La crise de la construction au Luxembourg continue de faire des victimes. La société M2T Sàrl, à Schifflange, a été contrainte de fermer ses portes et une audience du tribunal se tiendra la semaine prochaine pour la déclarer en faillite.
Les 19 travailleurs de l’entreprise, tous portugais, se sont retrouvés sans emploi et «avec les salaires de mars encore à payer», ont déclaré vendredi à Contacto Márcio Oliveira et Luís Pedro Alves, deux employés, qui se tenaient avec d’autres collègues devant le siège de l’entreprise à Schifflange. «Nous avons également des arriérés de primes de fin d’année pour 2023 et 2024, qui n’ont pas été payées», expliquent-ils.
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Luís Pedro Alves a intenté une action en justice contre l’entreprise M2T pour non-paiement des primes de fin d’année et Márcio Oliveira va faire de même.
«La décision concernant mon affaire sera rendue le 22 avril», déclare Luís Pedro Alves, précisant qu’il s’est adressé au syndicat LCGB pour obtenir une représentation juridique gratuite. Márcio Oliveira bénéficie du même soutien juridique, bien qu’il ajoute que son affaire «est plus tardive et n’a pas encore été déposée au tribunal».
Une autre décision judiciaire importante sera rendue le mercredi 16 avril : le jugement du tribunal déclarant M2T Sàrl en faillite.
C’est depuis janvier qu’ils ont commencé à voir la situation de l’entreprise comme «plus compliquée», rappelle Márcio Oliveira. Il ajoute : «Le salaire de février a déjà été payé en retard, nous ne l’avons reçu que le 18 mars. Et celui de mars n’est toujours pas payé, nous n’allons même pas le recevoir. On nous a dit que l’entreprise était en faillite et qu’elle n’avait plus d’argent pour nous payer les salaires de mars».
La lettre de licenciement
Les deux Portugais se trouvaient avec quatre autres collègues devant le siège de l’entreprise et attendaient qu’on leur remette leur lettre de licenciement. Ils ont finalement reçu le document vendredi en fin de matinée.
«Depuis vendredi dernier, le 4 avril, six ou sept d’entre nous se sont présentés à la porte à 8 heures du matin et sont restés jusqu’à 16 heures, effectuant la totalité de leurs heures de travail. Tant que nous n’aurons pas reçu la lettre de libération, nous ne nous démobiliserons pas», a déclaré Luís Pedro vendredi matin.
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«Ce n’est qu’avec une lettre de congé que les travailleurs peuvent cesser de se rendre au travail. Sans ce document, et s’ils ne se présentent pas pendant trois jours, ils peuvent être licenciés pour un motif valable», a expliqué à Contacto Liliana Bento, secrétaire syndicale adjointe du LCGB dans le secteur de la construction, qui se trouvait avec les travailleurs à l’extérieur de l’entreprise.
«Le reste des travailleurs s’est également présenté dans les deux chantiers où ils travaillaient», a ajouté la syndicaliste, qui soutient les 19 employés de l’entreprise tout au long de ce processus, «pour garantir tous les droits auxquels ils peuvent prétendre et les aider à trouver un nouvel emploi».
«Nous sommes désespérés»
Luís Pedro Alves, 42 ans, et Márcio Oliveira, 45 ans, ont commencé à travailler dans l’entreprise le même jour en mai 2022, «il y aura bientôt trois ans».
«Notre situation et celle de tous nos collègues est compliquée. Nous sommes désespérés. J’ai trois enfants et maintenant nous allons nous retrouver avec le seul salaire de ma femme, c’est difficile», dit Márcio Oliveira. À côté, Luís Pedro Alves, père de deux enfants, a la même appréhension.
«Nous devons maintenant chercher un nouvel emploi, mais le marché est instable et incertain. Il sera peut-être difficile de trouver un nouvel emploi», soupire-t-il.
Comme ils ont déjà reçu leur lettre de décharge, ils peuvent commencer à chercher un nouvel emploi. «Nous devons encore attendre que tout soit réglé avant de pouvoir commencer à travailler ailleurs, mais nous allons déjà chercher des alternatives. Nous avons besoin de travailler», souligne Luís Pedro Alves.
«La situation est très difficile pour tout le monde»
L’un des responsables de l’entreprise, qui a demandé à ne pas être identifié, a également admis à Contacto que la «situation est très difficile» pour tout le monde. «L’affaire est déjà devant le tribunal et la faillite sera déclarée le 16 avril. Je me sens mal pour les travailleurs qui ont des familles et qui ont besoin de cela, mais je ne peux pas faire plus, nous ne pouvons pas faire plus», se désole-t-il. «Ces deux dernières années ont été très difficiles», ajoute-t-il.
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Selon lui, la crise de la construction est «l’un des principaux facteurs» qui ont conduit à la fermeture de l’entreprise créée il y a quatre ans. «Je suis associé, mais aussi salarié de l’entreprise et, bien sûr, je ne m’attendais pas à me retrouver dans cette situation. Qui crée une entreprise et s’attend à ce qu’elle doive fermer un jour ?», conclut-il.
Cet article a été publié initialement sur le site de Contacto.
Adaptation: Mélodie Mouzon