L’invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022 a divisé le monde sur la position de la Russie… Mais aussi sur sa culture. Et notamment sur la musique électronique du pays, qui influence les artistes et s’exporte de plus en plus à l’international. Elle comprend de nombreux genres mais un en particulier arrive à s’exporter plus que les autres : la Hardbass. Un genre typé « hard » avec un BPM rapide qui se caractérise par sa « Donk Bass ». Retraçons son histoire.
Hardbass et culture Gopnik
La culture Gopnik, représentant à l’origine un homme de classe moyenne au niveau d’éducation bas, a été détournée et est désormais associée à une sous-culture russe distincte. Le terme « Gopnik » faisait donc référence aux habitants des banlieues russes, souvent issus de familles modestes et ayant reçu un niveau d’éducation limité.
Elle est désormais l’image d’un homme en survêtement noir avec trois bandes blanches emblématiques d’une marque de prêt-à porter sportif, buvant de l’alcool de façon déraisonnable… Et affichant un déhanché exubérant rythmé par les « Pumping Bass » de la Hardbass russe. Les Gopniks sont souvent associés à une culture de rue, avec ses propres règles et codes sociaux.
En effet, la musique électronique russe et surtout le mouvement « Hardbass », souvent porté par la culture « Gopnik », sont devenus un meme pour beaucoup. Et ce, principalement dans les jeux vidéo où il n’est pas rare d’entendre des tubes de Hardbass, par exemple dans les salons de Counter Strike ou d’autre jeux de tir.
L’exportation de la Hardbass à l’international
Depuis plusieurs années la Hardbass tente de s’exporter à l’international. En effet quelques artistes (Russian Village Boys, DJ Blyatman…), essayent de rendre le mouvement plus accessible, et de le faire sortir de Russie en incluant des refrains en anglais, ou en passant par des sonorités plus « Pop ».
On retrouve d’ailleurs les Russian Village Boys sur le line up de nombreux festivals français et européens. Vous les avez peut-être déjà vus à l’Insane Festival à Apt ou au REPERKUSOUND #19 à Villeurbanne.
De leur coté, les Little Big, ont réalisé une tournée mondiale passant notamment aux quatre coins des États-Unis. Ce groupe emblématique de la scène Hardbass russe a plus de 10 millions d’abonnés sur YouTube et des dizaines de millions de vues pour leurs clips tels que « Skibidi » ou « Faradenza« . Lesdits clips sont tous plus iconiques et déjantés les uns que les autres, et chaque nouveau son reprend les codes de différents styles de musique du monde.
Ainsi, la culture Gopnik et le mouvement Hardbass ont réussi à se faire connaître à l’international, grâce notamment aux jeux vidéo, aux festivals et aux réseaux sociaux. Mais qu’en est-il de l’évolution de ce style musical ?
L’évolution de la musique électronique russe à l’international
Depuis les années 2020, les statistiques des streams étaient en constante augmentation, cependant on remarque un plat au moment de l’invasion russe (deuxième trimestre 2022). En étudiant les courbes de streams Spotify de plusieurs artistes, l’évolution annuelle moyenne sur la période correspondant à environ 130%. Mais 2022 n’est plus synonyme d’expansion. Il faut attendre la fin de cette année-là pour voir l’augmentation reprendre.
Le chiffre le plus représentatif de ces répercussions est le nombre de « Monthly Listeners ». Contrairement au nombre de streams qui peut provenir d’un même utilisateur, le nombre d’auditeurs mensuel, quant à lui, représente chaque profil Spotify écoutant l’artiste au cours du mois.
Et là, très clairement, la statistique chute dès le mois de mai 2022, passant pour les Russian Village Boys d’en moyenne 650K à 500K en un mois. Soit une diminution d’environ 23%. Même constat pour DJ Blyatman qui voit ses streams augmenter mais son nombre d’auditeurs mensuel baisser : 1 million en février 2022 contre 540K en décembre 2024, une diminution significative de 46% d’auditeurs mensuels.
Évolution de Dj Blyatman (source : songstats)
Cela n’épargne personne, le groupe Little Big de St Petersburg, malgré une renommée bien plus grande que ses compatriotes, subit le même sort : 2 millions et demi d’auditeurs en fin d’année 2021 puis seulement 1 million en fin d’année 2024 (-60%).
Évolution de Little Big (source : songstats)Des difficultés à l’exportation ?
On voit clairement que la Hardbass russe ne parvient plus à conquérir de nouveaux auditeurs, même si le nombre de streams augmente. Ce qui laisse supposer que c’est uniquement le public de cette niche qui continue de faire vivre le mouvement. La musique a du mal à se diffuser aux oreilles de nouvelles personnes. Pire, nombreux sont ceux à avoir arrêté de streamer ce style de musique.
Et nombreux sont également les producteurs de Hardbass russe encore peu connus du public international, à l’image de XS Project, Hard Bass School, Davay et beaucoup d’autres, également touchés par ce phénomène.
Hard Bass School
La guerre en Ukraine a clairement mis un coup de frein au développement de ce style de musique, qui était émergent en dehors des frontières de la Russie, mais qui reste pourtant bien installé à l’intérieur du territoire.
La musique électronique prend de plus en plus de place en Russie, là où, avant, la musique traditionnelle et la Pop étaient majoritaires. Elle est principalement écoutée par les jeunes générations, et même l’une des filles du président aurait été aperçue jouant de la Techno sur Paris.
La fille de Vladimir Poutine, DJ à Paris ?
Le 29 novembre 2024, plusieurs médias internationaux ont relayé l’information : la fille du dirigeant russe, Vladimir Vladimirovitch Poutine, serait DJ sous un pseudonyme à Paris. Le média ukrainien TSN, en étudiant les manifestes de vols, a découvert que sa fille, née d’une relation secrète et non officielle, vivrait à Paris et serait possiblement DJ sous le pseudonyme de « Luiza Rozova ».
Pour ce qui est de la Hardbass, la part féminine dans le mouvement n’est plus à démontrer. Elles sont présentes dans la majorité des groupes d’artistes ou en collaboration sur les titres. À l’image de Loli, LERA LERA
Le mouvement Hardbass, otage du conflit
Malgré les circonstances, la Pumping Bass a de beaux jours devant elle car elle influence les artistes. Elle est reprise notamment par Dimension dans son titre avec Alison Wonderland, « Satellite », où l’on ressent dès les premiers kicks du drop l’inspiration venue de cette basse typique de la Hardbass.
À l’inverse de la plupart des pays du monde, les premiers genres de musique électronique à s’exporter à l’international sont considérés comme underground, car ils appartiennent à des niches musicales. Suite au conflit, l’export diminue, la progression de la Hardbass fait machine arrière pour retourner à l’intérieur du plus vaste pays du monde.