Elle s’est avancée à la barre d’un pas dynamique, est restée bien droite dans son tailleur noir, pendant que les avocats des dix prévenus poursuivis pour cyberharcèlement contestaient qu’elle puisse témoigner devant le tribunal. Après une brève suspension d’audience, qui a tranché en faveur des parties civiles, Tiphaine Auzière a livré d’une voix claire un témoignage très attendu, devant attester du préjudice moral subi par Brigitte Macron.
Devant une salle comble, l’avocate de 41 ans tient «à faire état de ce qu’est devenue la vie» de sa mère, depuis «qu’elle subit ce harcèlement». «J’ai vu un vrai changement, depuis 2021, 2022 je dirais». «Donc avant les tweets ?» embraye un avocat, rappelant que les faits reprochés aux prévenus portent sur la période entre 2023 et 2024. «Oui, mais les tweets ont participé à l’aggravation de sa dégradation», répond Tiphaine Auzière. «Elle subit ces attaques en permanence, et le plus dur, c’est pour sa famille.» Elle raconte ainsi «la difficulté» pour les petits-enfants de la première dame de s’entendre dire «ta grand-mère c’est ton grand-père» dans la cour de récré, les théories transphobes qui infusent la Toile ayant largement franchi le pas qui sépare le virtuel du palpable.
Selon sa fille, l’épouse du chef de l’Etat «est contrainte de faire attention aux tenues [qu’elle porte], aux postures [qu’elle adopte] car elle sait que son image peut être détournée». C’est justement sur l’image de Brigitte Macron que les avocats de la défense ont tenté de déstabiliser la partie civile. «Il y a bien eu de la part du couple une médiatisation pour rentrer dans le cœur des Français ?» demande l’avocat de la défense, unes de Paris Match ou Gala à l’appui de sa tactique consistant à soutenir que le couple présidentiel participe lui-même à sa surreprésentation sur les réseaux sociaux. «Je n’en sais rien, tout ce que je peux vous dire c’est que je les trouve très beaux sur ces photos», rétorque l’éphémère chroniqueuse de Touche pas à mon poste.
Interrogée sur la fausse mort de son oncle, Jean-Michel Trogneux – annoncée par erreur sur BFMTV par l’ex-ministre Marlène Schiappa -, elle expédie là aussi : «Je l’ai vu il y a quelques mois, il va très bien merci.» Prié par le président du tribunal de recentrer ses questions – celle qu’il pose portant sur «une plainte déposée par Jean-Michel Trogneux, alors que les propos visent Brigitte Macron» –, un des avocats de la défense s’exclame : «Mais la question, c’est qui est qui !» Où l’on comprend que, derrière les faits de cyberharcèlement jugés ce jour, les théories du complot et spéculations transphobes des prévenus restent la toile de fond des débats.
«Au début, je crois que j’ai sous-estimé l’ampleur que ça prendrait», a aussi indiqué Tiphaine Auzière devant le tribunal. «On se dit que ça va passer, mais en fait ça s’accroît, ça ne s’arrête jamais», a poursuivi la quadragénaire. Des déclarations qui constituent un point important dans les débats, certains prévenus refusant toujours de reconnaître leur participation à un «harcèlement».
Ainsi de Jérôme A., auteur d’un post qui s’attardait sur le pli du pantalon de la première dame au niveau de son entrejambe, qui dédramatisait ce lundi : «Madame Macron n’a pas pu voir mes tweets, j’ai un tout petit compte.» Ou d’Aurélien Poirson-Atlan, qui estime «ne pas avoir cyberharcelé» la première dame mais avoir «rétabli une vérité voilée par les médias traditionnels». Un argument qui est loin d’avoir convaincu, le procureur requérant trois à douze mois de prison avec sursis contre les prévenus.
Mise à jour le 28 octobre avec le compte-rendu de la deuxième journée du procès.