On parle beaucoup du vélo particulier (le mien, le vôtre), mais moins du vélo public (celui qui est partagé, “à tout le monde”). Pourtant, le dernier rapport de l’AAVP/ADEME et une autre étude à l’échelle européenne montrent une réalité. Le vélo public occupe désormais une place solide dans la mobilité. Services en hausse, VAE omniprésents, usages quotidiens… Voici ce que disent les données.
Le vélo public en France : un secteur plus large qu’on ne l’imagine
Le vélo public (ou le bike sharing, comme on dit outre-Manche) est partout, mais on ne s’en rend pas forcément compte. Stations de vélos en libre-service (VLS) en ville, vélos en location longue durée (VLD) dans les intercommunalités, vélos partagés sans bornes (free floating), etc.
Deux nouvelles études viennent mettre des chiffres derrière cette impression diffuse. Elles montrent que le vélo public n’est plus un simple “service annexe”, mais une offre qui structure la mobilité dans de nombreux territoires.
Un paysage du vélo public qui se densifie
D’après le Rapport du Vélo Public en France, réalisé par l’Association des Acteurs du Vélo Public (AAVP, soutenue par l’ADEME), le paysage s’est densifié en quelques années. Le document recense 411 services de vélo public, soit un maillage devenu incontournable dans la plupart des territoires.
On y retrouve près de 200 000 vélos, tous formats confondus, du VLS des grandes villes aux VLD ruraux, en passant par le free-floating toujours présent mais plus modéré.
L’étude précise que les trois quarts de ces services sont des locations longue durée (VLD), un format qui s’est installé discrètement dans le quotidien et qui s’amplifie. C’est notamment le cas en Île-de-France, avec le service Veligo Location, qui vient de dévoiler sa nouvelle offre 2026.
Le principe est simple : un vélo attribué pour une période longue, souvent plusieurs mois. Moins visible que les vélos en libre-service, mais plus structurant.
VLD, VLS, free-floating : une photographie sans filtre
Les données publiées montrent une distinction nette entre les usages.
Les VLD dominent désormais le paysage, avec une progression constante et un parc estimé autour de 140 000 vélos. Les communautés de communes en portent plus de la moitié, avec des parcs modestes mais franchisés partout, tandis que les grandes agglomérations exploitent des flottes plus fournies.
Le VLS, lui, reste stable : 77 services et environ 52 000 vélos en libre-service, toujours concentrés dans les aires urbaines denses.
Quant au free-floating, il se stabilise autour de 17 000 vélos, principalement dans les métropoles. L’étude note également une hausse de l’encadrement, après les excès que l’on connaît.
L’électrification généralisée des flottes
L’étude AAVP/ADEME est claire : 90 % des services proposent désormais des VAE. Une donnée qui confirme ce qu’on observe sur le terrain : le vélo public électrique devient la norme, en VLD comme en VLS. En parallèle, seulement 30 % des services proposent encore du vélo mécanique.
On observe aussi une montée des flottes mixtes, notamment pour les VLS, avec une combinaison de vélos électriques et mécaniques selon les territoires.
Des flottes qui se diversifient : cargos, vélos enfants et PMR
Le rapport souligne l’élargissement des usages. Les parcs incluent désormais des cargos électriques, des vélos PMR et parfois même des vélos enfants, ces derniers en forte augmentation grâce au programme “Savoir Rouler”.
On reste sur des volumes encore faibles, mais la tendance est réelle. Pour les parents et pour les collectivités, cette diversification répond à de réels besoins.
Des services qui veulent encore grandir
La projection publiée dans le rapport est sans ambiguïté : 50 % des services prévoient d’augmenter ou de diversifier leur parc, et 40 % évoquent une montée en puissance du VAE.
On voit aussi apparaître de nouvelles orientations :
– le reconditionnement, encouragé par la loi AGEC ;
– l’intégration des cargos ;
– la création de nouvelles stations pour les VLS ;
– des flottes hybrides pour répondre aux usages quotidiens.
Comme le souligne l’étude, « un service vélo bien structuré crée un usage durable et mesurable », ce qui explique ces projets d’extension.
Qui utilise le vélo public ?
Les données sont intéressantes : 46 % d’utilisatrices. Une part plus élevée que dans le vélo personnel.
Le profil type : 40 à 45 ans, usager quotidien, souvent multimodal (tram, train, bus).
Dans les territoires peu denses, la proportion de femmes augmente encore, preuve que la sécurisation perçue et l’encadrement des services VLD jouent un rôle.
Le vélo en libre-service, un investissement rentable
La seconde étude, réalisée par EY (anciennement Ernst & Young) pour Cycling Industries Europe et EIT Urban Mobility, se concentre sur les services de vélos publics en libre-service européens. Dans son préambule, elle revient notamment sur la genèse de ce type de vélos partagés.
Elle évoque notamment les premières expérimentations anarchistes aux Pays-Bas, ces witefiets mis à disposition gratuitement. Puis vinrent les premières initiatives organisées, qui fonctionnaient comme des caddies de supermarché sur un principe de jetons (ce fut le cas à Copenhague, mais également à La Rochelle).
Les années 2000 ont vu l’avènement des premiers “vrais” services de vélos publics, avec un dispositif informatisé (Vienne, Cordoue, Milan, Londres, etc.). En France, c’est à Lyon que débarquent les premiers vélos “publicitaires” (les Velo’v), rejoints deux ans plus tard par les fameux Vélib’ parisiens.
Retour sur investissement sociétal
L’étude conduite par le cabinet met en avant un point rarement mesuré : le retour sur investissement sociétal. « Selon nos estimations, l’utilisation des vélos en libre-service génèrerait chaque année 305 millions d’euros d’externalités positives en Europe », nous dit le document.
Comment ce chiffre est-il obtenu ? En calculant différents impacts directement imputables à l’utilisation de ces vélos en libre-service : baisse de la pollution atmosphérique, de la congestion automobile, des cas de maladies chroniques.
“46 000 tonnes de CO₂ évitées ; 1 000 maladies chroniques évitées ; 758 000 heures de productivité gagnées”
L’étude prend également en compte l’augmentation de la productivité due à l’activité physique. Elle souligne également que le secteur du vélo public est générateur d’emplois (donc de richesses).
Quelques chiffres :
– 1 € investi génère 1,10 € de bénéfices sociétaux ;
– 46 000 tonnes de CO₂ évitées ;
– 1 000 maladies chroniques évitées ;
– 758 000 heures de productivité gagnées ;
– 6 000 emplois équivalent temps plein.
Et selon le rapport, l’électrification des VLS pourrait porter ce rendement à 75 % d’ici 2030. Un chiffre qui, s’il se confirme, repositionne radicalement le vélo en libre-service dans la mobilité européenne.
Le vélo public n’est plus un service périphérique
Pris ensemble, ces deux rapports dressent le portrait d’un vélo public qui s’étend, s’équipe, se professionnalise et se diversifie. Évidemment, les limites restent bien connues. Les deux études rappellent aussi que le vélo public n’est pas un service sans contraintes.
Argent public et maintenance complexe
La plupart des dispositifs restent largement financés par l’argent public, avec des coûts qui grimpent dès qu’on parle de VAE ou de flottes plus grandes. La maintenance, elle, reste un casse-tête : batteries, pièces d’usure, délais de remise en service.
À cela s’ajoutent des infrastructures qui n’évoluent pas toujours au même rythme, des équipes techniques difficiles à recruter et des systèmes qui ne communiquent pas entre eux. Autrement dit, l’offre progresse vite, mais tout son environnement n’a pas encore suivi.
Toutefois, les données sont claires : le vélo public n’est plus un service périphérique. Il devient un outil du quotidien, solide, mesuré et désormais chiffré. Et comme souvent dans la mobilité, quand les usages montent, les politiques suivent. Ou l’inverse. On vous laisse choisir.
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