Je n’en sais rien. Ce n’est certainement pas un hasard, mais il n’y a pas eu d’explication de la part de l’État islamique (EI). À ma connaissance, la Belgique n’a rien fait de particulièrement extravagant qui aurait pu lui déplaire : on n’est pas impliqués en première ligne sur des théâtres militaires comme le sont encore certains pays.
Voici donc une hypothèse : Bruxelles est l’endroit avec la plus grande densité de journalistes en Europe en raison de la présence des institutions européennes. En la frappant, on peut donc créer une caisse de résonance très importante. Ce qui est cependant étonnant est que l’on aurait pu penser à d’autres ennemis.
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Doit-on prendre ces menaces au sérieux ?
La communication de l’État islamique est habituellement rationnelle. Il ne revendique par exemple pas tous les actes terroristes mais les trie sur base d’une série de critères. Il n’a pas, a proprement dit, revendiqué l’attentat de Bondi Beach en Australie alors que les auteurs avaient un drapeau de l’État islamique fait main dans leur voiture.
Or, ce n’est ici pas un tel appel qui convertira quelqu’un de complètement étanche aux idées de l’islam radical afin qu’il commette un attentat. En revanche, quelqu’un qui adhère déjà aux idées de l’islamisme, mais qui n’est pas encore en passe de transposer ces idées dans un projet violent, peut se sentir validé et penser qu’il peut jouer un rôle grâce à l’État islamique.
Quel est alors le but de ce message ?
Certains pensent qu’il s’agit d’un message déclencheur. Pas moi. Si l’État islamique voulait commanditer des passages à l’acte, il le ferait par d’autres moyens de communication totalement impénétrables. Ces gens-là n’auraient pas non plus besoin qu’on leur indique quelles sont les cibles de prédilection, ils le savent déjà. Ici, l’EI parle plutôt à ceux que l’on appelle souvent les “loups solitaires”, qui trouveraient peut-être là la validation suprême avant de passer à l’acte, comme je vous le disais.
Par contre, en donnant des indications sur les lieux à frapper (églises, synagogues, fêtes…), l’objectif est de faire peur aux gens. L’État islamique vise à répandre la terreur, c’est pour ça qu’il ne faut pas surévaluer les choses. Le but est que l’on parle de lui et de ses idées.
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L’État islamique a-t-il encore des leviers en Belgique ?
Pour ce qui est de l’islamisme, qui reste la menace terroriste prépondérante, l’État islamique n’a quasiment plus de capacité à avoir des cellules commandées et financées, à part pour quelques branches de l’État islamique et d’Al-Qaïda en Asie.
À l’opposé, on a depuis quelques années des individus plutôt isolés dans le passage à l’acte, mais qui ont toujours fréquenté d’autres radicalisés. On leur fournit des armes, des papiers…
Et puis, entre les deux, on a des individus qui se regroupent au niveau local, de manière très largement autonome. Ils se placent sous la bannière d’un mouvement comme l’État islamique, tout en agissant librement, à tel point qu’il n’y a pas de revendication officielle. C’est ce que l’attentat australien a montré.
Cela dit, les éléments qui font adhérer les individus au discours de l’État islamique – besoin de réponse, sentiment d’humiliation personnelle ou par procuration, … – n’ont, eux, pas changé. Je dirais même qu’ils sont plus exacerbés qu’il y a dix ans. Avec le conflit israélo-palestinien, par exemple, le danger est que des gens qui n’ont jamais été en Palestine s’identifient à Gaza, et considèrent que ce qui est fait aux habitants là-bas leur est fait aussi. Ils se sentent humiliés, victimes d’une injustice, de discrimination. Certains risquent alors de trouver l’apparence d’une réponse à leurs besoins dans des mouvances extrêmes. Le terrorisme est un produit de la société, c’est certain.
Pour résumer, doit-on aujourd’hui avoir peur de ces menaces en tant que citoyens belges ?
Statistiquement, la probabilité de mourir dans un attentat est extrêmement faible en Belgique. Objectivement, il ne faudrait donc pas avoir peur, mais je comprends très bien que les gens puissent en ressentir. Cela dit, si on cède effectivement à la peur jusqu’à modifier son comportement, on fait le jeu des terroristes. On peut donc aussi lutter contre les terroristes en résistant à ce sentiment.