Des cadeaux de milliardaires suisses à Donald Trump – dont un lingot d’or et une pendule Rolex. Six patrons, poids lourds de l’économie suisse, ont été reçus au bureau ovale pour proposer des concessions afin de parvenir à une déclaration d’intention sur des droits de douane à 15%. Et le conseiller fédéral Guy Parmelin se félicitant du travail de cette «team Switzerland», après que le Conseil fédéral a échoué à négocier. Les derniers événements représentent un tournant dans la diplomatie suisse.

Les cadeaux auraient été convenus avec les autorités suisses et la rencontre préparée avec le concours de la directrice du Secrétariat à l’économie, Helene Budliger Artieda. Le milliardaire Alfred Gantner, principal actionnaire de Partners Group, a joué un rôle de premier plan. Pour la NZZ am Sonntag, le nouvel axe «Parmelin-Budliger-Gantner a pulvérisé les hiérarchies et les rapports de force traditionnels». Dans cette affaire, une poignée d’oligarques a donné le la, au détriment des organisations patronales établies. Economie suisse a été exclue des transactions, relève le quotidien zurichois. Les jeux d’influence de l’économie ne se font plus dans l’ombre, mais au grand jour et de manière complètement décomplexée. Jusqu’à se substituer aux acteurs étatiques.

Ces négociations sont un coup de poignard pour la démocratie. Les six milliardaires invités par Donald Trump n’ont aucune représentativité politique. Ce sont pourtant eux qui ont discuté des concessions faites par la Confédération. Et la déclaration d’intention qui a suivi n’a rien de réjouissant. Les termes de l’accord laissent de nombreuses zones d’ombre et les quelques éléments qui en ressortent ont de quoi inquiéter.

Les 200 milliards d’investissements aux Etats-Unis promis par les entreprises suisses pourront difficilement se faire sans délocalisations et pertes d’emplois. L’accord ouvre la porte à l’importation de viande aux hormones et de poulet au chlore étasuniens, qui, eux, ne seront pas taxés. Trump veut également forcer la mise sur le marché de SUV interdits en Suisse, et empêcher la taxation des GAFAM, actuellement sur la table au parlement. La Confédération pourrait également être amenée à s’aligner sur les sanctions américaines, et à acheter encore plus d’armes au complexe militaro-industriel choyé par Trump.

Cette déclaration n’est pas juridiquement contraignante. Certains points devront être validés par le parlement, voire par le peuple, avant d’être mis en œuvre. La saga ne fait donc que commencer, le président américain pouvant encore retourner sa veste. Mais face à la propension du Conseil fédéral à utiliser l’ordonnance pour faire passer des changements en force, une extrême vigilance est de mise.