La Russie a secrètement construit un réseau de surveillance sous-marine avancé dans l’Arctique, dont le nom de code est « Harmony ».
Le système utilise des technologies occidentales acquises par l’intermédiaire de sociétés écrans et de documents falsifiés pour suivre les sous-marins de l’OTAN.
Harmony forme une barrière de détection semi-circulaire protégeant les sous-marins nucléaires russes et peut rivaliser avec le système américain SOSUS, datant de la guerre froide.
Une vaste enquête internationale a mis au jour une opération clandestine russe visant à mettre en place un réseau de surveillance sous-marine avancé dans l’Arctique. Ce réseau, dont le nom de code est « Harmony », utilise des technologies occidentales de pointe acquises par l’intermédiaire d’un réseau complexe de sociétés écrans en Europe et en Asie.
Sous-marins de l’OTAN dans la mer de Barents
L’enquête, menée par le Norddeutscher Rundfunk (NDR) et à laquelle ont participé des journalistes de nombreux organes de presse réputés du monde entier, a révélé que la Russie a passé plus d’une décennie à construire secrètement ce système. Harmony est conçu pour surveiller les mouvements des sous-marins de l’OTAN dans la mer de Barents et ses environs, afin de protéger efficacement les sous-marins russes à armement nucléaire. Ces sous-marins russes constituent un élément crucial de la capacité de riposte du pays.
Malgré le renforcement des restrictions à l’exportation à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Mostrello Commercial Ltd, une société basée à Chypre dont Alexei Strelchenko est le propriétaire russe, a continué à se procurer des équipements vitaux auprès de fournisseurs occidentaux. Ces acquisitions étaient souvent camouflées par la falsification de la documentation relative à l’utilisateur final, dissimulant ainsi la finalité militaire de la technologie.
Technologie avancée
Entre 2013 et 2023, Mostrello et ses sociétés affiliées ont importé pour plus de 50 millions de dollars (43 millions d’euros) de technologies sous-marines et de navires de recherche, qui ont ensuite été réaffectés à un usage militaire dans les eaux arctiques. Parmi les articles achetés figuraient des systèmes de sonar, des réseaux de câbles et des robots sous-marins avancés capables d’opérer à des profondeurs extrêmes.
Les agences de renseignement occidentales, dont la CIA, ont commencé à suivre le réseau d’approvisionnement de la Russie dès 2021. Les autorités américaines ont alerté les autorités allemandes, ce qui a conduit à l’arrestation et à l’emprisonnement l’homme d’affaires russo-kirghize Alexander Shnyakin, qui coordonnait les achats pour Mostrello. Le département du Trésor américain a ensuite sanctionné Mostrello et ses sociétés associées.
Implications stratégiques
Les analystes estiment qu’Harmony forme désormais une barrière de détection semi-circulaire s’étendant de Mourmansk à Novaya Zemlya et Franz Josef Land. C’est précisément là où la flotte du Nord de la Russie et ses sous-marins nucléaires sont stationnés. Le système est censé détecter les sous-marins étrangers qui pénètrent dans les eaux arctiques tout en guidant les navires russes dans des couloirs sûrs.
Les experts navals décrivent Harmony comme une avancée stratégique significative, susceptible de rivaliser avec le système américain SOSUS (Sound Surveillance System) de l’époque de la guerre froide. Ce développement modifie l’équilibre sous-marin dans le Grand Nord et complique les opérations de l’OTAN.
L’enquête met en évidence la manière dont la Russie a exploité des entreprises européennes légitimes comme intermédiaires pour dissimuler sa chaîne d’approvisionnement, ce qui rend difficile la recherche du véritable utilisateur final. Elle souligne également la nécessité de renforcer les contrôles à l’exportation des technologies hydroacoustiques à double usage.
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