L’un des principaux points mis en avant est le manque d’objectif politique vis-à-vis de cette guerre pour l’Ukraine. “Sans soutien populaire, il est impossible de mener une guerre avec succès. Or, la principale forme de ce soutien réside peut-être dans l’attitude de la société, avant tout, face à la mobilisation, attitude qui a rapidement fait défaut”, analyse Zaloujny. “Les guerres sont menées à des fins politiques plutôt que militaires, et sont motivées moins par des forces physiques que par des forces idéologiques”, ajoute-t-il, en reprenant le théoricien militaire Carl von Clausewitz.
Il explique ainsi avoir tenté d’élaborer un objectif politique clair pour guider la guerre. “Mais le climat politique tendu de l’époque ne me permettait pas de donner corps à cet article. La situation politique intérieure était trop fragile.”
Le danger d’une paix rapide
Il alerte également face à la mise en place d’une paix trop rapide qui serait synonyme d’une “défaite écrasante et la perte de son indépendance”, pour Kiev. Il explique cela par les ambitions de la Russie, qui s’étendent “au-delà de l’Ukraine”.
Zaloujny voit dans une telle paix “une incompréhension des objectifs politiques de la Russie et d’un manque de vision politique propre, sans doute fondée sur les objectifs politiques potentiels des acteurs mondiaux”, faisant probablement référence aux ambitions du président américain Donald Trump.
Il met également en garde les Européens face à une attitude trop passive, en citant Benjamin Franklin : “Ceux qui renoncent à la liberté pour une sécurité temporaire ne méritent ni l’une ni l’autre”. “L’objectif prioritaire de la Russie est l’Ukraine. C’est l’Ukraine, avec son identité, son indépendance et tout son potentiel, qui devrait devenir la porte d’entrée de l’Europe”, poursuit-il, expliquant que cela est possible à cause de la faiblesse de l’action collective et des institutions internationales.
Changement de stratégie
Pour que l’Ukraine sorte victorieuse de la guerre, Valerii Zaloujny plaide pour un changement de stratégie. “C’est l’héroïsme sans précédent des citoyens ukrainiens qui a été la clé de la victoire et qui devrait être le fruit d’une position politique stable.” Selon lui, c’est l’usure qui permettra à Kiev d’imposer ses conditions.
Une critique indirecte envers Zelensky
Pour le journaliste ukrainien Konstantin Skorkin, la tribune de Zaloujny apparaît comme une critique indirecte mais claire du Président ukrainien et de son gouvernement. Il critique le manque de vision politique du pouvoir en place et critique son manque de réactivité. “Pendant que nous nous préparions à une pause-café en Crimée, à la fin de la guerre en 2023, et que nous suivions la tentative de prise de Bakhmut, la Russie orientait son économie vers l’effort de guerre, lançait une campagne de propagande, modifiait sa législation, constituait des réserves stratégiques et nous entraînait dans une guerre pour laquelle, comme en 2022, nous n’étions pas préparés”, écrit Zaloujny.
Selon le journaliste, cette tribune pourrait également être le signe de l’ambition politique de Zaloujny, qui apparaît comme un potentiel futur candidat pour les élections d’après-guerre. La date de publication, alors que le pouvoir ukrainien est fragilisé par plusieurs scandales de corruption, ne semble pas non plus anodine.