Actuellement, les pays membres de l’OTAN doivent consacrer 2 % de leur PIB à leur budget militaire, mais cet objectif pourrait bientôt être relevé. En amont, les Alliés envisagent de redéfinir ce qui peut être comptabilisé comme une dépense de défense.
L’objectif pourrait bientôt être porté à 5 % du PIB. C’est en tout cas ce qu’a réclamé le secrétaire d’État américain Marco Rubio lors d’une visite à Bruxelles au début de l’année. Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, serait d’accord avec cette proposition, a rapporté l’agence de presse Reuters vendredi 2 mai.
Il s’agit d’une hausse significative par rapport à l’objectif actuel de 2 %, qu’un tiers des alliés n’atteint par ailleurs toujours pas.
Même si l’OTAN n’impose pas de sanctions aux États qui ne respectent pas cet objectif, la crainte que les États-Unis réduisent leur engagement – voire quittent l’Alliance – motive les Européens à redoubler d’efforts, surtout face aux critiques récurrentes de Donald Trump.
Peu désireux d’augmenter les impôts ou de réduire les dépenses sociales, notamment les retraites, les pays européens ont choisi d’élargir la définition des dépenses militaires. Cette initiative vise à anticiper les débats attendus lors du sommet de l’OTAN prévu en juin à La Haye, où Donald Trump pourrait de nouveau dénoncer l’écart de 307 milliards d’euros entre les dépenses américaines et celles des Européens et Canadiens.
Revoir les calculs
Alors que le premier cycle de négociations sur un nouvel objectif s’ouvre ce mois-ci à Bruxelles, l’idée d’élargir la définition des dépenses de « défense » fait son chemin dans les couloirs du siège de l’OTAN et dans les capitales nationales.
Actuellement, par « dépenses de défense », l’OTAN entend les investissements effectués « dans le but exprès de répondre aux besoins des forces armées du pays, des Alliés ou de l’Alliance ».
Sont pris en compte les achats d’équipements militaires et la R&D dans ceux-ci, la construction d’infrastructures, les opérations à l’étranger, les salaires et pensions militaires et du personnel civil d’organismes militaires.
Pour ce qui est des technologies à double usage (civil et militaire), ces dépenses ne peuvent être comptabilisées « que si l’on peut comptabiliser ou évaluer isolément le coût de la composante militaire » (aérodromes, services météorologiques, aides à la navigation, services d’achat mixtes et R&D).
En revanche, des éléments tels que l’aide militaire à l’Ukraine, la réaffectation de ponts et de routes à des fins militaires ou la protection des infrastructures critiques sont exclus.
Ce mode de calcul favorise des pays comme les États-Unis ou la Pologne, qui investissent massivement dans l’équipement de défense ou versent des salaires élevés à leurs militaires. Autant d’éléments qui font grimper leurs statistiques.
De plus en plus d’États membres de l’Alliance réclament une révision de cette formule.
Selon Reuters, Mark Rutte propose un modèle mixte : augmenter les dépenses militaires « classiques » à 3,5 % du PIB et introduire un objectif supplémentaire de 1,5 % dédié à la sécurité au sens large, soit un total de 5 %.
Cette redéfinition permettrait de reconnaître que la sécurité nationale dépend aussi d’autres secteurs, comme la recherche technologique ou la résilience des infrastructures, affirment plusieurs diplomates.
Le fait que Mark Rutte ait présenté une telle proposition suggère que les États-Unis sont réceptifs à ce plan, puisqu’il est d’usage que le chef de l’Alliance respecte la position de la plus grande puissance militaire du groupe.
Privilégier la qualité plutôt que la quantité
L’Allemagne et la France défendent depuis longtemps une approche qualitative des dépenses militaires, plutôt que de se focaliser sur les chiffres bruts. L’option envisagée par Mark Rutte les contraindrait cependant à combiner les deux approches.
Avec une définition élargie du « partage des responsabilités », les contributions indirectes, comme le soutien à l’Ukraine ou la réduction de la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, pourraient aussi être prises en compte. D’après le Center for Strategic and International Studies, cela permettrait à treize pays de dépasser les 4 % du PIB consacré aux dépenses de défense. Mais cela ne serait toujours pas le cas de la France ou de l’Allemagne.
Un objectif à 5 % rapprocherait les niveaux de dépenses de l’OTAN de ceux de la Russie et de la Chine. Moscou y consacre environ 6,7 % de son PIB, et Pékin vise 7,2 % en 2025.
Cependant, atteindre un tel niveau demandera du temps. Trois diplomates européens soulignent qu’un étalement dans le temps sera nécessaire pour ne pas mettre en péril les finances publiques des pays alliés. « Les négociations ne portent pas seulement sur le chiffre, mais aussi sur le calendrier », a expliqué l’un d’eux.
Au siège de l’OTAN, personne ne souhaite que la réunion de juin dégénère en une dispute comme celle du sommet de Bruxelles en 2018, où Donald Trump avait publiquement critiqué l’ex-chancelière allemande Angela Merkel pour le sous-investissement de son pays dans la défense – à supposer toutefois que Donald Trump soit présent au sommet.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]