Opinion

Chronique internationale –

Quand l’OTAN met les Européens sur le banc de touche

Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio.

BotTalk

Depuis plusieurs années, l’Alliance atlantique renforce sa domination tandis que les Européens s’effacent. Alors que l’Union européenne devrait s’affirmer comme acteur stratégique autonome, elle reste enfermée dans un ordre dominé par Washington. Sous l’impulsion de Donald Trump, la pression pour atteindre les 2% du PIB en dépenses militaires a rouvert un débat essentiel: l’Europe peut-elle encore définir sa propre sécurité, ou devient-elle un simple appendice de l’Amérique?

Depuis la fin de la guerre froide, les Européens ont réduit leur effort militaire. Le sommet de Newport en 2014 a fixé cet objectif des 2%, dont 20% en équipements. En réalité, seuls quelques pays (Royaume-Uni, Pologne, Grèce, Estonie) s’en approchent. La majorité reste en retrait, tandis que les États-Unis assument près de 70% des dépenses totales de l’alliance, accentuant leur prééminence dans les décisions stratégiques.

L’arrivée de Trump a brutalement placé les Européens face à leurs responsabilités. Ils ont réagi non par conviction stratégique, mais par peur de perdre l’appui américain. Ce chantage a révélé un paradoxe fondamental: l’Europe réclame davantage d’autonomie, mais sans volonté politique ni moyens réels pour l’assumer.

L’Union européenne reste dépourvue de défense propre. Elle dépend de l’OTAN – donc des États-Unis – pour sa sécurité collective. Malgré l’adoption de la boussole stratégique en 2022 et quelques fonds dédiés, les initiatives européennes peinent à émerger, faute de coordination, de budget et d’ambition commune.

En s’alignant systématiquement sur les États-Unis, l’Europe compromet son influence mondiale. Elle devient une ombre diplomatique de Washington. Les divisions internes sur des sujets comme l’Ukraine, la Russie ou l’autonomie stratégique montrent une UE incapable de parler d’une seule voix. Cette fragmentation affaiblit sa crédibilité.

Pourtant, une opportunité historique existe. L’Europe peut investir dans sa propre défense, mutualiser ses moyens et bâtir une stratégie commune. Il ne s’agit pas seulement d’augmenter les budgets militaires, mais de construire une véritable autonomie stratégique: capacités industrielles, cyber, technologiques, forces de réaction rapide. Le danger n’est plus seulement géopolitique, il est existentiel. Si l’Europe ne reprend pas la main, elle cessera d’exister comme puissance indépendante. Il est encore temps d’agir. Mais le temps presse.

Homme en costume bleu, chemise blanche et cravate rose, sur fond noir.

Sébastien Boussois, docteur en science politique et directeur de l’IGE (Institut géopolitique européen)

0 commentaires