D’ici 2030, les conducteurs belges et européens pourront présenter leur permis directement depuis leur téléphone. Cette évolution, validée par les instances européennes, vise à renforcer la sécurité routière sur un continent où l’on déplore encore près de 20.000 morts chaque année sur les routes. Le document physique au format carte bancaire restera disponible sur demande.

Les permis actuels conservent leur validité : les cartes plastifiées restent valables dix ans et les anciens permis roses en papier jusqu’en 2033. La réforme prévoit d’allonger la durée de validité à quinze ans et d’autoriser le renouvellement entièrement en ligne, sans déplacement à l’administration communale.

Lire aussi :Les eurodéputés votent la création d’un permis de conduire numérique

Pour Shirley Dellanoy, représentante de l’Institut belge VIAS, ce changement est avant tout pratique : les conducteurs auront toujours leur permis sur eux, sans risque d’oubli ou de perte. Les forces de l’ordre pourront vérifier instantanément la validité d’un document ou d’une sanction dans un autre État membre. Un permis suspendu pourra être désactivé à distance, sans intervention du juge.

La technologie pourrait même aller plus loin. Selon Benoît Godart, porte-parole de VIAS, «à terme, lorsque vous démarrez une voiture, une liaison pourrait se créer avec la base de données des permis. On vérifiera que vous êtes bien autorisé à conduire avant de permettre le démarrage ». 

Formation, jeunes conducteurs et seniors : l’Europe harmonise les règles

La directive européenne introduit aussi de nouvelles obligations dans la formation des conducteurs : sensibilisation au téléphone au volant, aux angles morts, à l’ouverture sécurisée des portes, aux aides à la conduite et à la maîtrise sur surfaces glissantes. Ces notions figurent déjà partiellement dans les examens belges.

La période d’essai de deux ans pour les jeunes conducteurs devient une norme européenne. Durant cette phase, les infractions liées à l’alcool, aux stupéfiants ou à la vitesse entraîneront des sanctions plus sévères. Ce dispositif, déjà en vigueur en Belgique, sera donc consolidé.

Lire aussi :Un radar feu rouge bientôt installé dans la région arlonaise

Concernant les conducteurs âgés, la proposition d’imposer des contrôles médicaux obligatoires à partir de 65 ans a été abandonnée, notamment sous la pression de la Belgique. Chaque État membre restera libre d’instaurer ou non ces contrôles. En revanche, une auto-évaluation de l’état de santé sera exigée lors du renouvellement ou de la délivrance d’un permis.

Autre nouveauté : le permis B permettra désormais la conduite de véhicules électriques jusqu’à 4,25 tonnes (contre 3,5 actuellement), afin de tenir compte du poids supérieur des batteries.

Enfin, les sanctions transfrontalières seront renforcées. «Si un conducteur est déchu de son permis dans un pays, il doit l’être aussi ailleurs», estime le député européen Benoît Cassart. Les retraits s’appliqueront dans toute l’Union pour les infractions graves : excès de vitesse importants, ivresse, délits de fuite ou accidents mortels.

La Wallonie veut confier les radars aux communes

En parallèle, la Wallonie s’apprête à modifier sa stratégie répressive. Le ministre régional de la Sécurité routière François Desquesnes souhaite autoriser les communes à installer et gérer leurs propres dispositifs de contrôle de vitesse sur le réseau local, tout en percevant les amendes correspondantes.

Jusqu’ici, la région appliquait un modèle centralisé, à la différence de la Flandre, où certaines communes sont désormais équipées de radars, en partenariat avec des sociétés privées — une dérive dénoncée par VIAS.

Lire aussi :150 nouveaux radars sur les routes de Wallonie, voici les endroits où ils seront installés

François Desquesnes justifie cette réforme : «Nous avons des objectifs ambitieux en matière de sécurité routière. La vitesse est l’un des trois “killers”. Les communes demandent souvent des radars pour des zones à 30 ou 50 km/h où la Région n’intervient pas.» Un décret attendu en 2026 encadrera le placement des appareils dans un plan local de sécurité routière, et les recettes devront obligatoirement être réinvesties dans l’amélioration des infrastructures : carrefours dangereux, pistes cyclables, passages pour piétons. «L’objectif n’est pas de faire des recettes», insiste le ministre.

Sept millions de PV par an, surtout pour des excès minimes

Chaque année, près de sept millions de conducteurs belges reçoivent un procès-verbal pour excès de vitesse. La majorité (70 %) concerne des dépassements inférieurs à 10 km/h, 22 % entre 10 et 20, 5 % entre 20 et 30, et seulement 1,7 % au-delà. Les grands excès sont donc marginaux.

À Bruxelles, la généralisation de la zone 30 a fait bondir les verbalisations : de 220.000 avant 2019 à 469.000 en 2023. Les radars mobiles, plus imprévisibles que les dispositifs fixes, constituent le principal piège des automobilistes wallons et bruxellois.

Une faille technique pourrait annuler des centaines de PV

Paradoxalement, alors que les contrôles s’intensifient, une anomalie administrative fragilise la validité de nombreux PV. Bpost ne tamponne plus les enveloppes contenant les contraventions : le cachet daté est remplacé par un code-barres non lisible juridiquement. Or la loi impose l’envoi du procès-verbal dans les quatorze jours suivant l’infraction. Sans oblitération datée, impossible de prouver le respect de ce délai.

Lire aussi :Zones à faibles émissions: quel risque pour un véhicule luxembourgeois non enregistré?

Des juges de Huy, Wavre, Namur, Mons et Liège ont déjà prononcé des acquittements. Le cas d’un Wallon en est l’exemple type : flashé à 123 km/h au lieu de 120, il a reçu son PV quinze jours après l’infraction et a obtenu gain de cause en appel. Le parquet n’a pas pu décrypter le code-barres figurant sur l’enveloppe.

«Tout PV reçu tardivement peut être contesté, puisque la charge de la preuve de l’envoi dans les délais incombe au parquet», a expliqué son avocat.

Seule exception : les conducteurs utilisant l’eBox, une messagerie numérique prônée par l’administration, qui reçoivent leur procès-verbal par voie électronique avec date certifiée, ne peuvent invoquer ce vice de forme.

Le Service public fédéral Justice relativise : «Il s’agit d’une décision isolée, sans application automatique à d’autres dossiers», tout en soulignant que «cette procédure est en place depuis plusieurs années». Une brèche juridique inattendue tout de même, alors que les autorités renforcent l’arsenal répressif en matière de sécurité routière.