Depuis le 7 décembre, la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge est redevenue une  ligne de tension. Malgré le cessez-le-feu du 28 juillet et la déclaration conjointe de paix signée le 26 octobre à Kuala Lumpur, de nouveaux incidents armés, des mouvements de  troupes et des accusations réciproques d’incursion ont été signalés. 

Ce qui pouvait apparaître comme un énième épisode de crispation locale prend désormais la forme d’un conflit larvé inquiétant. En tant que présidents des groupes d’amitié  parlementaires France–Cambodge et France–Thaïlande, nous ne pouvons ignorer ce signal : dans cette région longtemps perçue comme stabilisée, la tentation du rapport de  force ressurgit là où la diplomatie devrait primer.  

L’Asie du Sud-Est, souvent présentée comme un espace de croissance pacifique, n’est pas  imperméable aux recompositions en cours de l’ordre international. L’affaiblissement de  certains cadres de coopération régionale, la montée des rivalités stratégiques et la fragilisation du multilatéralisme exposent des zones intermédiaires à des tensions accrues. Ces évolutions ne relèvent pas seulement d’un contentieux frontalier : elles traduisent un  moment de bascule, où l’absence de dialogue et de mécanismes de confiance fait peser un risque réel d’escalade. 

Ce retour de la conflictualité impose à la France une réflexion lucide. 

Trop souvent, les équilibres de cette région ont été considérés comme secondaires, alors même qu’ils participent pleinement de la stabilité internationale. L’Asie du Sud-Est n’est pas périphérique : elle est au cœur des dynamiques économiques, politiques et sécuritaires  contemporaines. 

La France s’est dotée d’une stratégie indopacifique ambitieuse. Celle-ci ne peut rester une  simple proclamation doctrinale. Elle doit se traduire par une présence constante : celle de  ses diplomates, de ses coopérations, de ses expertises, et surtout par une parole tenue. Dans un monde fragmenté, notre pays a une responsabilité singulière à assumer : celle d’une puissance d’équilibre, qui ne menace personne, ne prétend ni dominer ni convertir,  mais cherche à comprendre, à relier et à apaiser. 

La France a une responsabilité singulière à assumer : celle d’une puissance d’équilibre, qui ne menace personne, ne prétend ni dominer ni convertir,  mais cherche à comprendre, à relier et à apaiser

Au-delà des considérations stratégiques, la première urgence est humaine. La protection  des populations civiles, la sécurité des acteurs locaux et le respect du droit international  humanitaire doivent être pleinement garantis. Le respect du droit international, du non recours à la force et du règlement pacifique des différends demeure la seule voie durable, 

conforme aux principes de la Charte des Nations unies. Face aux tentations nationalistes et  aux logiques d’escalade, le multilatéralisme et le dialogue doivent prévaloir.  

Il n’est pas indifférent de rappeler que la frontière aujourd’hui disputée trouve en partie son  origine dans les traités franco-siamois de 1904 et 1907. C’est sur la base de ces textes que  la Cour internationale de justice a tranché en 1962, puis confirmé en 2013, l’attribution du  temple de Preah Vihear au Cambodge. Cette histoire n’accorde à la France aucun droit  d’ingérence ; elle lui confère en revanche une responsabilité particulière : celle de mettre au  service de la paix une connaissance fine de la région et une capacité de dialogue reconnue. 

Nous appelons donc le Président de la République à engager une initiative française de désescalade entre la Thaïlande et le Cambodge. Non pour s’ériger en arbitre, mais pour  offrir un espace de confiance. Le Sommet de la Francophonie, qui se tiendra à Siem Reap  en 2026, offre à cet égard une occasion précieuse.  

Nous appelons le Président de la République à engager une initiative française de désescalade entre la Thaïlande et le Cambodge

La France pourrait proposer la mise en place d’un groupe d’appui francophone, réunissant  des experts juridiques, des géographes et des spécialistes de la résolution pacifique des  différends territoriaux. Léger, neutre et proposé à la demande des parties, ce cadre pourrait  contribuer à restaurer les conditions d’un dialogue apaisé.  

Articulée avec l’Union européenne et pleinement cohérente avec les mécanismes de  l’ASEAN, une telle initiative renforcerait la confiance mutuelle et aiderait les deux États à  avancer vers une solution durable, fondée sur la stabilité et le respect de leur souveraineté.  

L’Europe se cherche, le monde se durcit et l’Asie s’inquiète. Dans cette période charnière, la  France ne doit pas se penser comme une puissance diminuée, mais comme une puissance  différente. Il nous revient de décider si elle veut être spectatrice ou actrice. Nous pensons  qu’il est de son devoir d’agir. 

Les signataires


Monsieur Thomas LAM, député des Hauts-de-Seine, président du groupe d’amitié France-Cambodge 
Monsieur Nicolas METZDORF, député de Nouvelle-Calédonie et président du groupe d’amitié France-Thaïlande 
Madame Catherine BELRHITI, sénatrice de la Moselle et présidente déléguée pour la Thaïlande du groupe d’amitié France-Asie du Sud-Est  
Monsieur Vincent ÉBLÉ, sénateur de la Seine-et-Marne Président du groupe d’amitié France-Cambodge et Laos 
Monsieur Olivier HENNO, sénateur du Nord et président du groupe d’amitié France-Asie du Sud-Est 
Monsieur Éric BOTHOREL, député des Côtes-d’Armor et membre des groupes d’amitié France-Cambodge et France-Thaïlande
Monsieur Corentin LE FUR, député des Côtes-d’Armor et membre des groupes d’amitié  France-Cambodge et France-Thaïlande 
Madame Laëtitia SAINT-PAUL, députée du Maine-et-Loire et membre des groupes d’amitié  France-Cambodge et France-Thaïlande 
Monsieur Yan CHANTREL, sénateur représentant les Français  établis hors de France et membre des groupes d’amitié  France-Cambodge et Laos et  
France-Asie du Sud-Est 
Monsieur Fabien GENET, sénateur de la Saône-et-Loire et membre des groupes d’amitié  France-Cambodge et Laos et France-Asie du Sud-Est 
Madame Béatrice BELLAMY, députée de la Vendée et membre du groupe d’amitié France-Cambodge 
Madame Annie LE HOUEROU, sénatrice des Côtes-d’Armor et membre du groupe d’amitié France-Asie du Sud-Est 
Madame Agnès FIRMIN LE BODO, députée de Seine-Maritime et membre du groupe d’amitié France-Cambodge 
Monsieur Jean-François PORTARRIEU, député de Haute-Garonne et membre du groupe d’amitié France-Cambodge 
Monsieur Stéphane HABLOT, député de Meurthe-et-Moselle 
Madame Anne GENETET, députée des Français établis 
hors de France et membre des groupes d’amitié France Cambodge et France-Thaïlande 
Monsieur David ROS, sénateur de l’Essonne  et membre du groupe d’amitié France-Cambodge et Laos 
Monsieur Daniel LAURENT, sénateur de la Charente-Maritime
Membre du groupe d’amitié  France-Cambodge et Laos 
Monsieur Akli MELLOULI, sénateur du Val-de-Marne 
Membre des groupes d’amitié  France-Cambodge et Laos et  France-Asie du Sud-Est 
Madame Laure DARCOS, sénatrice de l’Essonne et membre du groupe d’amitié France-Asie du Sud-Est 
Monsieur Laurent MAZAURY, député des Yvelines et membre du groupe d’amitié France-Cambodge 
Monsieur Frédéric VALLETOUX, député de Seine-et-Marne et membre du groupe d’amitié France-Cambodge 
Madame Marie-Do AESCHLIMANN, sénatrice des Hauts-de-Seine et membre du groupe d’amitié France-Cambodge et Laos 
Monsieur Jean-Jacques LOZACH, sénateur de la Creuse membre du groupe d’amitié France-Cambodge et France-Asie du Sud-Est