La Lune intègre la liste des patrimoines en danger : “Vous y trouvez énormément d’objets et de vestiges historiques”

L’Italie, qui a durci sa législation en la matière en 2022, est très impliquée dans la recherche de son patrimoine. En 2024, les carabiniers en charge de la protection des biens culturels ont ainsi récupéré plus de 80.000 oeuvres – dont plus de la moitié étaient des vestiges archéologiques – pour une valeur d’environ 130 millions d’euros, selon leur dernier rapport.

“En moyenne, nous récupérons environ 2.000 pièces par an provenant de l’étranger”, principalement des Etats-Unis, précise le colonel Paolo Befera, qui commande l’unité des carabiniers chargée de la protection du patrimoine culturel. Rome vient d’ailleurs de renouveler pour cinq ans un protocole d’accord en vigueur depuis 2001 avec les Etats-Unis afin de lutter contre le trafic illicite de biens archéologiques.

Concernant les vestiges saisis à Bruxelles, “une enquête a été ouverte en Belgique pour association de malfaiteurs, blanchiment d’argent, recel et usage de faux”, assure à l’AFP le procureur de Rome. Et les enquêteurs ont fait appel à l’expertise de Rome pour retracer leur origine.

Début 2025, une équipe conjointe d’enquêteurs belges et italiens est ainsi formée, donnant lieu à une procédure “un peu pilote”, souligne M. Opilio.

Le fait qu'”un pays qui saisit des pièces provenant d’un autre pays non seulement se mette à disposition, mais permette même la mise en place d’une équipe de coopération internationale afin de les restituer” est “quasiment unique”, estime le colonel Befera.

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Une vingtaine de pièces ont déjà pu être formellement identifiées comme italiennes grâce aux photos d’archives des grands trafiquants d’art figurant dans la banque de données des carabiniers. Le reste des oeuvres a fait l’objet d’une expertise.

Les vestiges datent “du VIe siècle avant J.-C. jusqu’au IIIe siècle après J.-C, et proviennent de l’Italie centrale et méridionale” ainsi que de Sicile, détaille le colonel Befera.

Afin de s’assurer leur restitution, l’Italie a émis en juillet une ordonnance de saisie et de confiscation portant sur les 283 vestiges qu’elle revendique.

Mais le projet se heurte aux dénégations des frères Aboutaam, qui estiment que la propriété des oeuvres ne peut leur être contestée.

En Belgique, Hicham et Ali Aboutaam demandent depuis plusieurs années la levée de la saisie de 2019, qui a entraîné la liquidation de leur galerie bruxelloise. Une audience a été fixée à février devant la cour d’appel de Bruxelles, selon leur avocat, Yves-Bernard Debie, joint par l’AFP.

“Depuis six ans, bientôt sept, l’enquête n’a rien démontré. Mes clients n’ont pas été inculpés”, souligne Me Debie, assurant que les oeuvres saisies “ont toutes une provenance légale documentée”.

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“En désespoir de cause, les enquêteurs échouant à démontrer une quelconque illégalité, ont demandé aux pays étrangers supposés d’origine (pourtant une oeuvre romaine n’est pas forcément italienne…) de revendiquer les oeuvres”, poursuit-il.

L’avocat belge accuse l’Italie de mener depuis plusieurs années “une politique extrêmement extensive de revendication d’objets archéologiques, qu’elle qualifie de romains, étrusques ou apuliens, en soutenant systématiquement sans preuve qu’ils seraient sortis illégalement de son territoire”.

Même son de cloche chez les défenseurs italiens des deux marchands d’art: “les documents d’enquête ne contiennent aucune preuve, même indirecte, reliant les vestiges en question à des fouilles clandestines et/ou à des exportations illicites”, insistent Francesco Emanuele Salamone et Francesca Guerriero auprès de l’AFP.

Ils soutiennent que les frères Aboutaam ont “acquis ces objets à l’étranger (et non en Italie!) auprès d’antiquaires, de collectionneurs et de professionnels du secteur de renommée internationale”.