Vilains 13es de Premier League, les Red Devils de Ruben Amorim, qui ont rendez-vous à Lyon ce jeudi (21h) en quart de finale aller de C3, espèrent sauver une saison jusqu’ici catastrophique.
«Nous sommes peut-être la pire équipe de l’histoire de Manchester United.» Le 19 janvier dernier, suite à une cuisante défaite face à Brighton (1-3) à Old Trafford, l’entraîneur des Red Devils Ruben Amorim n’y allait pas par quatre chemins. Le technicien portugais, nommé sur le banc mancunien à la mi-novembre 2024 pour remplacer Erik Ten Hag, apparaissait déjà lessivé. Marqué par un contexte de crise souhaitable à aucun coach et sans solutions tactiques ni managériales pour relever une équipe amorphe. Depuis cette déclaration fracassante, la donne a-t-elle changé dans le nord-ouest de l’Angleterre ? À peine.
Si Harry Maguire et ses partenaires ont su dominer des adversaires à leur portée (Leicester par deux fois, Ipswich, Rangers, Bucarest…) – encore heureux -, ils ont pris la porte en FA Cup dès les 8e de finale à domicile face à Fulham (1-1, 3-4 aux tirs au but), culminent à 13 défaites en championnat (en 31 journées, la dernière en date à Nottingham Forest) et restent sur un piètre match nul (0-0), obtenu ou concédé c’est selon, contre le voisin un peu moins patraque de Manchester City. Résultat des courses, le malade tout sauf imaginaire de Manchester United végète à une vilaine 13e place en Premier League (à 7 points du Top 10 !), étant sur le point de valider son pire classement depuis 25 ans et la saison 1989-1990 (13e également), époque où la légende «Sir» Alex Ferguson, arrivée en novembre 1986, posait encore les fondations de tous ses succès connus ensuite. Une gloire exceptionnelle qui paraît si lointaine aujourd’hui.
Invaincu en Europe cette saison
«Certains joueurs ne sont pas assez bons et certains sont probablement surpayés, mais il nous faudra du temps pour façonner notre propre équipe, dont nous serons pleinement responsables, fustigeait le 10 mars dernier, à la BBC, Jim Ratcliffe, PDG du groupe britannique Ineos et copropriétaire du club depuis décembre 2023. C’est une période inconfortable et perturbatrice et je ressens de la sympathie pour les fans… Mon seul intérêt ici est de ramener Manchester United à la grandeur.» Une ambition qui contraste avec la situation économique inquiétante en coulisses – une suppression de 200 emplois supplémentaires, après les 250 de l’an passé, est prévue au club dans le cadre d’un «plan de transformation» lancé en 2024 pour éponger les pertes des cinq dernières années – mais un premier salut pourrait passer par la Ligue Europa.
Ce jeudi soir (21h), les Red Devils ont rendez-vous à Lyon en quart de finale aller de la C3. Un choc au parfum de Ligue des champions du début du siècle qui renvoie le triple vainqueur de la C1 (1968, 1999, 2008) à sa triste réalité du moment. Disons le clairement, le club vingt fois champion d’Angleterre n’est plus invité à la table des géants d’Europe et doit se contenter de parcours (très) honnêtes chez la «petite sœur» du Vieux Continent (victoire en 2017, demi-finale en 2020, finale en 2021, quart en 2023). L’Olympique Lyonnais est toutefois prévenu : la bête blessée mancunienne sait se frayer un chemin dans cette compétition, où elle est encore invaincue en dix matchs (cinq victoires et trois nuls en phase de ligue, 3e place sur 36 avant le 8e de finale face à la Real Sociedad). Et à écouter le gardien camerounais André Onana, au cœur d’une passe d’armes avec le vétéran lyonnais Nemanja Matic, le vestiaire rouge et noir respire la confiance.
Une attaque aux abonnés absents
«L’OL une très bonne équipe, mais il s’agit de nous, de ce que nous allons faire. Je pense que nous sommes meilleurs qu’eux, nous devons juste aller là-bas et montrer qui nous sommes, a déclaré dimanche le portier de «Man U», interrogé sur le match à venir au Groupama Stadium. Lui qui, en 2017, avait frustré les Gones dans le but de l’Ajax Amsterdam, en demi-finale, avant de perdre en finale face à…. Manchester United. Si nous y allons avec une mentalité de gagnant, si nous sommes concentrés, si nous restons compacts et solidaires et si nous suivons le plan de jeu, nous gagnerons le match. Bien sûr, ce ne sera pas facile, mais je pense que nous sommes bien meilleurs qu’eux.»
«Suivre le plan de jeu» est une bonne idée, encore faut-il que celui-ci soit clair. Une chose semble au moins certaine, l’équipe d’Amorim installera à Lyon un 3-4-3, système préféré et mis en place par l’ancien coach du Sporting Portugal depuis son arrivée. Pour quel rendu et quels hommes sur le terrain ? Seul joueur (ou presque) à surnager dans le marasme, le capitaine Bruno Fernandes, triple buteur lors du 8e de finale retour face à la Real Sociedad (4-1, 1-1 à l’aller), devra encore se démultiplier puisque les attaquants ne font pas le job devant lui. Le Danois Rasmus Hojlund (22 ans), recruté à prix d’or (75 millions d’euros à l’Atalanta Bergame à l’été 2023), n’a marqué… qu’un seul but en 2025. Le total sur l’année civile de son concurrent à la pointe de l’attaque, le Néerlandais Joshua Zirkzee (23 ans, acheté 43 millions d’euros à Bologne), monte, lui, à deux réalisations. Ajoutez à cela, le seul petit but en quatre mois de l’ailier argentin Garnacho (20 ans)… Vous avez dit attaque en berne ?
Le chantier reste immense
Plus bas sur la pelouse, heureusement, la défense au sein de laquelle le jeune Français Leny Yoro (19 ans) tente de s’imposer tient à peu près la baraque depuis plusieurs semaines. Mais le chantier reste immense pour un collectif vieillissant au milieu (Casemiro, Eriksen…) ou diminué par des pépins (Diallo, Mainoo…), qui vise désormais la victoire finale en Ligue Europa, histoire de sauver une saison catastrophique jusqu’ici. Un deuxième trophée dans la compétition serait synonyme de qualification directe en Ligue des champions et de dizaines de millions d’euros dans les caisses.
«Je ne suis pas naïf, pas fou, je vois bien dans quel moment nous sommes. Je peux regarder les adversaires et voir qu’il y a un grand écart, mais en tant que leader je ne peux pas dire qu’on va prendre beaucoup de temps pour le réduire. Vous devez ressentir l’urgence de faire quelque chose de mieux parce que vous n’avez pas beaucoup de temps dans un club comme le nôtre. Nous sommes pressés, c’est clair», a concédé Ruben Amorim, lucide, suite au partage des points face au rival City. Le Portugais ne cesse de le répéter : «Nous devons nous améliorer dans tous les aspects du jeu: la construction, la transition, la prise de décision dans les trente derniers mètres.»
Et d’ajouter, positif : «Les connexions sont un peu meilleures, on sent que les joueurs sont plus à l’aise à leur poste. Nous pouvons trouver des joueurs entre les lignes, nous sommes plus calmes avec le ballon donc nous sommes donc meilleurs. Mais comme je l’ai dit, nous avons encore beaucoup de choses à améliorer.» Le temps presse pour un colosse aux pieds d’argile qui ne fait plus peur à grand monde. Et sans doute pas à l’Olympique Lyonnais de Paulo Fonseca, prêt à vivre une grande soirée européenne face à un ogre dont le nom, et seulement le nom, rime encore avec prestige.