Jeudi 13 novembre se tiendra un vote crucial sur la manière dont l’Union Européenne taxe l’énergie. L’issue de ce vote marquera la position de l’Europe sur ses émissions pour la prochaine décennie, en choisissant notamment de maintenir ou non des exonérations fiscales totales pour les carburants fossiles. C’est au Conseil de l’UE, seule instance décisionnaire en matière de fiscalité, que les ministres des Finances des États membres voteront la Directive sur la taxation de l’énergie (Energy Taxation Directive). Pour être adoptée, cette directive nécessite une unanimité, il suffit ainsi qu’un pays pose son veto et propose un nouveau texte pour continuer les négociations. Selon Claire Nouvian, fondatrice de Bloom, une ONG luttant pour la protection des océans et du climat, « accepter ou rejeter cette directive va déterminer si l’Europe décide de commencer à respecter ses propres engagements, de diminution de gaz à effet de serre. »

Une directive compromettant les émissions de l’Europe

La nouvelle directive à faire voter au Conseil de l’UE prévoit de maintenir des exemptions fiscales pour le secteur de l’aviation, le transport maritime et la pêche. Si elle est adoptée, la Commission européenne sera dans l’incapacité de rouvrir les discussions sur la taxation des énergies jusqu’en 2035. Cette mesure implique que les exemptions pourraient être maintenues pendant plus d’une dizaine d’années, le temps pour la Commission de proposer un nouveau texte au Conseil, et que ce dernier soit adopté à l’unanimité. Pourtant, l’UE affiche un objectif de réduction de 90 % de ses émissions de gaz à effet de serre… d’ici 2040. Swann Bommier, directeur du plaidoyer à Bloom, alerte : « pendant que la COP30 se tiendra à Belém, Bruxelles risque de reconduire une niche fiscale climaticide pour financer les énergies fossiles ».

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En outre, le mécanisme d’indexation à l’issue des différents compromis au Conseil de l’UE est relativement faible. En effet, sans un mécanisme d’indexation, les niveaux de taxation ne se s’alignent pas dans le temps avec l’inflation et les variations du coût de la vie.

La version actuelle date de 2003, et contient les règles de taxation pour les produits énergétiques, tels que le gaz, le pétrole, le charbon, l’électricité, les biocarburants… Raphaël de Wael, chargé d’affaires européennes à Bloom, explique en quoi cette directive est devenue « obsolète » selon des scientifiques et économistes : « Les secteurs parmi les plus polluants ne sont pas taxés sur les carburants qu’ils utilisent, ce qui a pour conséquences de les inciter à utiliser davantage d’énergie fossile, puisque les prix de ces énergies sont maintenus artificiellement bas grâce à des régimes de taxation favorables. »

Un manque à gagner pour subventionner la transition

Cette directive ne représente pas seulement une incitation à la consommation d’énergie fossile, mais également un manque à gagner considérable, qui pourrait servir à financer des énergies « propres ». Ce régime de taxation coûte à l’UE environ 46,8 milliards d’euros par an en recettes fiscale. Ce chiffre s’explique par une perte respective de 21,3 milliards pour l’aviation, et de 24 milliards pour le transport maritime selon l’organisation T&E (transport et environnement), experte du transport propre et de l’énergie en Europe. L’ONG Bloom compte de son côté une perte de 1,5 milliard pour le secteur de la pêche.

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Une Commission européenne ignorée

Le compromis actuel du Conseil de l’UE est passé outre des demandes de la Commission européenne. Les dernières présidences tournantes du Conseil, hongroise, polonaise et maintenant danoise ont contribué à amoindrir les ambitions environnementales du texte déposé en 2021 par la Commission.

A l’origine considérée comme un pilier du Green Deal, la révision de cette directive avait pour objectif de taxer les produits énergétiques sur la base de leur intensité énergétique et leur performance environnementale. Ainsi, les acteurs économiques et consommateurs seraient orientés vers les énergies les plus respectueuses de l’environnement. La révision proposée par la Commission aurait également signé la fin des exemptions pour les énergies fossiles utilisées par la navigation aérienne et marine. « Cette révision de la taxation de l’énergie est le dernier élément du package Green Deal, qui n’a pas encore été adopté aujourd’hui », déplore Raphaël de Wael.

 Violette Cadrieu

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Pour aller plus loin :

Lire le communiqué de presse de l’ONG Bloom

Lire le communiqué de presse de T&E, sur les exemptions fiscales pour le secteur de l’aviation

Lire le communiqué de presse de T&E, sur les exemptions fiscales pour le secteur du transport maritime

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