l’essentiel
En 2019, une mère de famille lance un mouvement militant pour retarder l’accès des enfants aux smartphones. Six ans plus tard, son combat continu : il fait écho aux inquiétudes des spécialistes comme de parents rencontrés à Auch (Gers).
En 2019, Marie-Alix Le Roy, mère de deux enfants, lance une action militante contre l’usage des téléphones et smartphones avant l’âge de 15 ans. “Mon action a commencé cette année-là, quand ma fille était en CE2. Il y a eu un incident à caractère pornographique”, explique la mère de famille, six ans plus tard. Alors que son enfant n’a que huit ans, elle prend alors pleinement conscience des dangers liés à l’accès précoce aux smartphones.
“J’ai commencé à réaliser que tout le monde s’apprêtait à donner un téléphone dès la sixième, et que désormais cela arrivait dès le CM1, voire le CM2. Je me suis demandé comment retarder cela”, raconte-t-elle. Pour Marie-Alix Le Roy, il devient primordial que les parents s’unissent face à la pression sociale, mais aussi face à celle exercée par les enfants eux-mêmes. Elle crée alors un groupe de parole sur le réseau social Facebook : “Parents unis contre les smartphones avant 15 ans”.
Le choix de cet âge n’est pas anodin. Il correspond à la majorité numérique, mais aussi à l’entrée au lycée. “C’est aussi l’âge où les psychologues estiment qu’il faut commencer à lâcher un peu de lest”, ajoute-t-elle.
Accompagner plutôt qu’interdire
Dans le Gers, de nombreux parents partagent aujourd’hui cette difficulté à accompagner leurs enfants vers l’âge adulte numérique. Certains estiment que donner un téléphone permettrait une meilleure intégration à l’école. Pour Laura, mère d’une petite fille, cette question est source d’inquiétude. “Ma fille est encore petite, mais on s’en approche. Je ne veux pas l’empêcher de parler avec ses amies, mais j’ai peur des personnes sur les réseaux sociaux, des arnaques, et de beaucoup de choses finalement”, confie-t-elle, rencontrée en haute ville à Auch.
Idem du côté de Manon*, maman de la petite Alba, encore à l’école primaire. “Alors je suis très partagée sur ce sujet. Le téléphone est hyper important pour la sécurité surtout aujourd’hui. Et en même temps les réseaux sociaux modifient tellement une personnalité que j’en ai peur.” Elle-même avoue ne pas se rendre compte du temps passé sur son téléphone et estime que le danger est d’autant plus important pour les enfants.
Une surexposition aux écrans aux conséquences multiples
Omniprésents dans le quotidien des familles, les écrans s’invitent désormais très tôt dans la vie des enfants. Si leur usage est devenu banal, la question de la surexposition numérique inquiète de plus en plus les spécialistes. Chez les enfants et les adolescents, une utilisation prolongée des écrans peut avoir des conséquences notables, tant sur la santé physique que sur l’équilibre psychologique et les relations sociales. Remis en avril 2024 à la demande du Président de la République, le rapport Enfants et écrans, À la recherche du temps perdu dresse un constat préoccupant. Selon Santé publique France, les 6-17 ans passent en moyenne plus de quatre heures par jour devant un écran.

La Gersoise préconise un accompagnement des enfants à travers le numérique.
DDM illustration – Sébastien Lapeyrère
Sur le plan physique, cet usage excessif peut entraîner une dégradation de la qualité et de la durée du sommeil, une baisse de l’activité physique, ainsi que des troubles visuels, notamment le développement de la myopie. Chez les plus jeunes, les écrans empiètent également sur les temps d’échange avec les adultes, pourtant essentiels au développement de l’enfant. Ces perturbations, appelées technoférences, sont susceptibles d’affecter l’acquisition du langage, les capacités d’attention, mais aussi le développement des compétences émotionnelles et sociales.
Les conséquences psychologiques suscitent également de vives inquiétudes. L’exposition répétée à des contenus inadaptés, violents, haineux ou à caractère pornographique, associée à une sollicitation permanente de l’attention, peut fragiliser l’estime de soi, générer du stress, aggraver des troubles anxieux ou dépressifs et favoriser certains troubles du comportement chez les jeunes.
Face à ces constats, les pouvoirs publics ont renforcé le cadre réglementaire. Depuis le 3 juillet 2025, les écrans sont officiellement interdits dans l’ensemble des lieux d’accueil du jeune enfant. Cette mesure, actée par un arrêté publié au Journal officiel, modifie la charte nationale pour l’accueil du jeune enfant et encadre plus strictement les pratiques des professionnels du secteur, qu’il s’agisse des assistantes maternelles ou des personnels de crèches.
Pour Marie-Alix Le Roy, le groupe “Parents unis contre les smartphones avant 15 ans” permet avant tout un échange d’expériences et de réflexions entre parents. L’objectif : aider ceux qui, comme Laura, souhaitent aborder l’arrivée du smartphone chez leur enfant de manière réfléchie et éclairée.
*Le prénom a été modifié.