Publié28. novembre 2025, 08:00

France/Luxembourg: «Leur vision? On prend vos travailleurs, puis débrouillez-vous»

Les territoires frontaliers lorrains en quête d’une compensation financière du Luxembourg ont trouvé un allié en la personne de Franz Fayot (LSAP).

Thomas Holzer

À deux semaines de la commission intergouvernementale France-Luxembourg (CIG), les couteaux s’aiguisent pour tenter de faire évoluer les relations entre les deux voisins. Y compris côté luxembourgeois, où le député LSAP Franz Fayot a vivement critiqué l’approche de l’actuelle coalition CSV-DP sur ce sujet. «Le gouvernement a zéro vision et zéro intention de changer quoi que ce soit», a-t-il martelé après avoir participé à une table ronde organisée par le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, jeudi matin, à Nancy.

Conscient des difficultés des régions frontalières, «qui peinent maîtriser le développement très dynamique du Luxembourg et souffrent de déséquilibre», l’ancien ministre luxembourgeois de l’Économie plaide pour une compensation fiscale versée par le Luxembourg aux territoires lorrains.

Des communes frontalières étranglées?

Dans ces communes devenues «villes-dortoirs», où la population grimpe presque aussi vite que le prix du logement, les nouveaux besoins en services publics (écoles, routes, infrastructures) ne sont plus comblés par la fiscalité. Et pour cause, cette large population frontalière paie ses impôts sur le revenu… au Luxembourg.

«Au-delà de la question de la solidarité, le Luxembourg a également tout intérêt au développement de la Grande région», estime Franz Fayot, rappelant, par ailleurs, que de nombreux Luxembourgeois s’installent en France pour échapper aux prix très élevés de l’immobilier au Luxembourg.

«Ils s’en fichent de la Grande région»

Franz Fayot sur le DP

Depuis plusieurs années, le Luxembourg finance à hauteur de 50% plusieurs projets d’infrastructures transfrontaliers, ce que le gouvernement actuel est décidé à poursuivre. Mais cela ne va pas assez loin, estime Franz Fayot, qui nous révèle, après coup, les grandes dissensions internes sur ce thème, du temps de la coalition DP-LSAP-Déi Gréng: «La discussion était impossible, en particulier avec les libéraux, qui, pour beaucoup, manifestent une grande arrogance et un certain mépris vis-à-vis de la Lorraine. Ils s’en fichent de la Grande région». Le socialiste dénonce une approche «presque coloniale»: «On vient chercher vos travailleurs. Pour le reste, débrouillez-vous».

«Il ne faut pas que les Luxembourgeois aient l’impression de subir un braquage»

Olivier Jacquin, sénateur socialiste

Des arguments qui font mouche du côté des élus locaux de gauche, de l’autre côté de la frontière. Ce jeudi, le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, présidé par la socialiste Chaynesse Khirouni, a adopté à la majorité un plaidoyer pour «un financement régulier des collectivités territoriales françaises par le Luxembourg».

Une petite victoire pour le sénateur socialiste français Olivier Jacquin, qui au lieu d’une rétrocession fiscale, milite pour une extension à d’autres domaines des co-financements, avec une prise en charge à 80% par le Luxembourg, contre 50% actuellement. «Il ne faut pas que les Luxembourgeois aient l’impression de subir un braquage», justifie-t-il.

Pas de changement en vue

Une vision qu’il estime équilibrée et qu’il envisage avec optimisme. Pas certain que la réalité des négociations lui donne raison. Lui-même concède que la réforme du co-financement ne figure même pas à l’ordre du jour de la prochaine CIG.

Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, gouvernements français et luxembourgeois ont toujours été sur la même longueur d’onde pour prolonger la méthode actuelle. «Le Luxembourg est très dur en négociation. Ceux qui pensent que nous obtiendrons tout ce que nous voulons se trompent», conclut l’élu lorrain.

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