Parmi les quatre cercueils d’otages retenus à Gaza ramenés en Israël ce jeudi figurent ceux des garçonnets Ariel et Kfir, ainsi que leur mère.
Un choc pour toute la nation israélienne, qui espérait depuis des mois revoir les trois membres de la famille en vie.
Le pays a d’autant plus été ébranlé que la remise des dépouilles a fait l’objet d’une mise en scène macabre.

Des mois d’espoir balayés par des images déchirantes. Dans une atmosphère très lourde, l’État hébreu a recueilli ce jeudi 20 février les corps de quatre otages retenus à Gaza (nouvelle fenêtre), dans le cadre de l’accord de trêve conclu avec le Hamas le mois dernier. Parmi eux se trouvent Shiri Bibas et ses deux jeunes enfants, Ariel et Kfir, devenus le symbole de la douleur de toute une nation après l’attaque sanglante du 7 octobre 2023. 

Parti du sud de la bande de Gaza, le convoi mortuaire a rallié en tout début d’après-midi l’institut médico-légal de Tel-Aviv. La famille de l’octogénaire Oded Lifshitz a déjà confirmé qu’il se trouvait bien parmi les quatre corps. 

“Nous avons reçu la nouvelle bouleversante indiquant que Shiri Bibas, ses enfants Ariel et Kfir, et Oded Lifshitz ne sont plus parmi nous (nouvelle fenêtre)“, un “coup de poignard dans nos cœurs”, avait déjà annoncé mercredi le Forum des familles, rassemblant des proches d’otages. Le collectif a également appelé les Israéliens à manifester leur soutien ce jeudi tout au long du convoi mortuaire, pour “accompagner les morts dans leur dernier voyage”. 

Une nation toute entière endeuillée

Un appel suivi par des centaines de personnes, qui ont agité des drapeaux israéliens au bord des routes. À Tel-Aviv, la place baptisée “des otages” s’est rapidement remplie, là aussi sous une nuée de drapeaux et dans une ambiance pesante, loin des scènes de liesse lors des récentes libérations d’otages vivants. Seuls des chants diffusés au haut-parleur ont rompu le silence de recueillement. “Israël (est) en deuil”, écrit The Jerusalem Post sur son site internet (nouvelle fenêtre). “Nos cœurs – les cœurs de toute une nation – sont dévastés”, a déclaré de son côté le président israélien Isaac Herzog, tandis que le premier ministre Benyamin Netanyahou a évoqué un “jour bouleversant”. 

Israël confirme avoir récupéré les dépouilles des quatre otages.Source : TF1 Info

Israël confirme avoir récupéré les dépouilles des quatre otages.Logo lecture

Une douleur nationale à la hauteur du symbole. Pendant de longs mois, le sort de la famille Bibas avait concentré les inquiétudes, et les deux bambins roux et souriants étaient devenus le visage de la tragédie du 7-Octobre (nouvelle fenêtre). Les images de leur mère apeurée lors de leur enlèvement dans le kibboutz Nir Oz, tentant de protéger tant bien que mal sous une couverture Ariel et Kfir, respectivement âgés de 4 ans et huit mois et demi à l’époque, avaient marqué les esprits. Le Hamas avait annoncé leur décès dès novembre 2023, dans un bombardement israélien à Gaza selon lui, mais Israël ne l’avait jamais confirmé. 

Le 1er février dernier, Yarden Bibas, le père, qui avait également été pris en otage, a été quant à lui libéré vivant (nouvelle fenêtre) de l’enclave palestinienne, relançant les spéculations et les espoirs pour le reste de sa famille. Avant que le scénario du pire ne se confirme. “Il y a désormais un sentiment de très grande tristesse et de deuil collectif dans le pays”, souligne David Khalfa, chercheur à la Fondation Jean-Jaurès et auteur d’Israël, Palestine. Année zéro (Le Bord de l’eau, Fondation Jean-Jaurès). 

Choc et colère après une mise en scène macabre

La douleur est d’autant plus vive que la violence des images de la remise des corps a saisi Israël. À Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, des combattants du Hamas, aux côtés d’autres groupes palestiniens, ont exposé les quatre cercueils couverts de noir sur un podium. Une mise en scène “abjecte et cruelle”, a dénoncé l’ONU, tandis que Benyamin Netanyahou s’est dit “fou de rage” (nouvelle fenêtre) et a promis de “détruire les meurtriers”. Au-dessus des dépouilles était étendu un poster affichant le Premier ministre israélien avec un visage maculé de sang, affublé de dents de vampire. Des images ont aussi montré la présence d’au moins un combattant portant un bandeau des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, la branche armée du Fatah. 

“Il n’y a rien de plus odieux que de s’attaquer à des petits enfants, et le Hamas rajoute encore dans l’horreur en monnayant les restitutions de leurs petits corps”, ayant largement retardé ce moment depuis le début de la trêve mi-janvier (nouvelle fenêtre), a commenté le colonel Michel Goya, consultant militaire de LCI, dans la vidéo ci-dessous. 

Les dépouilles de quatre otages remises à Israël : “le Hamas monnaie le corps de petits enfants”, fustige Michel GoyaSource : TF1 Info

Les dépouilles de quatre otages remises à Israël : "le Hamas monnaie le corps de petits enfants", fustige Michel GoyaLogo lecture

Plus largement, cette séquence très violente pour les Israéliens “contribue à un désir de vengeance et une volonté d’en finir avec le Hamas, qui est toujours là, en face d’eux”. Et pourrait remettre en doute la deuxième partie de l’accord de trêve (nouvelle fenêtre), qui doit acter la libération de tous les otages, qui seraient encore 70 à être retenus à Gaza. Ses termes devraient être conclus avant le 2 mars, mais il semble “très compliqué de passer à (cette) phase”, argue le spécialiste, qui confie son “pessimisme”. 

L’accord de trêve en péril ?

“Il est fort possible qu’à partir semaine prochaine, on revienne à des hostilités, que les Israéliens reprennent leurs attaques sur le territoire de Gaza et qu’on reparte à nouveau dans un long cycle de ravages”, pose même le militaire. Un scénario très inquiétant pour les otages encore en vie, mais aussi pour la population gazaouie, “prise en étau par des gens qui ne veulent absolument pas faire la paix, des deux côtés”, déplore-t-il. 

Plus optimiste sur les perspectives à court terme, David Khalfa estime de son côté que les images sordides du jour vont pousser une grande majorité d’Israéliens à poursuivre la trêve pour obtenir la libération de tous les otages, “les confortant dans la volonté de délivrer vivants ceux qui peuvent encore l’être (nouvelle fenêtre)“. La contestation contre Benyamin Netanyahou pourrait alors s’accentuer, lui qui est accusé par une partie de l’opinion d’avoir voulu retarder le cessez-le-feu. Contrairement au président Isaac Herzog, qui a demandé ce jeudi “pardon pour ne pas avoir ramené (les otages) à la maison en vie”, le Premier ministre n’a quant à lui pas esquissé de mea culpa. 

Après près de 16 mois de captivité, le Hamas a libéré samedi 1er février l'Israélien Yarden Bibas et le Franco-Israélien Ofer Kalderon.

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Mais la situation reste “ambigüe”, la population israélienne étant en proie à des “sentiments entremêlés”, entre “très grande tristesse et colère immense”, relève le chercheur. “Avec de telles images, vécues comme une espèce de provocation, le Hamas et les autres groupes terroristes palestiniens font le jeu des éléments les plus radicaux de la coalition actuellement au pouvoir en Israël, provoquant un sentiment d’amertume et de colère et alimentant une volonté de vengeance”, analyse le spécialiste. 

Et à long terme, il estime lui aussi que toute perspective de résolution diplomatique de la guerre s’éclipse plus que jamais. “Cette mise en scène me conforte dans l’idée que le Hamas est décidément le grand fossoyeur de la cause palestinienne. À travers ces cercueils d’enfants rapatriés en Israël, c’est un peu la solution des deux États qu’on enterre”, s’alarme l’expert, pour qui le niveau de méfiance entre les deux peuples atteint actuellement “des niveaux inédits dans l’histoire du conflit”. 

Maelane LOAEC