Jean-Louis Bourlanges : “Sébastien Lecornu ne peut pas s’imposer, le 49.3 n’était plus utilisable”
RFI et France 24 présentent mardi politique. C’est l’heure de mardi politique sur France 24 et RFI. Bonsoir Frédéric Rivière. Bonsoir Rosine. Bonsoir à tous. Et ensemble, nous recevons Jean-Louis Bourlange, ancien président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Bonsoir à vous. Bonsoir et merci d’être d’avoir accepté notre invitation. Alors, les débats sur le budget donnent lieu à des querelles byzantines, des alliances baroques et des trésors de créativité sur la fiscalité. Et en fait la en vérité la grande question à 1000 points, je ne sais pas si vous pourrez y répondre. Ce budget verra-t-il le jour ? Jean-Louis Bange ? J’en sais rien. Ça je ne sais pas. Il y a plusieurs plusieurs options possibles. Est-ce qu’ils vont voter à l’Assemblée nationale ? Est-ce que une fois même s’ils ne votent pas, est-ce que la le sur la base de ce que votera le Sénat ? Est-ce qu’on pourra avoir une commission mixe paritaire positive ? Que se passe-t-il s’il n’y a si le budget n’est pas voté ? Euh là, on a des démarches quand même, des possibilités. Le l’adoption du budget par ordonnance. Que se passe-t-il à ce moment-là ? Est-ce que ça entraîne un vote de censure ? par les partis politiques, je n’en sais rien. Mais ce que je crois intéressant, c’est d’observer la façon dont l’expérience complètement insolite que nous vivons sur le plan institutionnel et politique depuis la constitution du gouvernement de de monsieur le cornu. Mais mais d’un mot peut-être avant d’entrer dans cette analyse en profondeur d’un mot, vous avez dit il y a il y a quelques semaines, bah on suppose qu’elle va être en profondeur. Vous aviez dit que c’est le cornu le premier ministre était un peu dans la dans la situation d’un joueur de poker qui devait essayer de gagner une partie avec un dos de trèfle. Chacun comprendra que ce n’est pas une carte très forte au poker. Vous avez vous pensez que son jeu est toujours aussi faible aujourd’hui ? Je crois que son jeu est c’est c’est le c’est la force du faible. ce ce son sa théorie et je crois que c’est ça rejoint le le ce que je je voulais dire tout à l’heure, c’est le l’idée que euh de toute manière, il n’a pas la possibilité de de s’imposer à l’Assemblée nationale quand il dit “Je n’utiliserai pas le 493”. En fait, c’est une concession qu’il est obligé de faire parce que par les temps qui court, s’il avait dit “J’utiliserai le 493”, immédiatement il aurait été frappé de dissolution de de censure et ça entraîné ou pas une dissolution. Donc de toute manière, le 493 n’était plus provisoirement une arme utilisable mais voyez en ne l’utilisant pas, il fait monter un sentiment tout à fait nouveau, c’est que ce 493 c’était pas totalement idiot. et qu’on avait en fait c’est utile d’avoir un instrument de responsabilisation des parlementaires qui en l’absence de 493 font véritablement n’importe quoi. Mais il y a les ordonnances, il reste les ordonnances qui équivaut à le budget par ordonnance. Oui. Oui. Bah oui, mais ça c’est Oui. Puis il y a la dissolution. La dissolution c’est un super 493. Si on n’est pas d’accord avec le Parlement, on on le dissou. Alors, c’est pas à lui que ça appartient, c’est au président de la République. Il n’est pas sûr que le président de la République est en vie de dissoudre, mais enfin, les gens euh se méfie. Donc, de toute manière, il ne euh on ne peut pas dire que l’Assemblée nationale fera forcément ce qu’elle voudra, euh mais de la dans la procédure budgétaire, elle ira jusqu’au bout. Et là, c’est là l’aspect intéressant et sans doute assez déevant jusqu’à présent qui est la l’idée de mettre en responsabilité les partis politiques en disant “Écoutez euh ça fait des années que vous brandissez des des des oases, des interdits, que vous opposez des tabous, que vous contre la politique que nous menons, qui est chaque fois celle du Grand Capital et cetera.” Bon ben maintenant, montrez ce que vous savez faire et vous devez faire un budget. Il y a un problème de dette, il y a un problème de de maintien de des équilibres économiques et du dynamisme économique. Voyons ce que vous avez dans votre dans votre besace. Et là, on voit effectivement qu’il y a un peu de pédagogie qui émerge du côté socialiste, mais pas du tout assez. Vous êtes est-ce que vous êtes en train de dire que Sébastien le Cornu est quand même plus habile que les autres ? de ses prédest plus ou moins habile, il est dans une situation différente. Il les autres Michel Barnier d’abord il faut même remonter à plus loin. Depuis 22 depuis l’élection présidentielle suivie d’une nonmajorité législative, les premiers ministres sont en situation très difficile. Cette situation est devenue quasiment impossible après la dissolution dans le cadre de la nouvelle assemblée. Et on voit bien que les deux premiers ministres qui s’y sont essayés, Michel Barnier et François Baou, n’ont pas réussi à obtenir une majorité. Bon, donc lui, il part de cette situation, il dit “Si vous ne si vous ne voulez pas euh si vous ne voulez pas de euh si vous ne voulez pas de dissolution, ben écoutez, en tout cas, c’est maintenant je vais pas m’opposer, c’est vous qui avez le pouvoir et je pense que c’est un une école de responsabilisation qui peut-être tournera bien, c’est pas très probable actuellement, qui peut-être tournera mal pour les socialistes et parce que à un moment ils devront quand même expliquer pourquoi ils font pas ça. Et puis il y a autre chose qui est très important, c’est que en fait et ça c’est de la politique en profondeur. Ah vous voyez le le dit, c’est l’idée que le le bloc central est en France comme dans la plupart des démocraties. On voit ça en Allemagne, on voit ça au Royaume-Uni, on voit ça aussi aux États-Unis avec la la polarisation. le bloc central se réduit et ce et si nous voulons éviter soit une domination du LFI, soit une domination euh de du RN, il faut reconstituer une majorité plus large et donc il faut que les socialistes d’une manière ou d’une autre remontent à bord de leur valeur traditionnelle qui était européenne, qui était respectueuse des équilibres publics avec Bergovois. pas recard de l’or et d’autres. Vous voulez dire qu’ils prennent leur distance avec Lfi d’une certaine manier pren Alors, il faut leur dire est-ce que et et le le choix que le le l’argument de le cornus ce qu’il dit au socialistes, c’est qu’est-ce que vous voulez ? Est-ce que vous vous préférez le RN ou le bloc central ? Car en réalité euh si vous jouez la carte de LFI, tout ce que ça quoi ça à quoi ça conduira, c’est l’effondrement des du bloc central, ça conduira au triomphe du RN. Donc, prenez vos responsabilités. Est-ce que vous voulez que dans 2 ans ou moins de 2 ans, la France soit dirigée par le Rassemblement national ou soit dirigé par un groupe ? C’est un peu le choix de Gluxman si vous voulez. Et ça vous visez les socialistes quand parce qu’on je vous entends souvent dire euh c’est vrai que nous vivons ce que nous vivons actuellement va favoriser l’installation du Rassemblement national. Ah oui oui mais on peut dire que la montée de l’extrême droite n’est pas liée au socialistes depuis des décennies. Ce qui est lié ce qui est lié au ne ce qui est lié au à la montée du RN comme à la montée du LFI, c’est le fait que les socialistes se sont placés dans une situation de refus de la culture de gouvernement. En réalité, au sein du Parti socialiste, il y a deux sensibilités profondes. Il y a celle de monsieur Fort et relayé un peu par monsieur Valallot qui est de dire on est dur, on on on maintient l’accord avec les communistes, les écologistes, les les et surtout évidemment et les filles et puis la la ligne de Gluxman. Il faut quand même se rappeler que aux européennes Gluxman a fait un succès considérable. Il est arrivé alors que madame avait fait un un score lamentable à la présidentielle, lui est arrivé, je me rappelle plus mais 15 % ou à peu près. Bon donc il est il est il est en position et là et Gluxman pourquoi il est arrivé à cette hauteurlà parce qu’il a raflé les électeurs de Macron du centre gauche. Donc en réalité, on voit bien que si on on peut avoir un espoir très ténu, très ténu, je ne suis pas optimiste, de battre le RN dans quelques mois, c’est si nous arrivons à reconstituer un bloc qui soit social, libéral et européen et qui aille de des d’égolistes modérés. Il y en a beaucoup au sein du gouvernement, les les Darman et jusque jusqu’aux socialistes modérés. et le cornu tente un peu euh la l’épreuve. Globalement, vous êtes quand même assez inquiet. Vous disiez récemment chez nos confrères de France Interre, je vous cite hein, nous sommes dans une situation où les valeurs fondamentales sur lesquelles s’organise la société française depuis la guerre sont fondamentalement menacés d’un bout à l’autre du territoire. nos intérêts, nos valeurs, nos lois, la protection de la conscience individuelle, la laïcité, tout cela est fondamentalement menacé à l’intérieur et à l’extérieur. Est-ce que vous pouvez être un peu plus précis et nommer ces menaces ? Ben, j’ai dit trois fois fondamental, c’est un peu exit mais c’est je me mets en boîte moi-même. Écoutez, je crois qu’on a construit une société après la guerre sur des valeurs très précises qui sont le respect de l’état de droit, la démocratie représentative, une économie ouverte et une économie sociale et une une sécurité collective très très forte. Euh c’est la base, ça a été la base dans toutes nos démocraties, aux États-Unis, en en Royaume-Uni, dans les pays européens. On a construit ça. Ça a été un succès formidable. On a progressé en terme de croissance économique, de justice sociale, de sécurité, sécurité internationale. On n pas eu de guerre. Et ça c’est très précisément menacé un peu partout par le populisme, c’est-à-dire le ce qu’on appelle l’illibéralisme l’idée qu’on peut avoir une démocratie sans les libertés accompagnant la démocratie. Je vois que maintenant le le Rassemblement national est très proche de monsieur Trump est très proche de monsieur Orban et séduit parfois par monsieur Poutine. Tout ça c’est c’est pas nos valeurs, c’est pas la démocratie. Je vois bien que sur le plan économique, ce sont des gens qui disent “On se replie, on ne fait pas l’Europe, on doit refuser de l’argent à l’Europe, on ne sait pas euh c’est donc l’Europe est menacée et et la la et et nous sommes donc dans une et en plus nous allons pratiquer une politique très autoritaire sur et de division sociale avec alors que nous avons besoin comme tout le monde de d’une large fraction de travailleurs immigrés. On on voit bien que s’organise la tentation se émerge la tentation de faire une guerre interne. Donc tout ça ne sera pas sans conséquence. Si le RN arrive au pouvoir, on aura des tensions, des reculs euh qui seront préoccupants. Est-ce que quand on voit la on regarde en Europe et pas seulement d’ailleurs, enfin beaucoup de de pays euh sont tentés par l’extrême droite ou la droite radicale. Bon, vous avez cité aussi les États-Unis, il y a l’Argentine, il y a même le le Japon. Euh donc, nous sommes pas nous sommes pas les seuls à à voir l’extrême droite grimper. Comment vous expliquez ce ce phénomène partout euh aujourd’hui ? Alors, c’est un peu long, hein, comme une une une question difficile, mais nous ne sommes pas seul. Je dirais quand même une chose juste avant. Euh euh par exemple sur la légalité constitutionnelle, moi j’ai entendu sur une chaîne de télévision LCI euh monsieur Bardella expliquait très clairement en répondant à votre collègue, à votre confrère, monsieur Rochemin, euh que euh il passerait outre à une opposition du Conseil constitutionnel à en cas de référendum sur l’immigration. C’est-à-dire qu’ il accepte de sortir de la légalité républicaine. C’est extrêmement grave. Ou mais c’est ce qui se passe aux États-Unis. Trump ça si vous croyez que c’est rassurant ce qui se passe aux États-Unis. Alors il y a il y a plusieurs Votre question est immense. Euh je dirais que je mett si votre réponse pouvait ne pas l’être. ser oui, je vais essayer. Bon ben, je dirais en deux mots. D’abord, l’individualisme. L’individualisme, l’effondrement de toutes les formes de solidarité collective, religieuse, syndicale et cetera. Les individus sont seuls contre tous, seuls donc dans le ressentiment, dans la crainte, dans la peur. Et deuxièmement, l’effacement, l’effritement les les l’effacement des des positions géopolitiques, économiques de de l’Occident et notamment des puissances européennes. On est chassé d’Afrique, on est menacé très fortement par l’économie chinoise, on est à nouveau agressé par Poutine et par les Russes. On est très mal défendu par on est défendu un jour sur deux par le président Trump. Donc tout ça crée une extrême inquiétude et cette inquiétude se développe entraîne à la fois du repli sur soi et une culture de ressentiment de jalousie sociale. Et donc la combinaison des deux produit ce ce résultat assez affligeant que on n’arrive pas actuellement à mettre sur la table des options gouvernementales en matière économique, en matière internationale qui nous permettrait de faire face. Jean-Louis Bolland, je vous avais parlé il y a quelques instants de de de l’époque de la prospérité. Euh le le 5 septembre dernier, vous avez été reçu pour une cérémonie à l’occasion de votre remise de la Légion d’honneur et vous avez tenu un discours ce jour-là assez sévère sur les responsabilités de votre génération, génération au pouvoir, génération de dirigeants. Euh ce que l’on appelle les boomers, vous les vous avez d’ailleurs employé le terme et je vous cite livré à nous-mêmes, nous sommes passés à côté d’une triple exigence. Nous avions le devoir d’être lucide. Nous avons été naïfs, nous avions le devoir d’être forts, nous avons été faibles, nous avions le devoir d’être solidaires et nous avons été égoïstes et divisés. Euh vous considérez donc que si la France est dans l’État où elle se trouve aujourd’hui, c’est la faute de ce que l’on appelle communément les boomers. Non, c’est vous avez raison, c’est je ne n ni pas du tout avoir écrit ces choses, mais ça ne visait pas simplement la génération des boomers, ça visait tous ceux qui viennent après la génération des la des constructeurs. Ce que j’ai voulu rendre hommage aux gens, à nos à mes parents. Moi, j’ai 79 ans, je suis pas un poulet de l’année. Et les gens qui m’ont j’ai dit j’ai vécu sous derrière deux personnes, le général de Gaulle est ma mère, ma mère modeste modeste travailleuse de des tr glorieuses et le général de Gaul qui est plus connu que ma mère. Et euh et bien j’ai voulu rendre hommage à ces gens, à ce qu’ils avaient fait parce que j’estime que toutes les générations qui suivent, celle des boomers, celles de leurs enfants, le leurs enfants après les autres et et celles des jeunes ignorent euh ce qu’on ignore, ce qu’on doit à cette génération et ne prennent pas assez au sérieux la nécessité de préserver ce qui est un véritable trésor puisque c’est ça qui nous a donné le maximum de ces sécurité, le maximum de justice, le maximum de prospérité dans par rapport à tous les autres pays et par rapport à toutes les autres époques de notre histoire. Et et là, je crois effectivement que on sait on a bien commencé dans les années 70 80 avec d’ailleurs des gens qui venaient de là, les Simon Veille, les Raymond Bars, les euh François Mitteran. Assez mauvais sur le plan économique mais quand même très vaillant. sur le plan géopolitique et sur le plan européen, on a on a avancé puis peu à peu et vers le milieu des années 90, ça s’est délité. Moi, je j’attribue une responsabilité importante à l’échec que j’ai beaucoup regretté d’Edouard Baladur par rapport à Chiraak, car je crois que Baladur avait conscience de la nécessité d’un certain nombre de choses et que Jacques Chirac quant à lui a avec un talent tout à fait considérable a choisi de de d’écouter la voix de la démagogie en fait, la donc et là on a Oui. de l’immobilisme absolu et la droite et la gauche ont été ont fait un un concours d’immobilisme dont nous payons aujourd’hui les conséquences. ce que dit monsieur Dufour que sur la dette euh peut se lire comme il le fait sur le plan économique et budgétaire mais peut se lire aussi sur le plan de l’inertie politique et géopolitique. Euh diffu-delà de la monnaie unique, on a rien fait sur le plan européen de sérieux, euh on a rien fait sur le plan militaire de sérieux et et donc on est dans cette situation extrêmement précaire aujourd’hui. Merci Jean-Louis Bourlange. Merci. Merci. Merci beaucoup. Merci Frédéric. Merci Jean-Lou Bourdange et également merci à Camineran et à Floriment et à toute l’équipe technique. À très vite. Merci.
En plein débat sur le budget, Jean-Louis Bourlanges estime que le Premier ministre “Sébastien Lecornu a eu raison de renoncer au 49.3 car il n’a pas la possibilité de s’imposer”. Alors que le Rassemblement national fait la course en tête dans les sondages, l’ex-président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée propose par ailleurs de “constituer un bloc allant de Gérald Darmanin aux sociaux-démocrates” pour “battre le parti de Marine Le Pen et éviter des reculs préoccupants”.
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