C’est l’heure de pointe du soir. Nous attendons le train sur la ligne Luxembourg – Esch-sur-Alzette – Rodange. Sur l’un des quais de la gare centrale de Luxembourg-Ville, Lucie Fischbach regarde l’écran des horaires. Elle a raté le train précédent et attend maintenant celui de 18h21. Elle fait partie de ces nombreuses personnes qui, au pays de la gratuité des transports publics, préfèrent mettre la main à la poche pour s’offrir une quarantaine de minutes de silence par jour sur le trajet entre la capitale et Schifflange, où elle habite.
Ce silence lui coûte 75 euros par mois, mais le temps, c’est de l’argent. «C’est plus calme et plus silencieux et cela me permet de travailler dans le train, d’optimiser mes heures de trajet et d’éviter de perdre ce temps dans les embouteillages ou dans un train bruyant», explique-t-elle à Contacto.
En 2024, la vente de billets de première classe dans les trains des Chemins de fer luxembourgeois (CFL) a rapporté à l’entreprise 520.000 euros, selon les chiffres révélés à Contacto par le ministère de la Mobilité et des Transports publics ainsi que les CFL.
Depuis cinq ans, le 1er mars 2020 précisément, les bus, trams et trains sont gratuits au Grand-Duché, à l’exception de la première classe dans les trains des CFL. Ceux qui choisissent de voyager ainsi doivent acheter soit une carte journalière, soit un abonnement. Et la vente des abonnements augmente, ce qui, selon les CFL, signifie que de plus en plus d’usagers investissent dans le voyage en première classe comme une façon de voyager et non plus seulement comme une occasion unique. «Malgré une légère baisse en 2024 du nombre total de personnes voyageant en première classe (billet simple ou pass) par rapport à 2023 (-3,92%), davantage de personnes ont investi dans un pass l’année dernière (+7,9% par rapport à 2023)», a déclaré Tom Ewert, responsable de la communication des CFL.
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En chiffres absolus, 42.824 billets/abonnements de première classe ont été vendus en 2024 (303 abonnements annuels, 2.555 abonnements mensuels et 39.966 cartes journalières), alors que 47.390 ont été vendus en 2019, l’année précédant l’entrée en vigueur de la gratuité des transports. Cette baisse s’explique, selon les CFL, par le fait qu’avant l’entrée en vigueur de la mesure, «de nombreux employeurs offraient aux travailleurs un abonnement de seconde classe, et de nombreux travailleurs choisissaient de payer un supplément pour pouvoir voyager en première classe. Cette pratique a cessé avec la mise en œuvre de la gratuité des transports».
Je préfère payer pour ne pas rester debout.
Ricardo Valadas
Passager en première classe
Ricardo Valadas prend également le train de 18h21. Tous les jours, il s’assoit dans l’une des voitures en première classe. «C’est plus facile pour moi parce que je passe beaucoup de temps dans le train et que j’ai toujours une place assise. C’est surtout pour cela que je voyage en première classe, parce qu’à l’heure où je voyage, le train est toujours plein. Pour éviter de rester debout, je préfère payer», argumente-t-il.
Ricardo paie environ 35 euros par mois pour son abonnement, qui n’est valable que pour une seule ligne. Il a commencé à voyager en première classe il y a environ un an. «Avant, je prenais le train, mais c’était très fatigant. Je préfère payer pour voyager plus détendu», explique-t-il.
Des passagers sur un quai de la Gare Centrale de Luxembourg. © PHOTO: Anouk Antony
Une contrôleuse validant le billet de Valérie Docter. © PHOTO: Anouk Antony
Ricardo Valadas a commencé à voyager en première classe dans le train il y a environ un an. © PHOTO: Anouk Antony
Lucie Fischbach attendant le train à la gare centrale de Luxembourg-Ville. © PHOTO: Anouk Antony
La première classe est considérée comme plus silencieuse. © PHOTO: Anouk Antony
Certains passagers privilégient la première classe pour plus de confort. © PHOTO: Anouk Antony
Pour voyager en première classe, il faut disposer d’un abonnement. © PHOTO: Anouk Antony
Le train en direction de Rodange annoncé pour 18h21. © PHOTO: Anouk Antony
C’est d’ailleurs ainsi que les CFL expliquent que les billets de première classe ont généré plus d’un demi-million d’euros de recettes en 2024. Les passagers investissent dans ce type de billet «pour bénéficier de plus de calme et de sérénité», ajoute Tom Ewert. Alors que de plus en plus de voyageurs optent pour les pass, CFL ne doute pas de la pertinence de la démarche: «Nous continuerons à offrir ce service à bord de nos trains», affirme-t-il.
La tranquillité d’esprit après une journée de travail
Valérie Docter est une habituée des transports publics depuis 17 ans. Elle travaille comme femme de ménage et est frontalière. Elle prend le premier train à Audun-le-Tiche, change à Esch-sur-Alzette et monte dans celui qui l’emmène à Luxembourg-Ville, où elle travaille. En cumulant les trajets aller et retour, elle passe une heure de sa journée dans les trains. Avant la gratuité des transports au Grand-Duché, elle voyageait en deuxième classe. Mais depuis la pandémie de covid-19, qui a coïncidé avec l’entrée en vigueur de la gratuité, elle a commencé à acheter un billet quotidien en première classe pour être «plus détendue après une journée de travail».
Le wagon de première classe des CFL lui garantit non seulement plus de confort, mais aussi un endroit où elle peut voyager assise: «C’est aussi pour cela que je voyage en première classe. Parfois, il n’y a pas de places assises en seconde classe».
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Les voitures de première classe des trains CFL sont correctement signalées. Une porte vitrée, toujours fermée, sépare la première classe du reste du train. À l’intérieur, outre les sièges, il y a plusieurs tables et des prises de courant. Marie (nom modifié) voyage dans l’un de ces sièges, avec son ordinateur sur la petite table qui lui sert de bureau.
Dans l’agitation de la vie quotidienne, chaque heure compte. Chaque jour, elle passe une heure et demie à faire le trajet entre Belval, où elle habite, et l’école où elle enseigne dans la capitale. «J’ai un long trajet, donc je peux travailler», dit-elle, en insistant sur le fait que ce compartiment du train est plus calme, ce qui lui permet de se concentrer sur le travail qu’il lui reste à faire avant d’arriver à l’arrêt Belval. Elle paie environ 24 euros par semaine.
Outre les passagers réguliers, il y a aussi ceux qui montent en première classe ponctuellement. «De temps en temps, j’achète un billet journalier pour la première classe afin de voyager plus tranquillement», raconte un autre passager du train Luxembourg – Esch-sur-Alzette – Rodange.
De 3 euros par jour à 660 euros par an: le prix de la première classe
Tous nos interlocuteurs en première classe dans le train de 18h21 terminaient leur journée de travail. Ils avaient tous des billets différents.
La carte mensuelle pour l’ensemble du réseau coûte 75 euros, du jour où elle est validée jusqu’à 4 heures du matin le même jour du mois suivant. Ce billet mensuel permet un nombre illimité de trajets sans restriction d’itinéraire jusqu’à la frontière. Une autre alternative est la carte mensuelle courte distance, vendue au prix de 37,50 euros, qui donne droit à un nombre illimité de trajets sur un itinéraire limité et défini.
Les deux options sont disponibles sous forme de cartes annuelles, qui sont moins chères. L’abonnement annuel pour l’ensemble du réseau ferroviaire coûte 660 euros et l’abonnement courte distance 330 euros. Il existe également un abonnement spécial pour les personnes âgées de 60 ans et plus, vendu à 200 euros.
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En ce qui concerne les billets journaliers, un billet de courte durée (valable deux heures) coûte 3 euros, tandis que le prix d’un billet de longue durée (valable à partir du moment où il est émis jusqu’à 4 heures du matin le lendemain) est de 6 euros. Si vous choisissez un lot de cinq tickets de longue durée, le prix est de 24 euros. C’est également le prix d’un lot de dix tickets de courte durée.
Selon les CFL, ces tarifs sont en vigueur depuis plusieurs années et sont les mêmes que ceux qui s’appliquaient avant la gratuité des transports publics.
Les lignes avec le plus de passagers en première classe
Selon Tom Ewert, la première classe continue d’attirer de nombreux clients, notamment sur les lignes Luxembourg – Kleinbettingen – Arlon et Luxembourg – Ettelbruck – Troisvierges – Gouvy. Ce sont les lignes où le pourcentage de passagers voyageant en première classe est le plus élevé, avec respectivement 3,1% et 1,8% du nombre total de personnes transportées.
Cependant, en termes de volume de passagers, le plus grand nombre de billets et d’abonnements vendus sont utilisés sur les lignes les plus fréquentées de l’ensemble du réseau, à savoir les lignes Luxembourg – Esch-sur-Alzette – Rodange et Luxembourg – Ettelbruck – Troisvierges – Gouvy.
L’année dernière, les CFL ont enregistré un nombre record de passagers transportés. Plus de 31,3 millions de personnes ont été transportées tout au long de l’année 2024, soit une augmentation annuelle de 10% par rapport à 2023.
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Avec 9,9 millions de passagers transportés en 2024, la ligne Luxembourg – Esch-sur-Alzette – Rodange reste la plus fréquentée de tout le réseau ferroviaire national.
Cet article a été initialement publié sur le site de Contacto.
Adaptation: Antony Speciale