Le Luxembourg Allergy Network (LAN) fête ses dix ans cette année. L’occasion d’échanger avec la présidente de cette ASBL qui aide les personnes souffrant d’allergies alimentaires sévères.
C’est un fléau qui s’étend au Luxembourg et en Europe. Selon les données de l’Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique (EAACI), plus de 17 millions de personnes vivraient avec des allergies alimentaires sur le continent européen. Un enfant en âge d’aller à l’école sur quatre souffrirait d’une allergie. Face à cette situation préoccupante, des parents d’enfants porteurs d’une allergie alimentaire sévère ont décidé, en 2015, de se regrouper pour sensibiliser le plus grand nombre à ces pathologies, parfois très dangereuses pour la santé.
Allergie aux fruits à coque, aux arachides, aux œufs, au lait de vache, au soja, au blé, au poisson ou aux crustacés… De nombreux aliments peuvent provoquer une réaction anormale du système immunitaire à certaines protéines présentes dans les aliments. Les allergies sont donc très différentes des intolérances alimentaires, qui se caractérisent par des réactions irritatives au niveau de l’intestin. En cas d’ingestion de l’allergène, les symptômes (cutanés, gastro-intestinaux ou respiratoires) peuvent apparaître quelques minutes, voire quelques heures après la consommation de l’aliment en cause. Dans de rares cas, l’ingestion d’un allergène peut provoquer une réaction allergique très grave, voire mortelle. On appelle ce phénomène l’anaphylaxie.
Une qualité de vie dégradée
Si les symptômes d’une allergie sont récurrents, son diagnostic est, lui, parfois difficile à établir. «C’est une maladie invisible, explique Tamara Smit, la présidente de l’ASBL Luxembourg Allergy Network (LAN). Chez l’enfant, les allergies peuvent débuter dès les premières semaines de vie. Souvent, ce sont des allergies au lactose. La pose du diagnostic prend beaucoup de temps. Parfois, les symptômes ne sont pas détectés tout de suite par les pédiatres ou les médecins.»
Un retard de diagnostic dommageable. «On peut perdre quelques années et on ralentit l’introduction à la désensibilisation. Mais, au Luxembourg, le plus grand problème est le manque de spécialistes, comme les pédiatres allergologues. Il y a une très grande liste d’attente avec des enfants qui ont des signes d’allergie très graves. C’est un vrai problème, car nous voyons de plus en plus d’enfants être porteurs d’une allergie alimentaire», souligne-t-elle.
À la maison ou à l’école, la vigilance face aux allergies reste donc primordiale. Mais cette surveillance constante n’est pas sans conséquence sur le quotidien des enfants porteurs d’une allergie alimentaire sévère. «Le risque le plus important est à l’école. Car, à la maison, on peut tout gérer. Il faut donc qu’il y ait des enseignants formés sur ces sujets, notamment en cas d’urgence. Et ce n’est pas quelque chose qui est systématique dans les écoles (…) De plus, il n’y a pas encore une politique standardisée de gestion des allergies alimentaires. C’est un plan d’accueil individualisé qui est ouvert à la fois aux enfants qui ont des maladies chroniques comme le diabète ou l’asthme et à ceux qui ont des allergies alimentaires», regrette Tamara Smit.
Nous voyons de plus en plus d’enfants être porteurs d’une allergie alimentaire
Du côté des cantines, les mêmes problèmes se posent. «Les restaurants scolaires travaillent tous très différemment au Luxembourg. Certains peuvent accueillir des enfants avec des allergies et d’autres non. Mais dans la plupart des cas, ils rentrent chez eux pour manger le midi. Ce qui, forcément, a des conséquences sur l’organisation de travail des parents», explique la présidente de l’ASBL.
À l’école, les enfants porteurs d’une allergie peuvent aussi parfois souffrir d’une certaine stigmatisation. «Ils peuvent se sentir exclus quand ils ne mangent pas comme les autres ou ne font pas certaines activités. Les parents ont peur de les faire participer aux anniversaires de leurs amis. Cela a un vrai impact sur leur qualité de vie, mais aussi sur celle des parents. En tant que maman de jumeaux ayant une allergie aux fruits à coque, je redoute toujours les appels de l’école.»
L’association compte sept membres bénévoles au sein de son comité.
Sensibiliser dès le plus jeune âge
C’est en réaction au désarroi ressenti par les parents que l’association Luxembourg Allergy Network a été constituée, il y a dix ans. «Notre objectif principal est d’apporter un soutien aux familles, car nous sommes tous des parents ayant des enfants porteurs d’une allergie alimentaire. Quand on apprend que notre enfant souffre d’une allergie, on peut se sentir seul. En parler avec d’autres parents peut être rassurant. Nous faisons également des actions de sensibilisation dans les écoles et auprès du grand public, dans les centres commerciaux.»
Si certaines allergies peuvent disparaître au fil du temps, la plupart d’entre elles restent présentes tout au long de la vie d’un individu. Alors, une fois sortis de l’école, les adultes allergiques doivent faire face à d’autres problèmes. Bien qu’aujourd’hui de nombreux efforts aient été faits du côté des industriels avec la présence des allergènes sur les étiquettes des produits, pour Tamara Smit, cela n’est pas encore suffisant. «La liste des 14 allergènes est obligatoire. Mais la mention « peut contenir des traces d’un certain type d’allergène » peut induire en erreur le consommateur. Il y a donc beaucoup de confusion et cela limite ses choix.» La présidente de l’association espère encore d’autres avancées pour les personnes souffrant d’une allergie au Luxembourg ou en Europe.
À l’heure actuelle, les fabricants de denrées alimentaires vendues dans l’Union européenne doivent mentionner 14 allergènes en vertu de la législation européenne. Il s’agit des céréales contenant du gluten, du lait, des œufs, des noix, des arachides, du soja, du poisson, des crustacés, des mollusques, du céleri, du lupin, du sésame, de la moutarde et des sulfites. Cette liste est susceptible d’évoluer.