitions menées en mai 2025 dans sept pays (Luxembourg, Belgique, Suisse, Espagne, Pays-Bas, Roumanie, États-Unis).
En Belgique, le parquet fédéral a inculpé Guy M., ex-employé de la NSPA et ancien militaire, pour corruption, blanchiment et appartenance à une organisation criminelle. Il aurait perçu 1,9 million d’euros via des sociétés écrans, grâce à des complicités internes à l’agence. Deux collègues belges encore en poste à Capellen ont vu leur immunité levée par le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, avant d’être interpellés à Madrid et Bruxelles.

En Suisse, les autorités ont arrêté Scott Willason, ancien cadre de la NSPA et consultant luxembourgeois, soupçonné d’avoir servi d’intermédiaire avec un industriel turc de l’armement. Les poursuites américaines contre lui ont cependant été abandonnées en juillet, de même que celles visant deux dirigeants grecs de Global Defense Logistics accusés d’avoir distribué des enveloppes de cash pour décrocher des contrats de carburant naval. Joint et cité par le Soir, son avocat suisse évoque des «accusations injustifiées et infondées» portées à l’encontre d’un homme dont la carrière à l’Otan a été «honorable, irréprochable et distinguée».

Aux Pays-Bas, une enquête distincte vise Hans D.J., ancien responsable des achats du ministère de la Défense, ainsi que deux hommes d’affaires liés à Guy M.

Face à ces révélations, l’Otan se dit déterminée à faire toute la lumière: «Nous n’avons aucune tolérance pour la fraude ou la corruption», a déclaré sa porte-parole Allison Hart. Mark Rutte et la directrice générale de la NSPA, Stacy Cummings, ont créé une task force conjointe pour renforcer les capacités d’enquête internes.

Basée depuis des décennies à Capellen, la NSPA est un pilier discret mais majeur du paysage économique et diplomatique luxembourgeois. Le scandale, qui met en cause plusieurs anciens employés et consultants opérant depuis le Grand-Duché, pourrait relancer le débat sur la supervision des organismes internationaux installés au Luxembourg et bénéficiant d’un statut d’immunité partielle.

Pour l’heure, les enquêtes se poursuivent en Belgique et aux Pays-Bas, tandis que Washington a clos ses propres procédures sans explication détaillée. Une décision qui, selon Follow the Money, «fait craindre une interférence politique» dans un dossier où les intérêts de l’industrie de la défense et ceux des États-membres de l’Otan s’entremêlent étroitement.