Trois jours seulement se sont écoulés entre le discours de Luc Frieden (CSV) à la Chambre des députés et le point de presse du ministère de la Défense, Yuriko Backes (DP), ce vendredi. Ces derniers ont toutefois suffi à mettre à mal la stratégie actuelle du Luxembourg au sein de l’OTAN, du moins sur le plan fiscal. Conformément à la nouvelle feuille de route, le gouvernement veut consacrer pas moins de 1,18 milliard d’euros à la défense avant la fin de l’année en cours. Une somme qui représenterait, à l’heure actuelle, exactement 2% du revenu national brut (RNB) luxembourgeois.
Si le Luxembourg s’est fixé cet objectif ambitieux, c’est sans aucun doute en raison de la présence de Donald Trump à la Maison Blanche depuis quelques mois. Mais il existe certainement aussi une certaine pression de groupe mise au sein de l’OTAN, du fait que «tous les alliés, à l’exception de notre pays, ont entre-temps également annoncé vouloir atteindre les 2% cette année», comme le déclarait ce vendredi à la presse Yuriko Backes.
«Il est également clair que l’OTAN et de nombreux partenaires de l’OTAN s’attendent à ce que le sommet de La Haye, en juin, confirme que chaque pays a atteint ces 2%». Backes parle ainsi dans ce contexte de «pressions considérables» et de «l’isolement du Luxembourg». Deux facteurs qui n’auraient plus laissé le choix au gouvernement et auraient poussé ce dernier à agir.
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Nous avons cherché des projets qui ne nécessitent pas beaucoup de ressources. Nous n’avons donc pas besoin de nouvelles personnes.
Yuriko Backes
Ministre de la Défense
«Nous avons cherché des projets qui ne nécessitent pas de nouvelles ressources importantes. Ce qui signifie que nous n’avons pas besoin aujourd’hui de nouveaux interloculeurs» a expliqué la ministre au moment d’évoquer les options choisies pour les nouveaux investissements. De plus, ces derniers doivent garantir un «certain retour sur investissement» pour le Luxembourg, ce qui signifie que les entreprises luxembourgeoises doivent pouvoir en profiter.
Plus d’aide pour l’Ukraine
Le budget militaire pour 2025 prévoyait initialement un volume d’investissement d’environ 800 millions d’euros. Ce qui représentait donc un ratio de dépense de 1,32% du RNB. L’augmentation se chiffre à quelque 402 millions d’euros. Mais cela ne signifie toutefois pas que la totalité de ce montant doit être directement imputée aux investissements militaires au et pour le Luxembourg.
En effet, le montant total tient compte aussi des prestations de soutien luxembourgeoises en faveur de l’Ukraine. Celles-ci sont en outre inscrites depuis le début de l’année sur une ligne budgétaire indépendante. Ainsi, le montant de l’aide n’est plus soumis à l’évolution de la conjoncture et peut donc être échelonné de manière plus autonome, par exemple, lorsque l’Ukraine aura moins besoin d’aide à un moment donné.
Cette année, le gouvernement avait déjà prévu 90 millions d’euros à cet effet. Pour atteindre l’objectif des 2%, 30 millions d’euros supplémentaires doivent désormais être mis à disposition. Selon le ministère, seuls les 90 millions d’euros seront provisoirement imputés sur les 402 millions d’euros, de sorte que 312 millions d’euros doivent encore être planifiés ou dépensés d’ici la fin de l’année.
Autre investissement: la recherche et le développement (46 millions d’euros), avec un accent sur le développement de drones au Luxembourg et la poursuite du projet Skydweller, ainsi que des dépenses à hauteur de 115 millions d’euros dans d’autres ministères dont les missions contribuent également à la défense et à la résilience du Luxembourg.
Les drones ne sont explicitement pas des drones de combat, mais ils peuvent être mis à disposition de l’Ukraine dans le cadre de l’aide à ce pays, a souligné Backes.
Les entreprises luxembourgeoises doivent en profiter
Pour l’important projet central de satellite «GovSat-2», 105 millions d’euros sont prévus dans le cadre de l’augmentation du budget. «Le premier satellite est presque entièrement exploité. C’est pourquoi nous voyons un besoin évident d’un deuxième satellite. De plus, cela s’inscrit dans la politique plus large du gouvernement d’investir davantage dans l’espace et de renforcer la position du Luxembourg dans ce secteur», a expliqué Backes.
Nous nous sommes également fixé pour objectif d’intégrer l’industrie luxembourgeoise dans les chaînes d’approvisionnement internationales de la défense.
Yuriko Backes
Ministre de la Défense
Afin de libérer des ressources financières à cet effet l’année prochaine, d’autres projets, dont la réalisation était prévue pour 2026, seraient avancés.
«Nous nous sommes en outre fixé comme objectif, d’une part, d’intégrer l’industrie luxembourgeoise dans les chaînes d’approvisionnement internationales de la défense et, d’autre part, de collaborer activement à la construction de la base industrielle et technologique de la défense», a déclaré Backes en faisant référence au «return on investment» souhaité des dépenses luxembourgeoises en matière de défense.
Dans ce domaine, un travail est mené en collaboration avec l’agence luxembourgeoise pour l’innovation Luxinnovation. Cette dernière a, entre autres, cartographié le paysage des entreprises luxembourgeoises, avec un accent particulier sur les entreprises proposant des produits à double usage.
On ne sait pas encore si cet effort de guerre de 2% sera renouvelé l’année prochaine. Et ce n’est pas au Luxembourg que se prendra cette décision. En juin, les pays de l’OTAN se réuniront pour leur prochain sommet dans la capitale néerlandaise La Haye. C’est là-bas que seront prises les décisions. Et la plupart des interlocuteurs s’attendent à voir de nouveaux objectifs être fixé au niveau de l’OTAN. Des objectifs qui exigeront encore plus d’efforts de la part des pays membres de l’alliance.
Cet article est paru initialement sur le site du Luxemburger Wort.
Adaptation: Julien Carette