Ouragan «Melissa» –

Un Suisse bloqué en Jamaïque témoigne de la violence de l’ouragan

Un homme observe un arbre déraciné à St. Catherine, en Jamaïque, le 28 octobre 2025, après le passage de l’ouragan Melissa.

En frappant la Jamaïque mardi, l’ouragan «Melissa» a égalisé le record de 1935 de l’ouragan le plus intense au moment de toucher terre.

AFP

En bref:Les vents puissants de l’ouragan Melissa ont frappé principalement l’ouest de la Jamaïque.Kingston, la capitale, a été quelque peu épargnée. Un Suisse témoigne.L’ouragan a poursuivi sa route vers Cuba, où 735’000 personnes avaient été évacuées.

«Kingston est relativement épargnée pour le moment, parce que l’ouragan est parti à l’ouest», relate Mathias Liengme ce mardi, depuis la capitale de la Jamaïque. Ce producteur de disque suisse, parti en Jamaïque pour faire des enregistrements, est en effet resté bloqué sur l’île des Caraïbes à l’approche de l’ouragan Melissa ce mardi 28 octobre. Avec des vents enregistrés à près de 300 km/h, la tempête a touché terre dans le sud-ouest du pays près de New Hope, à environ 160 km de la capitale, où séjourne Mathias Liengme.

«Pendant quatre jours, on a attendu sans qu’il ne se passe rien. Depuis hier, les vents sont plus forts, ça commence à se manifester», raconte-t-il. Enfermé dans sa chambre à Kingston, le producteur n’a pas été confronté directement au passage de l’œil de l’ouragan. «Ce sont les Parish (ndlr: divisions administratives) de St-Elizabeth et Westmoreland qui sont en train de prendre vraiment le gros de la tempête. Ça doit être extrêmement violent en ce moment. J’ai essayé d’appeler un ami qui est là-bas et je n’arrive pas à le joindre. J’espère que c’est parce qu’ils n’ont plus d’électricité.» Dans la journée de mercredi, Mathias Liengme était toujours sans nouvelles de ses proches.

Si l’est de l’île a été moins touché que l’ouest, les intempéries ont été violentes, selon Mathias Liengme. «Ça a pris de l’ampleur dans le courant de l’après-midi. Même à l’est, j’ai vu des vidéos d’inondations et d’arbres tomber, depuis déjà le début du week-end. En fait, le climat est très localisé sur cette île, donc il peut pleuvoir énormément dans un quartier et ne pas pleuvoir du tout dans celui d’à côté, détaille-t-il. Là, c’est quand même un ouragan d’une autre ampleur.»

«La vie était totalement arrêtée»

Pour se préparer au passage du deuxième ouragan le plus puissant de l’histoire de l’Atlantique derrière l’ouragan Allen de 1980, des consignes de sécurité ont été données. «Les consignes, c’était d’avoir des réserves d’eau et de nourriture pour quatre ou cinq jours et de rester à l’intérieur ou d’évacuer selon les zones très à risque, en bord de mer ou dans certains quartiers. En Suisse, on ne connaît pas ce genre d’ouragans tropicaux. Vivre cette situation était assez intéressant, relève Mathias Liengme. Disons que les infrastructures ici ne sont pas celles qu’on connaît chez nous, donc on se sent tout petit au milieu. On espère que ça n’empirera pas, mais pour le moment, à part attendre, on ne peut rien faire.»

Alors que le pic de l’ouragan était initialement annoncé pour samedi dernier, l’attente s’est prolongée dans une atmosphère de tension et d’incertitude. Voyant que «rien ne venait», Mathias Liengme s’est rendu en ville. Le témoin suisse a découvert un contraste saisissant entre les différents quartiers de Kingston. «Dans la partie appelée Uptown, où vivent les classes moyennes et aisées, les centres commerciaux étaient barricadés de planches. Il n’y avait plus personne, plus de voitures, c’était vide. Seuls quelques supermarchés étaient pris d’assaut par les gens qui ont les moyens de faire des réserves. Mais la vie était totalement arrêtée.»

Dans le centre historique en revanche, où se trouvent les quartiers plus populaires, la scène était bien différente. «Lorsque l’on descend dans ce qu’on appelle le Downtown, plus au bord de mer, la vie continuait comme si de rien n’était. Le marché et les stands qui tiennent avec trois bouts de ficelle étaient toujours là. Il y avait de la vie partout. C’était vraiment impressionnant de voir la différence entre ceux qui ont les moyens et qui ont peur que leur propriété soit endommagée et ceux qui n’ont rien, qui disent: «De toute manière, on ne peut rien faire.»

Dégâts collatéraux en Haïti

Après avoir frappé la Jamaïque mardi, l’ouragan a poursuivi sa route mercredi dans les Caraïbes, frappant Cuba, où plus de 735’000 personnes avaient été évacuées avant son arrivée. Bien qu’ils ne se trouvaient pas sur la route directe de Melissa, des pays voisins ont également été touchés. Et pour cause, l’ouragan mesure plus de mille kilomètres d’ouest en est. Une distance comparable à la France du nord au sud. «Mais le problème de cet ouragan, c’est qu’il avance très doucement, ajoute Jean-Christophe Goussaud, directeur d’Helvetas en Haïti. Même si on est très loin de l’épicentre, on est dans le mauvais temps depuis maintenant une semaine. C’est-à-dire qu’il ne cesse de pleuvoir. Les sols sont gorgés d’eau.»

Pour qualifier les intempéries, le directeur de l’organisation suisse d’aide au développement et d’aide humanitaire évoque le terme d’«apocalypse». «J’ai vu passer sur WhatsApp et sur les réseaux sociaux, au sein de mon équipe, des rumeurs faisant état de personnes emportées par des rivières en crue et de maisons qui s’écroulent. C’est extrêmement inquiétant.» Jean-Christophe Goussaud craint également le risque de glissement de terrain. Mais pour l’heure, difficile d’établir un bilan définitif. «Malheureusement, connaissant la situation dans laquelle se trouve Haïti, dans une crise très profonde, doublée d’une crise alimentaire très aiguë dans certaines régions, des infrastructures très faibles, un suivi gouvernemental inexistant, à mon avis, ces rumeurs vont se confirmer dans la journée. On va avoir probablement plusieurs dizaines de morts», déplore le directeur de l’ONG.

Selon Jean-Christophe Goussaud, ces pluies persistantes ne sont ni plus ni moins que «des couches de crises qui se mettent sur des couches de crises. Les crises alimentaires sont déjà très aiguës en Haïti. Il y a presque la moitié de la population qui est déjà en crise alimentaire, avec des régions qui sont en état d’urgence. Je pense qu’aujourd’hui, il y a des gens qui mangent une fois par jour, voire une fois tous les deux jours. Avec la perte des ressources agricoles, des jardins, probablement aussi d’animaux qui sont morts au cours des jours passés, cette crise alimentaire va tourner à la catastrophe.»

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