Walter Frey s’apprête à laisser sa place.Image: keystone
Fondateur des ZSC Lions, Walter Frey va en quitter la présidence après avoir transformé et modernisé l’ensemble du hockey suisse. C’est l’un des grands visionnaires du sport helvétique.
02.11.2025, 07:0402.11.2025, 07:04
Walter Frey (82 ans) va quitter la présidence des Zurich Lions. Son fils, Lorenz Frey-Hilti, lui succédera dès le 1er janvier 2026, a indiqué le club champion de Suisse.
L’héritage de celui qui restera au sein de l’organisation des Lions en tant que président d’honneur est immense. Car Walter Frey n’a pas seulement conduit le hockey zurichois dans une nouvelle ère: sans cet entrepreneur, notre hockey ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. C’est bien plus qu’un joli chapitre de la «romance du hockey» que de voir la Suisse, finaliste des Mondiaux 2013, 2018, 2024 et 2025, disputer le prochain championnat du monde à domicile, à Zurich, dans l’arène dont Walter Frey est l’un des copropriétaires.
En 1997, Walter Frey orchestre l’une des décisions les plus décisives du hockey suisse: la fusion entre le ZSC et la section hockey du Grasshopper Club, qu’il dirigeait depuis 1986. Incapable de faire accéder son équipe à l’élite, il opte pour une union stratégique avec son rival zurichois. De cette alliance naissent les ZSC Lions. Walter Frey apporte la stabilité financière et la vision: au ZSC, il offre une enceinte au Hallenstadion, une place durable dans l’élite et une large base de supporters.
60 titres remportés
Sous la direction de Walter Frey, les ZSC Lions sont devenus la plus importante et la plus performante organisation du hockey suisse. Depuis 1997, le club a remporté exactement 60 titres, toutes catégories confondues — hommes, femmes et juniors — dont les plus prestigieux sont les huit championnats nationaux et les deux victoires en Champions League.
Sous la direction de Walter Frey, les Lions ont connu plusieurs grands succès.Image: keystone
Pas moins de huit joueurs de l’équipe suisse médaillée d’argent aux Mondiaux 2025 ont été formés au sein du système des ZSC Lions. Le club zurichois est d’ailleurs le seul en Ligue nationale à posséder, sous le nom de GCK Lions, une équipe ferme évoluant en Swiss League, destinée à préparer les jeunes à la compétition adulte. Tous les huit «héros en argent» de 2025 sont passés par cette équipe sur leur chemin vers l’élite. Au total, plus de cinquante joueurs formés à Zurich évoluent aujourd’hui dans les quatorze clubs de la plus haute division.
Mais l’importance de l’œuvre hockeyistique de Walter Frey dépasse de loin le cadre sportif: il a fait du hockey un sport reconnu et estimé dans la capitale économique qu’est Zurich — et c’est toute la culture du hockey helvétique qui en bénéficie.
Une fortune colossale
Sans Walter Frey, la construction de la Swiss Life Arena n’aurait jamais été possible. Ce stade compte aujourd’hui parmi les meilleures enceintes de hockey d’Europe et accueillera les principaux matchs du Mondial 2026.
Ce lieu tient presque du miracle politique: Zurich est en effet la capitale mondiale du football (la FIFA y a son siège), mais elle reste paradoxalement la seule grande ville au monde à ne pas posséder de véritable stade de football. Le magazine économique Bilanz estime la fortune de Walter Frey à 4,8 milliards de francs, ce qui alimente parfois le discours populiste selon lequel le succès des ZSC Lions serait «acheté», simple affaire d’argent.
On présente souvent leur président comme un mécène – c’est-à-dire quelqu’un qui soutient le sport (ou l’art, la culture, la science) financièrement ou matériellement, sans attendre de contrepartie directe. Mais Walter Frey est bien plus qu’un mécène des ZSC Lions: c’est l’un des grands visionnaires du sport suisse. Son rôle actif dans la concrétisation de ces visions est souvent sous-estimé – et c’est là que réside le secret de sa réussite. Les tentations du monde sportif sont nombreuses pour les personnalités déjà fortunées: la lumière médiatique flatte la vanité, la camaraderie propre à la culture sportive favorise les ingérences dans la gestion quotidienne, et les émotions suscitées par les victoires et les défaites conduisent parfois à de mauvaises décisions humaines.
Walter Frey n’a jamais succombé à ces tentations. Aucun autre dirigeant sportif n’a su, sur une aussi longue période, prendre autant de décisions judicieuses en matière de ressources humaines ni accorder autant de liberté et de responsabilités aux personnes en qui il avait confiance.
Walter Frey lors de la dernière fête du titre.Image: keystone
Simon Schenk, par exemple, fut l’architecte sportif des ZSC Lions; Peter Zahner, en tant que directeur général, a piloté la construction de la nouvelle aréna; et le directeur sportif Sven Leuenberger est considéré comme l’un des plus fins stratèges du milieu. Aucune autre organisation n’a obtenu autant de «bons coups» dans le choix de ses entraîneurs et de ses joueurs étrangers – et, plus important encore, aucune n’a su corriger aussi rapidement, mais sans précipitation, les erreurs inévitables dans le monde du sport professionnel. Certains en concluent que Walter Frey ne se serait jamais mêlé du quotidien du club. C’est tout le contraire.
Walter Frey s’implique personnellement dans chaque transfert ou décision importante concernant le personnel – en posant les bonnes questions. Le scénario est presque toujours le même: il convoque le directeur sportif Sven Leuenberger dans son bureau, en présence de son fils Lorenz et du CEO Peter Zahner, et veut comprendre pourquoi un joueur en particulier devrait être recruté. Les échanges ne portent pas seulement sur l’évidence – existe-t-il déjà, au sein du vivier de jeunes du club, un joueur capable d’occuper ce poste? –, mais aussi sur la personnalité du candidat, son talent et la place qu’il pourrait occuper dans l’équipe.
Walter Frey, au-delà du hockey…
Président, actionnaire majoritaire et ancien directeur général du groupe Emil Frey – fondé en 1924 par son père –, Walter Frey dirige aujourd’hui le plus grand réseau de distribution automobile d’Europe. De 1987 à 2003, il a également siégé au Conseil national sous les couleurs de l’UDC.

image: KEYSTONE
Et c’est ici que se révèle l’un des traits les plus particuliers du style de direction de Walter Frey: il ne tutoie pas ses plus proches collaborateurs – pas même Peter Zahner ni Sven Leuenberger. Ce n’est pas une marque de distance hiérarchique ou d’arrogance, mais bien une question de respect. Cette réserve crée une forme de distance saine et une objectivité précieuse, essentielles dans le monde hautement émotionnel du sport professionnel.
Sous la direction de Walter Frey, les ZSC Lions sont devenus si solides, sportivement comme financièrement, qu’ils ne dépendent plus de lui. Et cela aussi honore le visionnaire: il a structuré son œuvre sportive de manière à ce qu’elle puisse continuer sans sa présence. La succession se fait naturellement, au sein de la famille: son fils, Lorenz Frey-Hilti (35 ans), reprend la présidence. Mais la personnalité de Walter Frey, elle, restera irremplaçable. C’est une bonne chose qu’il continue de siéger au conseil d’administration.
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