Publié25. juin 2025, 11:34
Santé: «Le vitiligo impacte très fortement la qualité de vie»
En Suisse, moins de 1% de la population souffre de vitiligo. Pour «20 minutes», un dermatologue décrypte les a priori liés à cette maladie méconnue qui blanchit la peau.
Depuis que Winnie Harlow a débarqué sur les podiums, le vitiligo, on voit tous de quoi il s’agit: une maladie qui décolore la peau. Mais c’est à peu près tout. Car malgré la médiatisation du mannequin canadien, cette affection – qui touche entre 15’000 et 33’000 personnes en Suisse – continue à nourrir d’innombrables a priori. Surtout chez les jeunes. Ainsi selon une étude française publiée en 2024, seul un collégien sur trois accepterait un contact physique avec quelqu’un souffrant de vitiligo. À l’occasion de la Journée mondiale du vitiligo, ce 25 juin, le Professeur Curdin Conrad, médecin-chef au Service de dermatologie du CHUV, à Lausanne, décrypte pour «20minutes» les principales idées reçues sur cette maladie méconnue.
Le vitiligo, c’est contagieux
«Le vitiligo est une maladie chronique auto-immune, ce qui veut dire que la réaction immunitaire de l’organisme, qui est normalement dirigée vers des pathogènes comme des bactéries ou des virus, se retourne contre le corps lui-même. Dans le cas présent, elle détruit les mélanocytes, les cellules qui pigmentent la peau. Dans les zones où elles ont disparu, la peau est totalement blanchie – ça peut aussi être le cas des poils ou des cheveux. Mais la maladie n’est pas du tout transmissible. Et n’a rien à voir avec un manque d’hygiène, c’est absolument clair.»
Le vitiligo ne touche que les Noirs
«Le vitiligo peut toucher toutes les ethnies et couleurs de peau. Il arrive que des personnes au teint très clair ne réalisent même pas qu’elles en sont atteintes et ne s’en aperçoivent qu’en été, car les lésions apparaissent sur la peau au moment où elles bronzent. Chez les patients à la peau foncée, les zones dépigmentées, typiquement le visage ou les mains, sont évidemment plus visibles. Ce sont donc surtout ces personnes-là qui sont le plus stigmatisées. Le cas du mannequin Winnie Harlow, qui a fait du vitiligo sa signature, est très exceptionnel; la plupart des malades souffrent fortement du regard de la société.»
Le vitiligo n’est pas dangereux
Si la maladie n’est, en soi, pas mortelle, son impact peut avoir des conséquences graves sur la santé. «Lorsque la peau est totalement dépigmentée, elle n’a plus aucune protection contre les UV, explique le Professeur Conrad. Les malades doivent donc impérativement se protéger du soleil.» Mais le vitiligo a surtout un fort impact social et socio-économique. «Le niveau de formation est souvent plutôt bas chez ces patients, qui souffrent fréquemment de dépression, d’anxiété ou d’alcoolisme. Avec les comorbidités que cela entraîne. Même dans un pays riche comme la Suisse, le vitiligo impacte très fortement la qualité de vie.»
Le vitiligo est une nouvelle maladie
La Bible et le Coran mentionnent le vitiligo, ce qui laisse entendre que la maladie est connue depuis des millénaires, affirme Curdin Conrad. «Mais pendant des siècles, on a confondu cette maladie avec la lèpre qui peut aussi causer des taches hypopigmentées sur la peau, dit le dermatologue. Les patients atteints de vitiligo étaient donc complètement exclus de la société, comme les lépreux. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles ils sont encore aujourd’hui stigmatisés. La maladie reste mal comprise, et c’est un problème majeur.»
Le vitiligo ne se soigne pas
«Pendant longtemps, il n’existait pas de traitement spécifique, confirme le Professeur Conrad. Le vitiligo restait considéré comme une maladie esthétique qu’il suffisait de camoufler avec du maquillage. Les poussées étaient traitées par des corticoïdes. Et l’on associait cela à de la photothérapie pour repigmenter les zones blanchies.» Depuis début juin 2025, une nouvelle crème spécifique contre la dépigmentation du vitiligo – l’Opzelura, développée en Suisse romande – est remboursée par les assurances maladie. Et, selon le médecin, «de nouvelles approches thérapeutiques vont probablement suivre dans le futur».
Si le top model canadien Winnie Harlow (photo) a fait de son vitiligo sa marque de fabrique, elle n’est pas la seule personnalité à avoir révélé en être atteinte. C’est aussi le cas des acteurs John Hamm (de la série «Mad Men») et Michaël Youn, de l’animatrice de télévision Nathalie Simon ou de l’ex-Premier ministre français Édouard Philippe – le blanchiment progressif de sa barbe était dû au vitiligo. Enfin, Michael Jackson en souffrait aussi, a confirmé l’autopsie du King of Pop.