Circulation lente aux heures de pointe, chantiers de construction, contrôles aux frontières, bureaux des impôts qui soudainement «imposent des taxes supplémentaires»… «L’attractivité du Luxembourg en tant que lieu de travail pour les artisans allemands a certainement souffert au cours des dernières années», explique Tom Wirion, directeur général de la Chambre des métiers du Luxembourg.

«L’augmentation progressive du salaire minimum allemand et la réinterprétation de l’accord fiscal ces derniers mois, ainsi que le volume de trafic en constante augmentation, incitent les travailleurs allemands à réfléchir à deux fois avant de s’installer au Luxembourg.»

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Les chiffres pour 2024 montrent une stagnation des déplacements domicile-travail allemands depuis 2020, tandis que le nombre de travailleurs belges a augmenté de 9% et celui des travailleurs français de 14% sur la même période.

Parallèlement, les frontaliers français et allemands sont depuis peu confrontés à la question de la «taxation rétroactive» dans leur pays d’origine. Est-il encore judicieux de venir travailler au Luxembourg?

En 2024, le pays comptait environ 125.000 frontaliers en provenance de France, 52.000 d’Allemagne et 51.000 de Belgique. Près de la moitié des salariés du secteur privé viennent de là.

De longs trajets et des contrôles aux frontières fastidieux

Les contrôles aux frontières, associés à un important chantier de construction du côté allemand, entraînent des retards importants dans les temps de trajet. D’un point de vue économique, la restriction du libre-échange et de la circulation des personnes représente un net recul pour l’artisanat luxembourgeois, explique la Chambre des métiers. Et d’un point de vue émotionnel, les contrôles aux frontières seraient en contradiction avec l’esprit européen.

Interrogée, la Chambre de commerce a expliqué que toute entrave à la mobilité des travailleurs, déjà difficile en raison des infrastructures sous-dimensionnées, porterait atteinte à l’attractivité du Luxembourg en tant que lieu d’emploi.

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Au lieu de contrôles aux frontières, elle appelle donc à «la mise en œuvre rapide d’une politique européenne coordonnée en matière de migration et de sécurité au lieu d’actions nationales unilatérales».

La Chambre de commerce rappelle que, selon les attentes de la génération Z, le critère principal lors du choix d’un emploi est le temps de trajet, qui devrait idéalement être compris entre 30 et 60 minutes. «Pour les jeunes, cet aspect est plus important que le salaire, les avantages sociaux ou le bien-être au travail, car il a un impact direct sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée», explique la Chambre de commerce.

Les entreprises ont dû s’adapter par nécessité, explique Marc Kieffer de l’association industrielle Fedil. «Par exemple, les gens peuvent commencer à travailler plus tôt pour mieux traverser la circulation le matin.»

Et quand ils finissent de travailler vers 15 heures, ils rentrent chez eux avant l’heure de pointe du soir. Mais cela ne fonctionne pas dans tous les secteurs. «D’autres entreprises tentent d’amortir l’impact avec le télétravail, mais cela ne fonctionne pas pour toutes les professions, et pour les frontaliers, c’est aussi limité par les impôts et la sécurité sociale», explique M. Kieffer.

Il espère que la perturbation des déplacements n’est qu’une «mauvaise expérience temporaire» et souligne que le Luxembourg a déposé une objection contre les contrôles aux frontières auprès de la Commission européenne.

La fiscalité dans le pays d’origine

Ces derniers temps, les frontaliers ont également dû faire face à la question désagréable de la fiscalité, qui n’était jamais un problème auparavant. Les autorités fiscales allemandes ont par exemple découvert qu’elles pouvaient ensuite taxer les heures supplémentaires qui étaient exonérées d’impôt au Luxembourg.

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Cela a incité le Luxembourg à introduire en juillet dernier un crédit d’impôt pour amortir les conséquences pour les frontaliers allemands à travers l’«Entlaaschtungs-Pak».

Toutefois, la mesure ne s’applique qu’aux heures supplémentaires d’un montant égal ou supérieur à 1.200 euros, et pour les heures supplémentaires d’un montant égal ou supérieur à 4.000 euros, le taux maximal de crédit d’impôt est de 700 euros. Selon l’OGBL et le LCGB, cette mesure ne couvre qu’environ 35% de la charge fiscale supplémentaire.

De leur côté, les salariés originaires de France sont désormais pleinement soumis à la convention fiscale signée entre le Luxembourg et la France en 2018, qui a été mise à jour par un avenant en 2019.

Pour les frontaliers aux revenus mixtes, cela peut entraîner une augmentation d’impôt significative, car les revenus luxembourgeois avant déduction des cotisations sociales déterminent le taux d’imposition appliqué aux revenus français dans la déclaration fiscale française. Cela a conduit à des manifestations et, en mars, à des blocages de routes par des frontaliers français.

Le salaire minimum est-il toujours attractif?

La différence entre le niveau de salaire payé au Luxembourg et celui des pays voisins est un argument majeur en faveur du travail au Luxembourg. Le Trierische Volksfreund a récemment rapporté que le salaire minimum allemand avait déjà dépassé celui du Luxembourg en termes de pouvoir d’achat. C’est le résultat d’une étude de la Chambre des salariés. Il y a cependant une petite erreur dans cette affirmation, du moins en ce qui concerne les frontaliers.

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En fait, le salaire minimum allemand s’est rapproché de très près du salaire minimum luxembourgeois et, à 12,82 euros, il atteint désormais 84,1% du salaire minimum luxembourgeois. À 15 euros de l’heure, le ratio avec le Luxembourg sera de 96% à partir du 1er janvier 2026.

Selon l’étude, le salaire minimum en standard de pouvoir d’achat est de 1.992 euros en Allemagne et de 1.969 euros au Luxembourg. Cette dernière ne s’applique toutefois qu’aux salariés au salaire minimum qui résident également au Luxembourg. Parce que le standard de pouvoir d’achat indique «combien pouvez-vous vous permettre avec votre salaire dans votre propre pays».

Cependant, celui qui gagne le salaire minimum luxembourgeois et vit en Allemagne, où la plupart des prix sont plus bas, a un pouvoir d’achat supérieur au chiffre annoncé de 1.969 euros.

À cet égard, le salaire minimum allemand n’a pas dépassé le salaire minimum luxembourgeois en termes de pouvoir d’achat des frontaliers. De plus, le salaire minimum luxembourgeois vous rapporte environ 300 euros net de plus que si le montant était imposé en Allemagne.

La pénurie de main-d’œuvre s’aggrave

Les distances de déplacement plus longues, la possibilité limitée de travailler à domicile et la nécessité de remplir une déclaration d’impôts dans son pays d’origine et d’y payer des impôts supplémentaires érodent l’attrait du Luxembourg en tant que lieu d’implantation pour les employés.

Si vous voulez attirer des employés hautement qualifiés, vous devez être attractif.

Marc Kieffer

Secrétaire général de l’association industrielle Fedil

«Je suis convaincu que nous resterons attractifs à l’avenir. Nous bénéficions de nombreux avantages, comme de bons salaires nets, de faibles cotisations sociales et un salaire minimum, très attractif également pour les frontaliers», complète Marc Kieffer. De plus, les salaires au Luxembourg sont indexés uniformément, ce qui signifie que lorsque le coût de la vie augmente, tous les salaires augmentent automatiquement quel que soit le secteur, ce qui n’est le cas dans aucun pays voisin.

Dans le même temps, M. Kieffer souligne qu’il y a eu un changement général de mentalité depuis le Covid, avec une importance croissante accordée à l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

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«Si vous voulez vraiment attirer des employés compétents et hautement qualifiés, vous devez être attractif», explique Marc Kieffer. Les entreprises doivent de toute façon payer des salaires élevés, car elles sont en concurrence non seulement avec des entreprises européennes, mais aussi avec des entreprises situées au-delà des frontières de l’Europe.

Cette bataille pour les employés va s’intensifier à mesure que la génération du baby-boom prendra sa retraite, que la pénurie de travailleurs qualifiés augmentera, et avec elle la lutte pour les talents.

Au Luxembourg, le Haut comité pour l’attraction, la rétention et le développement de talents du ministère de l’Économie débutera donc ses travaux cet automne. Il vise à aider le gouvernement à remédier à la pénurie de main-d’œuvre et à promouvoir la compétitivité du pays.

Cet article a été publié initialement sur le site du Luxemburger Wort.                          

Adaptation: Antony Speciale